Gaz de schiste : où sont les experts indépendants québécois?

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Par Stéphane Gagné


 

Mots-clés : énergie, gaz de schiste, experts, géologue, shales de l’Utica, Québec (province de).

Existe-t-il au Québec des experts indépendants qui peuvent faire une analyse objective de l’exploitation des gaz de schiste et de ses répercussions sur l’environnement? Ou faut-il, pour en parler sans biais idéologique, se rabattre sur des scientifiques de l’Ouest canadien et des États-Unis?

Suite à une recherche non exhaustive, mais bien ciblée, GaïaPresse a déniché quelques scientifiques qui connaissent la géologie des shales de l’Utica et du Lorraine (là où se fait l’exploration des gaz de schiste). Ces rares experts travaillent à l’École Polytechnique de Montréal, à la Commission géologique du Canada et à l’Université Laval.

La seule personne qui semble avoir une connaissance à la fois en géologie et en technique de forage dans les formations de schiste (appelée hydrofracturation) est Paul Glover, professeur agrégé depuis huit ans au Département de géologie et de génie géologique de l’Université Laval.

Quoiqu’il se prétende expert indépendant, il avoue avoir agi comme conseiller bénévole auprès d’une firme oeuvrant dans l’exploration gazière et pétrolière au Québec (dont il préfère taire le nom), jusqu’à l’année dernière. Avant de travailler pour l’Université Laval, il a aussi oeuvré au sein d’une société pétrolière en Europe. Le BAPE l’a-t-il sollicité comme expert? « Pas encore », dit-il, un peu surpris.

Au sein du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), à la Direction générale des hydrocarbures et des biocarburants, il y a aussi quelques experts. Sur la page Web du système d’information géoscientifique pétrolier et gazier du MRNF, Robert Thériault est signataire de quelques documents en lien avec les gaz de schiste. On retrouve aussi d’autres experts dans le domaine plus général des hydrocarbures. De par leur fonction au sein du ministère, ces professionnels peuvent-ils être considérés capables d’analyser le dossier en toute indépendance, quand on connaît la prise de position du gouvernement très favorable à l’exploitation de ces gaz?

Sans experts indépendants

Ce peu d’experts indépendants québécois est sans doute normal puisque l’exploration (et l’exploitation éventuelle) des gaz de schiste au Québec est un secteur d’activité tout nouveau. Certains diront que le BAPE, qui doit faire appel à des experts lors de ses audiences sur le sujet (c’est dans son mandat), pourra toujours utiliser des scientifiques qui travaillent à l’extérieur du Québec. Auront-ils toutefois une compréhension aussi fine des enjeux propres à la province?

Jean Baril, avocat et spécialiste en accès à l’information environnementale, croit que les personnes désireuses d’intervenir devant le BAPE n’auront pas grand-chose à se mettre sous la dent. « Les citoyens touchés et les groupes environnementaux devront se fier à des études étrangères sur le sujet, car peu ont été réalisées ici, dit-il. Il y aura bien sûr le rapport du ministère (qui devrait être publié prochainement), mais ce document mériterait d’être soumis à une contre-expertise avant d’être utilisé. » Il craint que les Québécois n’y lisent des demi-vérités ou même de fausses informations.

En fait, on peut se poser la question : en quoi notre expertise se situe-t-elle? Selon Denis Lavoie, géologue à la Commission géologique du Canada, nous avons au Québec une bonne connaissance des formations géologiques. « Le savoir qui se rapporte aux techniques de forage et aux techniques d’exploitation des gaz de schiste est entre les mains des entreprises spécialisées dans le domaine, dit-il. Les informations sur les volumes totaux de gaz aussi. »

C’est tout un champ de recherches et de compétences qui devra être développé dans les milieux universitaires, si les Québécois veulent en avoir une analyse objective. Et il faudra que les sciences pures acceptent de travailler avec les sciences sociales. Seule cette multidisciplinarité pourra procurer une évaluation digne d’inspirer le choix de société auquel les Québécois sont appelés à souscrire.

Dans le contexte actuel, rajoute Jean Baril, il sera toujours difficile de se faire une idée juste et objective des risques sociaux, économiques et environnementaux associés à l’exploitation de ces gaz. Et il faudra se montrer critique face aux données des experts et réclamer de connaître leurs antécédents et leurs présentes relations professionnelles, pour mieux juger de la véracité de leurs informations.

Enfin, aussi rigoureux que soient les scientifiques qui gravitent autour du dossier des gaz de schiste, il faut retenir qu’au Québec, l’expertise en sciences de l’énergie a d’abord été focalisée vers l’hydroélectricité.

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