Par Emmanuel Précourt Senécal
Mots-clés : Fonds vert pour le climat, Banque Mondiale
On l’a décrit comme une des principales victoires de la conférence de 2010 à Cancún, mais il semble au point mort. Le Fonds vert pour le climat doit recevoir des dizaines de milliards de dollars par année pour aider les États du Sud à combattre les changements climatiques. Depuis lundi, les négociations stagnent autour de sa gouvernance et de son financement. Qui gèrera l’argent et de quelles sources proviendra-t-elle? Gérer un fonds de plusieurs milliards de dollars n’est pas une tâche simple et les États peinent à s’entendre sur l’organisation qui devrait s’en charger. Pour la plupart des pays du Nord, c’est à la Banque mondiale que devrait échoir la responsabilité, mais les pays du Sud s’inquiètent, non sans raison, qu’une telle solution créerait un manque de transparence et contribuerait à leur situation de dépendance par rapport aux institutions financières internationales. La Banque mondiale est en effet d’abord une institution financière, et l’argent qu’elle injecte dans le Sud doit toujours être remboursée, et avec des intérêts. Les pays en voie de développement préféreraient grandement voir l’argent géré par un organisme indépendant. Le blocage est tel qu’il est assez illusoire de croire qu’un accord est possible à la Conférence de Durban. Au mieux, on peut s’attendre à ce que le fonds soit opérationnalisé en mars, lors de la prochaine rencontre en sous-comité. Cependant, même cette option est excessivement optimiste. Dans tous les cas, il sera essentiel que le processus de gestion soit transparent à tous les points de vue et que la société civile ait droit au chapitre. C’est seulement ainsi que le Fonds vert pour le climat pourra s’imposer comme un processus réellement novateur.
Le financement, deux visions s’affrontentAu-delà de la gouvernance du fond, les États ne s’entendent toujours pas sur la provenance de l’argent qui le fera fonctionner. À Cancún, la communauté internationale a adopté les chiffres de l’accord de Copenhague (30 milliards US $ de financement par année d’ici 2020) 100 milliards /an par la suite, comme l’objectif à atteindre. Pourtant, cela reste bien en deçà des coûts réels de l’adaptation climatique qui s’élèvent davantage à 200 milliards, deux fois plus que ce qui est sur la table. Pour être réellement transparent, le fonds doit absolument être nourri à même les contributions publiques. C’est un constat que les États-Unis et certain de ses alliés, notamment l’Arabie Saoudite, refusent. À l’heure actuelle, ce sont eux qui bloquent les négociations sur ce sujet en défendant que l’argent devrait davantage venir de mesures volontaires et de sources privées. D’autres États défendent également l’idée selon laquelle le fonds devrait être alimenté directement via des taxes sur l’utilisation de combustibles fossiles dans les transports internationaux, qu’ils soient aériens ou maritimes.
Abandonner les négociations?Pour sortir de l’impasse, plusieurs États proposent de sortir le Fonds vert du contrôle de la convention pour le placer entre les mains du G20, organisme vu comme étant plus à même de prendre des décisions et d’arriver à un consensus. Cette mesure aurait cependant comme effet de placer le contrôle d’un des outils majeurs de la lutte aux changements climatiques dans les mains des pays les plus riches. Ce ne serait absolument pas équitable. Afin de ne pas avoir à recourir à cette option, l’Inde et le Brésil proposent plutôt de renégocier le texte plutôt de le laisser être abandonné. Cela montre bien à quel point le cas du Fonds vert pour le climat est loin d’être réglé. |