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Peu de visiteurs des festivals et évènements régionaux des quatre coins du Québec savent que les fêtes auxquelles ils assistent génèrent des tonnes de déchets. Du compostage à la vaisselle biodégradable, les organisateurs d’évènements d’envergure mènent plusieurs initiatives de récupération et de recyclage qui font effet. Toutefois, la route vers les évènements carboneutres n’est pas encore franchie.
Aux portes de la Mauricie, la paisible ville de Saint-Tite compte 3 900 citoyens. Aux premiers jours de septembre, les Saint-Titiens voient apparaître à l’horizon une horde de véhicules motorisés, montés par des cowboys venus acclamer le rodéo et danser en ligne pour 10 jours. Durant l’épique Festival Western de Saint-Tite, la ville se transforme en campement digne du Far West. Pas moins de 600 000 visiteurs – 150 fois la population normale de la municipalité – s’installent dans les champs, les parterres, les arrière-cours des commerçants du village.
Ces festivités, lancées par l’industrie forestière et du cuir, génèrent des retombées financières de 50 millions de dollars par année. Elles font fleurir la municipalité, mais génèrent plus de 225 mètres cube de matières résiduelles par année.
Pascal Lafrenière, le président du festival Western de Saint-Tite, est conscient de l’impact environnemental majeur de l’événement. En septembre, il mettra à l’épreuve son premier plan de développement durable. « Il y a un défi logistique important et nous devons y aller par petits pas pour réussir. Cette année, nous utiliserons un système de traitement des eaux usées certifié écologique, le programme sera imprimé sur du papier recyclé et les verres à bière seront remplacés par des canettes. » De plus, trois trajets vers Saint-Tite sont exceptionnellement offerts à travers VIA Rail durant l’événement, souligne le président.
Des régions en action
L’implantation d’un plan de développement durable est un travail de longue haleine, qui doit être effectué lentement mais sûrement pour la plupart des festivals, explique Stéphanie Harnois, l’une des coordonnatrices du comité vert pour le Festival Musique du Bout du Monde. L’environnementaliste espère terminer un premier plan de développement durable pour la prochaine édition de l’événement, à l’été 2010. « Nous sommes au cœur d’une révolution tranquille verte. Nous souhaitons devenir un modèle pour la péninsule gaspésienne », confie-t-elle. Le festival en chanson de Petite-Vallée travaille également à un plan vert pour l’été prochain.
Avec trois grands sites, 1,6 million de visiteurs et des matières résiduelles approchant les neuf tonnes, le Festival d’été de Québec donne dans le grand impact écologique. Il a décidé d’y remédier cet été. « Notre objectif est de recycler 65 % de la matière produite sur le site », indique Anne-Marie Poulin, la présidente du conseil d’administration du Festival. Outre l’installation de bacs de recyclage et l’embauche de fournisseurs locaux, les restes des repas offerts dans les loges corporatives sont redistribués à divers organismes de charité.
Plus à l’ouest, l’Outaouais figure comme précurseur du recyclage. « Nous avons été le premier événement à fournir du recyclage événementiel », explique Martin Ouellet, directeur des opérations et des aménagements au Festival international de montgolfière de Gatineau.
Le partenariat du festival avec la Société de transport de l’Outatouais (STO) dure depuis belle lurette. « Depuis 1995, nous offrons un service de navette sur le site. L’usage des transports en commun est gratuit pour les festivaliers durant tout le week-end », ajoute-t-il. Les cyclistes ne sont pas en reste : un service de valet est offert dans les deux parcs à vélo du site. Cette année, Martin Ouellet compte bannir le styromousse du site, implanter une station de compostage à la cantine des bénévoles et recycler les bannières sous la forme de coussins et de sacs. Les efforts du festival de l’Outaouais portent fruit. De 2006 à 2009, la cueillette des matières recyclées par l’événement a bondi de 4,5 à 7,6 tonnes.
Le soutien des municipalités, un ingrédient vital
Le soutien des municipalités est souvent essentiel à la réussite d’un plan vert. C’est l’avis de la ville de Gatineau, principal partenaire du Festival international de montgolfières dans la collecte des matières résiduelles. Dans cet échange de service, la ville fournira l’équipement, tandis que l’équipe verte d’entretien sera employée du Festival.
Au Festival Western de Saint-Tite, la collecte des matières résiduelles sera aussi effectuée en partenariat avec la Ville. Pour cette première année verte, des milliers de contenants recevront les matières recyclables des festivaliers. La densité de visiteurs risque de poser problème, selon Pascal Lafrenière. « Contrairement à plusieurs évènements, notre festival n’a pas lieu sur un site fermé. Les festivaliers investissent la ville. Chaque parcelle de terre disponible est occupée. Saint-Tite sera tellement bondée que nous aurons peu d’endroits où stocker les conteneurs. »
Le président du Festival Western de Saint-Tite n’entretient pas d’illusions quant aux objectifs de ce plan vert. « Nous n’aspirons pas à un événement carboneutre (1). La ville de Saint-Tite ne dispose d’aucun système de transport en commun. J’ai 10 000 véhicules motorisés qui viennent ici. Si je les bannis, il n’y aura plus d’événement », admet-il.
Pour le festival, la collecte hebdomadaire des matériaux recyclables sera transformée en ramassage quotidien, indique le directeur général de la Ville, Pierre Massicotte. « Une cinquantaine de bacs de recyclage seront installés dans les grandes artères de la Ville, le cœur même de l’évènement. La collecte se fera le plus rapidement possible. Il y aura aussi cueillette chez les restaurateurs. » Cette année, la Ville compte diminuer de 20 % le nombre de matières résiduelles envoyées à l’enfouissement (en 2008, 225 mètres cubes d’ordures ont été enfouis).
L’implication de la Ville est essentielle pour appliquer des changements concrets, souligne Pascal Lafrenière. « Elle a le pouvoir d’imposer certaines normes environnementales aux concessions alimentaires sur place, par exemple, encourager l’usage de vaisselle en plastique recyclable ou interdire celui du styromousse.»
De zéro recyclage à zéro déchets
Pour la plupart des festivals, le passage de la poubelle aux bacs de recyclage se fait de pair avec un groupe de conseillers environnementaux. La logistique, c’est eux. Leur travail est de fournir suggestions et ressources aux organisateurs qui souhaitent adopter des pratiques environnementales plus vertes sur leur site.
C’est une tâche monumentale d’organisation et un défi de sensibilisation, souligne Caroline Voyer, directrice du Conseil québécois des évènements écoresponsables, qui épaule notamment le Festival Western de Saint-Tite. Malgré toute leur bonne volonté, les organisateurs ne voient pas tous au-delà du bac vert. « Les gens ne saisissent pas au premier abord ce qu’implique le développement durable. Un événement écoresponsable doit faire bien plus que recycler. Il reste encore beaucoup de chemin à faire avec les festivals régionaux », déplore l’environnementaliste.
Les progrès des 91 festivals régionaux du Québec sont donc très disparates. Alors que certains festivals innovent avec l’usage de vaisselle biodégradable ou l’achat de crédits carbone, d’autres organisateurs commencent tout juste à recycler sur les sites. « Il y a beaucoup de festivals qui ont des plans verts trop ambitieux. À ce rythme-là, un festival sur 10 va réussir à être écoresponsable. Le reste va se décourager rapidement », estime Stéphane Leclerc, directeur général du Consortium Écho-Logique.
Un emplacement éloigné ou le manque d’infrastructures peuvent être des obstacles pour les évènements régionaux. « En région, souvent, les évènements ont lieu dans des champs, au milieu de nulle part. Pour le recyclage, ils ont accès à un centre de tri qui est petit, ou encore fermé les fins de semaines. Il n’y a aucune loi ou exigence municipale en matière de gestion des matières résiduelles, donc les organisateurs ne peuvent forcer personne à recycler. Il devrait investir davantage, mais leurs moyens sont limités », résume Stéphane Leclerc.
En effet, devenir vert pourrait coûter plus cher aux organisateurs. Le coût d’une assiette recyclable de type 1 ou 5 peut coûter jusqu’à dix fois le prix de sa jumelle jetable. Un facteur qui peut rapidement décourager les évènements au budget déjà serré. « Plusieurs festivals pourraient avoir l’impression que ça coûte plus cher de devenir écoresponsable », insiste Caroline Voyer.
La pression des commanditaires – qui sont la principale source de financement des festivals – demeure un levier important du virage vert des évènements. « Certains investisseurs, par exemple Loto-Québec, sont de plus en plus exigeants auprès des évènements qu’ils commanditent », se réjouit Caroline Voyer. Les visiteurs ont également des exigences élevées en ce qui a trait à l’environnement, note-t-elle.
Qu’ils soient cowboys, mélomanes ou bonne fourchette, les milliers de petit pas des festivaliers jusqu’au bac de recyclage ou de compost pourront peut-être un jour éliminer complètement les dommages environnementaux de ces évènements festifs pour n’en garder… que le plaisir.
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