Par Julie Lemieux
Auteure de Avez-vous peur du nucléaire? (MultiMondes, 2009)
Le gouvernement Charest fait des choix de plus en plus inquiétants. Bien qu’officiellement vert et favorable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce gouvernement appuie l’exploitation des gaz de schistes dans la vallée du Saint-Laurent. Des centaines de permis d’exploration ont été octroyés sans aucun encadrement réglementaire et environnemental préalable. Pire, les compagnies dans la course sont canadiennes et étrangères. Notre gouvernement encourage ainsi des intérêts hors Québec et une industrie polluante qui accentuera inévitablement le réchauffement climatique. Bonjour la cohérence! L’extraction du gaz naturel se fera en zones habitées, ce que la loi permet même si ça occasionne des nuisances sérieuses aux gens qui y vivent (bruit, pollution de l’air, du sol et de l’eau souterraine, baisse de la valeur foncière des propriétés dans les lieux souillés…). Le territoire touché va des environs de Montréal à Lévis, en passant par la vallée du Richelieu et plusieurs autres régions. Des travaux d’exploration ont été effectués sans préavis à quelques endroits déjà, dont Mont-Saint-Hilaire et Saint-Mathias-sur-Richelieu. Et que dire des mines d’uranium? Le nombre de sites projetés au Québec augmente. Nous sommes passés de 3 sites d’exploration en 2004 à 87 en 2009. La société Terra Ventures inc. qui dirigeait les travaux près de Sept-Îles, provient de Colombie-Britannique, une province qui refuse ce type de mine sur son territoire. La Nouvelle-Écosse et le gouvernement inuit Nunatsiavut du Labrador ont également décrété un moratoire sur l’exploitation de l’uranium. En quoi est-ce plus acceptable chez-nous? Ce n’est pas pour rien que de nombreux citoyens se sont joints au groupe SISUR et à plusieurs médecins de Sept-Îles en décembre pour exiger du gouvernement Charest un moratoire sur les mines d’uranium. Ils craignent les effets sur la santé de cette industrie car les sites miniers en question se trouvent à moins de 20 km de leur ville, tout près de leur principale source d’eau potable. Dans ce contexte, Serge Simard, le ministre responsable, a affirmé que le projet n’aurait pas lieu si la population n’en voulait pas. Il a cependant changé de discours depuis et rejeté ce moratoire le 17 août dernier, alors que plusieurs opposants de Sept-Îles campaient devant l’Assemblée nationale. Nous sommes peu exposés à l’uranium en temps normal car il est emprisonné sous terre. Mais lorsqu’on l’extrait du sol et qu’on le concasse, on augmente ses chances de contaminer la chaîne alimentaire. Les compagnies minières recherchent l’uranium 235, qui sert à fabriquer le combustible des réacteurs nucléaires. Or, l’uranium 235 constitue moins de 1% de l’uranium naturel. On doit donc extraire des centaines de tonnes de minerai brut pour obtenir 1 tonne d’uranium utilisable, ce qui laisse sur place d’énormes quantités de stériles, des résidus rocheux sans valeur pour l’industrie. Ces stériles n’en demeurent pas moins nocifs pour les gens et l’ensemble des êtres vivants car ils contiennent d’autres types d’uranium, du radium et du polonium, 3 substances radioactives, de même que des produits chimiques servant au traitement du minerai (chaux, acides nitrique et sulfurique). Laissés à l’air libre, ces résidus voyagent avec le vent et la pluie, ce qui expose les populations qui respirent cet air et boivent cette eau. Certains de ces produits s’accumulent dans les organismes vivants (mousses, lichens, champignons et plusieurs espèces animales qui sont chassées et pêchées). Les mines libèrent également du radon, un gaz radioactif qui constitue la deuxième cause de cancer du poumon après la cigarette. Il y a eu une séance d’information publique à Chibougamau le 26 mai dernier concernant le projet Matoush, un des nombreux projets uranifères actuellement en marche au Québec. On y a notamment appris que les os et la chair des échantillons de poisson prélevés en 2007 contenaient déjà beaucoup d’uranium. M. Guy Hébert, président de Strateco Resources inc., a précisé que les impacts actuels du projet Matoush étaient négligeables car ils n’en sont qu’à la phase d’exploration. Comme il l’a dit lui-même, cette étape ne laissera que «286 000 tonnes de waste» pour 750 tonnes de minerai. Près de 400 fois plus de résidus que de minerai! Imaginez les quantités si on passe à l’exploitation. Enfin, rappelez-vous ce que le vérificateur général du Québec révélait au printemps 2009 concernant les compagnies minières. Elles n’avaient payé que 259 millions en redevances sur les 17 milliards de métaux prélevés, soit un maigre 1,5 % bien en deça des 12 % prévus par la loi québécoise. Et notre gouvernement leur a donné en plus 624 millions $ en crédits d’impôts sans exiger aucun suivi environnemental sérieux des immenses quantités de déchets qu’elles laissent sur place. Saviez-vous que la mine d’or Osisko, qui a obligé plusieurs résidents de Malartic à déménager, nécessitera en plus 12 millions $ en fonds publics pour l’aménagement d’un site de résidus miniers? Si on ajoute à ce sombre portrait le Plan Nord, qui prévoit que 40 % des coûts d’exploration minière soient assumés par les fonds publics, le gouvernement Charest semble bel et bien avoir choisi de brader nos ressources. Compte-t-il en plus compromettre la qualité de l’environnement et la santé des Québécois à long terme? |