En visite aujourd’hui à Gravelines, la plus importante centrale nucléaire d’Europe, et quelques jours après avoir déclaré que la sortie du nucléaire équivalait à « se couper un bras », Nicolas Sarkozy persiste et signe : au-delà de la « manifestation de confiance de la France et des Français dans la filière du nucléaire » que le Président a cru incarner, la remise en question des constructions de nouveaux réacteurs constituerait un retour « au Moyen-âge ». « Sans le nucléaire, le prix de l’électricité serait multiplié par quatre », a-t-il déclaré. Visiblement, le chef de l’Etat n’a toujours pas pris la mesure du véritable coût du nucléaire, qui se chiffre en centaines de milliards d'euros (1). Il semble ignorer que 70 % des Français sont favorables à la sortie du nucléaire (2), et ne parait pas avoir connaissance de la localisation critique de la centrale de Gravelines, ni de l'échec cuisant de la simulation d’évacuation qui a eu lieu en janvier dernier. Rappel.
Comme la majorité des centrales en France aujourd'hui, Gravelines fonctionne avec une sûreté dégradée. De technologie similaire, la centrale de Three Mile Island (États-Unis) a connu un accident nucléaire majeur en 1979. Par ailleurs, 5 des 6 réacteurs de Gravelines fonctionnent avec du combustible MOX à base de plutonium, encore plus réactif, plus instable et plus dangereux que le combustible classique à l'uranium. Outre les deux défauts de conception dont souffre la centrale (3), les 6 réacteurs de Gravelines sont concernés par deux anomalies génériques très préoccupantes, reconnues récemment par EDF (4), qui concernent des éléments cruciaux pour la sûreté (5). Enfin, l’énorme centrale se situe à proximité de 13 sites classés Seveso "seuil haut" (6), dont un dépôt pétrolier situé à 500 m seulement. Le terminal méthanier que le Président Sarkozy envisage de créer à Loon Plage représenterait le 14ème site Seveso, soit une menace supplémentaire pour la centrale de Gravelines.
Quant à la simulation d’accident qui s’est tenue au début de l’année à Gravelines, deux mois avant Fukushima, elle s’est révélée être un échec patent, alors même que l'exercice avait un périmètre de seulement 2 km. Plusieurs mois nécessaires à l'État pour trouver suffisamment d'autocars pour évacuer 3 000 personnes lors de cet exercice, un périmètre d’évacuation prévu ridiculement petit, des semaines de préparation pour au final seulement 160 personnes évacuées sur les 3 000 prévues (7) : l’exercice de Gravelines paraît bien dérisoire à la lumière de l’accident de Fukushima…
Au lendemain de la déclaration de Nicolas Sarkozy sur sa volonté de mettre en place un « audit financier de l’industrie nucléaire » plutôt qu'une véritable remise en question de cette énergie, le Réseau “Sortir du nucléaire“ réaffirme sa position : non, la France et les Français, pas plus que le reste du monde, ne peuvent avoir confiance en l’énergie nucléaire. La nécessité d’engager la France, à l’instar d’autres pays européens, dans une politique ambitieuse et visionnaire de sortie du nucléaire, devrait représenter la priorité du gouvernement, et le véritable « intérêt national ».
Notes
- Le rapport commandé en 1999 par Lionel Jospin, alors Premier Ministre, faisait état d’un coût estimé entre 418 et 446 milliards d’euros.
- Sondage IFOP réalisé du 15 au 17 mars 2011 ; Sondage Opinion Way, réalisé les 16 et 17 mars 2011.
- La plateforme de la centrale est située à 46 cm en dessous de la cote calculée pour le risque de crue millénale, selon les données de l'ASN.
- « Les anomalies de séries s'accumulent sur les plus vieilles centrales françaises», voir ici.
- Les enceintes de confinement des réacteurs de Gravelines sont menacées par la trajectoire éventuelle de "missiles" engendrés par la rupture d'aube de turbine.
- Sites industriels comportant des risques d’accidents majeurs, classés Seveso « seuil haut ».
- Pour plus d’informations sur le déroulement de cette simulation, voir ici