Par L'Encyclopédie de l'Agora
Mots-clés : Pierre Dansereau, ville, géoécologie
Pierre Dansereau s'est aussi intéressé à la ville. Nous reproduisons pour la première fois en format numérique la conférence « Les aménités de la ville » qu'il prononça en mai 1976, à Montréal, lors du colloque Vivre en ville, organisé par la revue Critère. À cette occasion, comme en tant d'autres, on a pu voir en lui un représentant de cette troisième culture, synthèse de la science et des lettres, que le rapport Parent proposait comme idéal dans son projet de réforme de l'éducation :
Né à Outremont en 1911, bachelier en sciences agricoles en 1936, puis docteur en sciences de l'Université de Genève en 1939, Pierre Dansereau vient travailler avec le frère Marie-Victorin au Jardin botanique de 1939 à 1942. De 1943 à 1950, il a dirigé le Service de biogéographie du Québec à l'Université de Montréal. De 1950 à 1955, il a enseigné la botanique à l'Université du Michigan, à Ann Arbor. Entre 1955 et 1961, il a été doyen de la Faculté des sciences et directeur de l'Institut botanique de l'Université de Montréal. En 1961, il retourne aux États-Unis où il est assistant-directeur au New York Botanical Garden et professeur de botanique et de géographie à l'Université Columbia. En 1968, l'année de son retour définitif au Québec, il enseigne l'écologie à l'Université de Montréal à l'Institut d'urbanisme. En 1971, il passe à l'Université du Québec, puis à l'Université du Québec à Montréal où il enseigne et dirige des recherches en écologie. En 1976, il y est nommé professeur émérite et il demeure depuis lors très actif dans la recherche et dans l'enseignement. Il est à préparer un ouvrage de synthèse L'impact écologique, la gamme des habitats et la réponse des organismes, qui fait appel aux sciences humaines autant qu'aux sciences de la nature. Il est toujours impliqué dans des colloques internationaux et dans des missions de consultation, particulièrement en Amérique latine. Son apport à la science qui s'étend sur plus de cinquante ans a été souligné par de nombreux prix et bourses. En 1968-1969, il devient vice-président de l'Ecological Society of America et membre du Conseil des sciences du Canada. En 1969, il est nommé Compagnon de l'Ordre du Canada. En 1983, le gouvernement du Québec lui décernait le prix Marie-Victorin et en 1985, il remportait le prix Izaak-Walton-Killam. Il est probablement le seul et unique Québécois dont le nom figure dans l'Encyclopaedia Britannica à titre de pionnier de l'écologie à l'échelle mondiale. On lui a décerné pas moins de douze doctorats honorifiques. En 1989, le prix d'Excellence d'Environnement Canada lui a été remis par le gouvernement canadien. Monsieur Dansereau a été membre du Conseil de l'Ordre national du Québec de 1985 à 1991 et il en a assuré la présidence de 1987 à 1989.
BiographieDisciple de Marie-Victorin, comme René Pomerleau et Jacques Rousseau, Pierre Dansereau s'est d'abord consacré à la biogéographie. Le mot même de biogéographie, discipline à laquelle Marie-Victorin regretta de ne pouvoir consacrer plus de temps, suggère l'idée d'un lien très étroit entre les trois grands règnes : le règne minéral, le règne végétal, le règne animal. Marie-Victorin aimait situer les petites fleurs sauvages dans ce vaste ensemble de rochers, de lacs, de forêts, de serres, dont les éléments lui paraissaient indissociables. La biogéographie et l'écologie Voici un extrait d'un article de Pierre Dansereau dans l'Encyclopédie Universalis :
Pierre Dansereau s'engagea dans cette voie qui convenait parfaitement à ses intérêts profonds. Ce choix comportait certains risques. A partir de 1950, les écologistes qui étaient et qui sont encore les généralistes de la biologie, furent rélégués au enième plan par les spécialistes de la biologie moléculaire. Comment tel ou tel acide aminé s'associe-t-il à tel ou tel autre pour former une protéine? Entre 1950 et 1970, une question de ce genre paraissait infiniment plus importante qu'une autre comme celle-ci: comment éviter que la pollution de la mer ne détruise les microorganismes qui, depuis des centaines de millions d'années, maintiennent le niveau d'oxygène constant dans l'atmosphère? Or, non seulement Pierre Dansereau était-il porté par la pente naturelle de son esprit vers des questions de ce genre, mais encore, il lui a longtemps paru absurde d'exclure l'homme et sa dimension spirituelle des vastes ensembles dont il étudiait les interactions. Un tel généraliste devait paraître suspect à bien des biologistes, résolus a réduire leur objet, la vie, à son aspect quantifiable et manipulable. C'était l'époque où, se faisant un point d'honneur d'inverser la célèbre pensée de Dubos, l'on pensait localement et l'on agissait globalement: y a-t-il des actions plus globales que celles de la bombe à hydrogène, des pluies acides ou des atteintes diverses aux grands équilibres? La pensée par contre était si locale que nul ne songeait à prendre l'ensemble de la planète et l'homme en considération.
Penser globalement, agir localementSelon Pierre Dansereau, ce qui a ouvert l'ère écologique aux États-Unis vers le milieu de la décennie 1960, ce fut une émission de télévision où René Dubos expliqua « que dans ses efforts pour limiter les méfaits des émanations corrosives, l'industrie automobile dépensait plus d'argent dans la recherche de techniques pour améliorer l'émail des carrosseries que pour protéger les poumons humains » Pierre Dansereau fait aussi état du programme biologique international, lancé après la deuxième guerre mondiale auquel le Canada et de nombreux autres pays riches contribuèrent généreusement. Dans ce programme, on étudiait les ressources naturelles vivantes sans tenir compte de leur rapport à l'homme. Au début de la décennie 1960 le programme Man and the biosphere fut lancé. Il eut beaucoup moins de succès que le précédent. L'homme était de trop. On comprend l'importance que pouvait avoir la pensée globale dans ce contexte. Sans elle, l'inconscience dans l'action sur la nature aurait duré 10 ou 20 ans de plus, ce qui aurait peut-être suffi à faire disparaître tout espoir de renverser certains processus catastrophiques. Quelle conception Pierre Dansereau se fait-il de la vie? La pensée de Teilhard de Chardin à laquelle Marie-Victorin l'avait initié semble avoir été l'un des fils conducteurs de sa réflexion sur ce sujet. En 1957, il a prononcé à l'Université Fordham de New-York, une conférence sur Teilhard dans laquelle il ne cacha pas son admiration pour le célèbre jésuite, à la fois savant, philosophe, théologien et poète, qui était persuadé que l'esprit imprègne la vie et en dirige de l'intérieur l'évolution, depuis le point alpha où tout était chaos au point omega où tout sera caractérisé par l'ordre et la complexité. Pierre Dansereau est toutefois demeuré très discret sur ses sources teilhardiennes d'inspiration. Il n'ignorait pas qu'une telle philosophie, outre qu'elle ne peut rendre compte du mal et des échecs, exclut totalement une catastrophe finale que l'écologie fait apparaître comme possible, sinon comme probable. Parfois même sa conception de la nature et de la vie semble être celle d'un darwiniste orthodoxe: «Les fameux équilibres naturels que certains savants puristes voudraient nous imposer comme modèle résultent du libre jeu de l'hérédité et du milieu. Au cours d'innombrables siècles, l'érablière de la plaine de Montréal et la colonie de margaulx sur les falaises de l'Ile Bonaventure dans le Golf St-Laurent ont résolu de nombreux conflits entre leur potentiel héréditaire et les adaptations permises par le climat, le sol et les autres êtres vivants. Ces adaptations successives ont présidé à des patrons de partage des ressources non abusifs qui assuraient la survivance des partenaires. La survie, la sélection naturelle, c'est bien connu, a favorisé les plus forts, il vaut mieux dire les mieux adaptés». Après un acte de foi en ce darwinisme qui dépoétise l'idée de nature, Pierre Dansereau s'empresse toutefois d'indiquer son adhésion à des valeurs spirituelles grâce auxquelles l'humanité évolue de façon plus douce. «Si l'on s'en remettait (Humilité? Réaliste? Masochisme? Fataliste?) à ce libre jeu dans le cas de l'homme, on n'aurait cherché à éliminer ni le typhus ni la tuberculose; on aurait compté sur la survivance des individus et des populations capables de s'adapter (héréditairement) et de survivre. Et pourquoi ne pas miser, dans cette logique, sur la résistance éventuelle d'une petite fraction de l'espèce humaine à toutes les formes de pollution et à tous les agents cancérigènes?». De toute évidence cependant, l'auteur de ces lignes n'a pas eu comme premier but d'expliciter sa pensée sur des questions comme celles des rapports entre la vie, la matière et l'esprit. Il a plutôt voulu communiquer au grand public un sens de la globalité et de la complexité qui puisse lui inspirer le désir de poser les actes nécessaires au redressement des équilibres menaçés. L'une des oeuvres de Pierre
Commentaires« Contrairement à ce qui a été souvent répété, il ne serait pas le « père de l'écologie » au Québec. « À mon sens, c'est à Marie-Victorin qu'on doit donner ce titre, affirme l'écologue André Bouchard, conservateur au Jardin botanique de Montréal pendant plus de 20 ans (1975-1996) et ami de Pierre Dansereau depuis la fin des années 1960. La seule lecture de l'introduction de La flore laurentienne permet de constater que Marie-Victorin ne se contentait pas de nommer des plantes; il caractérisait le paysage tout entier. » Selon Hébert toutefois, Dansereau est le premier à avoir autant développé l'écologie au Québec, jusqu'à ce formidable point d'orgue qu'est la publication de Biogeography.» — Luc Dupont, « Autour des 100 ans de Pierre Dansereau, cinq générations d'écologues », Revue Découvrir, Volume 31, Numéro 2, Mars-Avril 2010. ___________________________________ Marie-Victorin, René Pomerleau et Pierre Dansereau De ces deux disciples de Marie-Victorin, René Pomerleau et Pierre Dansereau, ce dernier est de loin le plus connu ici et celui auquel les Québécois attribuent les plus grands mérites en tant que savant, sur la scène mondiale comme sur la scène nationale. À quel point ce jugement est-il fondé? Les historiens de la science québécoise nous le diront un jour. Il ne faut pas exclure que pour des raisons qui tiennent à la personnalité de chacun de ces deux savants, Pomerleau n'ait pas eu ici sa juste part de gloire. Sans déprécier les mérites de Dansereau savant, il faut reconnaître que s'il a touché à ce point les Québécois c'est d'abord par son humanisme, voire son mysticisme. Ils ont reconnu en lui l'homme qui a conclu que Marie-Victorin ne radotait pas quand il lui a écrit cette lettre :
« Mon cher Pierre, — Jacques Dufresne
Documentation
|