Par Chantal Gailloux
Mots-clés : l’Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole (ICM), industrie minière, association minière, responsabilité sociale et environnementale des entreprises, Plan Ouest, Afrique, Plan Nord, redevances minirèes, main-d’oeuvre
Q6. Avec le «Plan Ouest» africain qui a été annoncé en plénière lors du congrès de l'ICM et les nombreux projets miniers déjà connus en Amérique du Sud, on constate que l’industrie minière canadienne est impliquée dans plusieurs régions du monde. Lundi, j’imagine que vous avez entendu parler d’une manifestation qui s’est tenue à l’extérieur du Palais des Congrès, du congrès de l’ICM. Ce sont 11 pays d’Amérique latine qui sont critiques à l’endroit de l’industrie minière canadiennes qui fait des affaires là-bas. Comment réagissez-vous à cette manifestation, à cette critique (GaïaPresse a publié un photo-reportage sur cet événement) ? Je crois qu’on peut aller dans n’importe quel pays et il y aura toujours des gens qui vont critiquer l’une ou l’autre des industries, qu’elle soit minière ou pharmaceutique ou autre. Bien sûr, l’industrie minière déplace un certain volume de terres, de minerais, de remblais et de résidus; il faut aussi construire des infrastructures, peut-être ouvrir de nouvelles routes… Il y a donc un impact. Ça peut amener beaucoup de bénéfices, mais il faut que ce soit bien fait. Dans plusieurs de ces pays-là, il n’y a pas nécessairement le même niveau de démocratie qu’ici. Dans plusieurs cas, les minières ne sont pas nécessairement accompagnées par la réglementation et par les institutions qui permettent ici un suivi autant en environnement, en sécurité et en équité. Ici, on est comblé au Canada : nos entreprises performent parce qu’elles ont des standards et du leadership, mais elles sont aussi appuyées dans leur démarche de responsabilité sociale par tout un ensemble de systèmes et d’institutions. Une entreprise, par elle-même, peut aller jusqu’à un certain point, mais si elle n’est pas bien appuyée, c’est clair qu’il peut y avoir certaines ratées. Même ici, je crois qu’il y a des gens qui ne sont pas pour [favorable à]l’industrie minière. Je crois que les gens ont droit à leur opinion si, vraiment, elle est fondée sur des faits. Il existe des mécanismes, notamment juridiques, pour les amener et nous voulons [mieux]les développer pour les rendre plus accessibles. Un manque de démocratie vient souvent avec une peur de l’autorité, il faut donc leur fournir un contexte sécuritaire pour que ces personnes nous divulguent ce qu’elles savent. C’est un problème à l’extérieur du Canada dans certains pays. Je ne crois pas que la situation est évidente…
Q7. Croyez-vous qu’à titre de Canadiens, nous devons nous sentir responsables? Ou intervenir d’une quelconque façon ? Je crois que les firmes canadiennes, à ce que je vois, quand il arrive des incidents, essaient vraiment d’aller au fond pour comprendre à quel point les faits supportent les allégations. Dans certains cas, leur seul recours peut être de renforcir la sécurité ou de mieux vérifier ce qu’ils font. Dans d’autres cas, elles se tournent vers le gouvernement ou vers des institutions internationales qui peuvent aussi faire pression sur ces gouvernements. Le gouvernement du Canada aussi a un rôle à jouer en assistant les entreprises dans certains pays. Il existe des pays où les [minières] canadiennes se sont retirées : Alcan [aujourd'hui Rio TintoAlcan] s’est retiré d’un projet aux Indes parce que ça allait un peu trop loin [projet Utkal dans la province d’Orissa, en 2007 (pour plus de détails)]. Je crois que les entreprises canadiennes regardent le risque et essaient avec le meilleur jugement possible de se dire : « est-ce qu’on peut travailler selon nos normes? » Il faut aussi considérer que si les canadiennes ne sont pas sur le terrain à exploiter, le vide qui va se créer va être comblé par d’autres entreprises. J’ai de la difficulté à voir de meilleures options [que les entreprises minières canadiennes]. La demande en métaux et en minéraux ne fera que croître, en énergie aussi. Donc, je crois qu’on a une obligation d’être sur le terrain, mais on doit travailler avec les intervenants. Par exemple, si on regarde l’industrie minière en santé et sécurité, je crois que le seul domaine plus performant au Canada est l’éducation. Donc c’est assez incroyable! Ça, il faut l’expliquer à la population parce qu’il y a eu une grosse évolution : en environnement, par exemple, je crois qu’on a une très bonne performance. On dépasse de loin le besoin de base au niveau de la réglementation, c’est-à-dire ce qui est légal… parce que [la base]ne suffit pas[2] . On a envie que les citoyens et les peuples en région où on opère se sentent en sécurité et à l’aise. Je constate aussi qu’il y a un gap, un fossé. Je crois que les gens en région comprennent et acceptent l’industrie minière; ils travaillent avec nous pour maximiser les bénéfices et s’assurer que la performance est là. Mais dans les grands centres, je pense qu’il y a une incompréhension de ce que l’industrie a l’air, comment ça fonctionne[CR4] . On a donc un travail à faire pour engager le dialogue, pour avoir des discussions, même très difficiles si nécessaires, et démontrer, preuves à l’appui, tout en apportant des témoignages de gens hors de l’industrie. Le Canada est vraiment exemplaire au niveau des standards, des procédures d’opération. [Par exemple,] quand on parle de parc à résidus, de recouvrement des parcs à résidus, de réhabilitation. Et on a des exemples de photos où on peut voir la mine avant et après. Ces développements-là sont récents : on parle de dix, quinze, vingt ans. Les gouvernements doivent maintenant réhabiliter un héritage de sites, mais qui datent d’avant vous et moi, où les choses se faisaient différemment il y a de cela trente ou quarante ans. On a évolué et je crois qu’il va y avoir une évolution tout aussi importante dans les prochaines dix ou quinze ans.
[2] Nota bene – L’ICM s’est engagée à fournir à GaïaPresse les rapports et les documents justifiant cette affirmation. Ils seront mis en ligne à leur réception.
Q8. Sachant que la Loi sur les mines du Québec date du 19e siècle [3], savez-vous si les lois sur les mines des autres provinces que le Québec ont été réformées, sont plus récentes ? Je n’ai pas regardé dans le détail la Loi sur les mines d’ici. Le Québec était pendant plusieurs années la première destination pour le développement minier; maintenant, le Québec est troisième. La question que le Québec doit se poser est : quel équilibre veut-on atteindre entre générer des revenus par projet ou générer des revenus dans l’ensemble et être compétitif. C’est dynamique parce les juridictions au Canada évoluent aussi… Et en Afrique de l’Ouest aussi, comme la Guinée qui est en train de réviser son code. Nous sommes favorables à une réglementation qui est positive, qui fournit des incitatifs et qui permet un bon suivi, comme en santé et sécurité, comme en environnement. Je pense qu’ici, on est transparent. La réglementation évolue… il y a, par exemple, une nouvelle réglementation au niveau des émissions… On commence à mesurer des choses, des particules à des niveaux où ne le faisait pas avant. Il y a des questionnements qui sont en cours : « ça veut dire quoi, ces mesures infimes? » Il faut les mettre en contexte et la démarche scientifique évolue en conséquence. On ne connaît pas tout encore!
[3] Nota bene – « En 1880, par son Acte général des mines de Québec, première véritable pièce législative sur les mines, le pouvoir provincial se réservait le droit de mine universel sur toutes les nouvelles concessions postérieures à l’adoption de la loi. […] De plus, par une nouvelle loi en 1965, Québec ajoutait à son domaine l’ensemble des minéraux contenus dans le sol, à l’exception de la couche arable. Ce qui signifie en clair que Québec était propriétaire de tous les droits d’exploitation miniers dans la province sur les terres concédées après 1880. Par la Loi sur la révocation des droits de mine du 15 septembre 1982, tous les droits concédés antérieurement à 1880 étaient révoqués, sauf ceux qui étaient l’objet d’une exploitation au 6 mai 1982. Depuis 1982, l’État est ainsi propriétaire absolu des droits miniers. La Loi sur les mines refondue du 23 juin 1987 (M-13.1) décrète en plus que sont propriétés domaniales toutes les substances minérales du sous-sol, sauf celles de la couche arable, et sous réserve de certaines exceptions touchant les exploitations en cours.»
-> Faits et causes – Une perspective juridique sur l’actualité, (page consultée le 7 juin 2011), [en ligne],
Q9. Maintenant, pouvez-vous définir deux concepts majeurs dans l’industrie minière : la responsabilités sociale et environnementale des entreprises et les redevances minières justes et équitables ? D’abord, quelle est la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises ? À mon avis, à titre personnel, je crois que l’entreprise a une obligation de s’assurer d’apporter des bienfaits durables et,à long terme dans sa communauté. Elle doit le faire dans un cadre où sont rejoints les attentes et les désirs de la population locale, mais aussi du contexte global. Au Canada, nous sommes choyés parce que nous avons beaucoup de ressources –et il nous en reste beaucoup à découvrir– et nous avons un style de vie et une qualité de vie supérieure. 90% du reste du monde ne vivent pas au même niveau que nous, mais ces gens-là vont avoir besoin de métaux et matériaux. Je dirais que, comme citoyens, nous avons l’obligation de les desservir et ça veut dire accepter d’exploiter nos richesses. On ne peut pas dire aux Chinois : « désolé, nous, on a ce qu’on a; on est contents. Organisez-vous ailleurs ». On vit sur une planète qui est de plus en plus petite. C’est un défi. Je crois qu’on n’a pas le choix, mais il faut voir comment maximiser, comment innover. Une partie de la responsabilité sociale, c’est aussi d’essayer d’innover de manière constante pour développer de nouvelles méthodes d’extraction, améliorer l’efficacité énergétique et, sur le plan organisationnel, favoriser la diversité, fournir des emplois et préserver certaines opportunités d’affaires. L’industrie minière peut être un incubateur, un moteur pour aider à démarrer et installer d’autres entreprises qui peuvent assurer une pérennité des impacts socio-économiques locaux, même après la fermeture de la mine. De toute façon, bien souvent, les mines sont en activité plus longtemps que prévu à cause des nouvelles techniques d’extraction.
Q10. Vous nous en avez parlé un peu plus tôt : qu’est-ce que des redevances minières justes et équitables ? Je ne pourrais pas vous donner de chiffres exacts parce que je crois que la démarche du Plan Nord – et on parle de 25 ans – doit être examinée selon l’ensemble des bénéfices économiques. L’étude qui a été menée il y a un an, ici au Québec, démontre que la région de Montréal reçoit en achats de biens et services des sommes énormes : ça génère beaucoup d’emplois, ça génère aussi, par les impôts, d’autres retombées. Il faut vraiment regarder l’ensemble des retombées, d’un point de vue aussi comparatif pour être compétitif, mais, comme citoyen, on veut s’assurer qu’on négocie le meilleur possible pour nous, comme Québécois. C’est de bonne guerre : il faut donc s’asseoir face à face, mettre les chiffres sur la table et regarder l’ensemble des chiffres et se dire « est-ce que nous, on est content avec ça » tout en regardant l’évolution ce qui se fait ailleurs.
Q11. Et cette discussion [pour définir ce que sont des redevances minières justes et équitables], où devrait-elle se tenir à votre avis ? On n’a pas commencé à discuter, mais ça va bientôt commencer. Nous, comme industrie, on est très intéressé à débattre avec le public de manière structurée, respectueuse et factuelle. On veut sortir les chiffres. Beaucoup de chiffres existent. Je crois -si je lis à travers ce que le Plan Nord semble vouloir dire- que la porte à ce genre de discussion est. C’est un débat de société que l’industrie trouve, je crois, emballant. Un peu comme pour le Plan Ouest; Benoit de Selbafo d’Afrique de l’Ouest a utilisé ce terme-là, que vous entendrez sûrement de plus en plus, parce que leur collectivité de huit ou dix pays ont une problématique qui devient une opportunité, soit « comment s’entraider : Cas par cas? ou pays par pays? Qu’est-ce qui est efficace? » Le même type de dialogue est donc en train d’émerger au Québec. Ici, à l’institut, comme je vous dis, on ne fait pas de lobbying, mais on veut appuyer le dialogue avec des faits grâce à nos ingénieurs et à nos scientifiques.
Q12. Donc, à votre avis, il ne faut pas nécessairement considérer un pourcentage des profits des entreprises minières, mais plutôt regarder l’impact global sur la société. Je ne crois pas qu’il faut seulement considérer un pourcentage des profits pris en isolation. Il faut le considérer, mais ce qu’il faut savoir aussi, c’est que nos ressources naturelles contribuent énormément à tous nos fonds de pension. Je regarde tous les fonds mutuels qui existent au Canada et il y a des organismes financiers, comme des banques, des minières ou des pétrolières., donc, [leurs investissement dans les fonds mutuels]nous reviennent à un certain niveau sur une échelle de 25-50 ans. C’est peut-être difficile à évaluer, mais je ne crois que ce soit à ignorer ou à sous-estimer. Le Plan Nord, c’est aussi un des meilleurs moyens d’occuper notre territoire. On sait qu’en Arctique, il y a des richesses. Les Chinois, les Russes, les Américains sont à la recherche de ressources. Je crois que les Canadiens sont bien placés pour occuper ce territoire-là équitablement possible. C’est bon pour l’humanité, pour la planète. Je suis fier d’être Canadien, d’être Québécois […] et je crois qu’on a une opportunité de leadershipqui est unique présentement et il faut l’assumer collectivement.
|
|
|||||||||||||||
Q6. Avec le «Plan Ouest» africain qui a été annoncé en plénière lors du congrès de l'ICM et les nombreux projets miniers déjà connus en Amérique du Sudm on constate que l’industrie minière canadienne est impliquée dans plusieurs régions du monde. Lundi, j’imagine que vous avez entendu parler d’une manifestation qui s’est tenue à l’extérieur du Palais des Congrès, du congrès de l’ICM. Ce sont 11 pays d’Amérique latine qui sont critiques à l’endroit de l’industrie minière canadiennes qui fait des affaires là-bas. Comment réagissez-vous à cette manifestation, à cette critique (GaïaPresse a publié un photo-reportage sur cet événement) ? | 5min45s | ||||||||||||||
Q7. Croyez-vous qu’à titre de Canadiens, nous devons nous sentir responsables? Ou intervenir d’une quelconque façon ? | 8min18s | ||||||||||||||
Q8. Sachant que la Loi sur les mines du Québec date du 19e siècle, savez-vous si les lois sur les mines des autres provinces que le Québec ont été réformées, sont plus récentes ? | 13min48s | ||||||||||||||
Q9. Maintenant, pouvez-vous définir deux concepts majeurs dans l’industrie minière : la responsabilités sociale et environnementale des entreprises et les redevances minières justes et équitables ?D’abord, quelle est la responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises ? | 16min30s | ||||||||||||||
Q10. Vous nous en avez parlé un peu plus tôt : qu’est-ce que des redevances minières justes et équitables ? | 17min48s | ||||||||||||||
Q11. Et cette discussion [pour définir ce que sont des redevances minières justes et équitables], où devrait-elle se tenir à votre avis ? | 19mi15s | ||||||||||||||
Q12. Donc, à votre avis, il ne faut pas nécessairement considérer un pourcentage des profits des entreprises minières, mais plutôt regarder l’impact global sur la société. |
21min09s |
Informations complémentaires :
« Mines, pétrole et gaz: le Canada manque de transparence », par Alexandre Shields, Le Devoir, [En ligne, verrouillé], 8 juin 2011 :
http://cl-t175-503cl.privatedns.com/economie/actualites-economiques/324985/mines-petrole-et-gaz-le-canada-manque-de-transparence