Par Eugénie Emond
Mots clefs : développement durable, Nord québécois, aires protégées, Institut EDS, industrie minière
L’exploitation du Nord québécois soulève de nombreuses questions et laisse comprendre que nous le connaissons encore trop mal. « Les gens du Nord ne doivent pas être l’objet d’études, ils doivent en être les instigateurs»,a lancé Andy Baribeau, responsable des dossiers miniers pour la Nation Crie de Eeyou Istchee, à l’occasion d’une table ronde sur la gestion durable des ressources du Nord québécois, organisée par l’EDS. Le conférencier a partagé, le 25 mars dernier, une réflexion en compagnie de quatre autres invités qui ont présenté autant de positions que de nombreuses mises en garde. Le représentant de la nation autochtone a souhaité que le Nord soit pensé par les gens du Nord. « Si vous voulez en savoir plus sur le Nunavik, vous pouvez aller faire un tour sur Google, ou mieux, venez faire un tour chez nous! », a-t-il lancé. Pour ce Cri de Mistassini, il faudrait équilibrer les forces entre le Nord et le Sud.
Bien connaître la ressourceAutre conférencier du colloque, Jean-Yves Labbé, géologue et chef du service de la diffusion et de l’intégration au Ministère des Ressources naturelles du Québec, défendait plutôt la perspective de l’industrie minière. Il estime qu’on ferait fausse route à décréter des aires protégées sur la moitié du territoire et à y empêcher les travaux d’exploration. « Ce n’est pas du développement durable parce qu’on ne connait plus ce qu’on a sur notre territoire », a-t-il plaidé. Le géologue croit d’ailleurs que la méconnaissance populaire du domaine minier en exagère les impacts.« On n’aura jamais des centaines de mines dans le Nord. Le potentiel n’est tout simplement pas là », a-t-il soutenu.
Compenser : une solution de dernier recoursL’aspect environnemental était défendu par Marcel Darveau, chef de recherche et conservation boréale pour le Québec à Canards Illimités Canada. Il a mis en garde contre une éventuelle pénurie des milieux de substitution, même si on conserve une bonne partie du territoire. « Le développement du Nord, c’est l’illustration parfaite d’une sorte de course en accélération exponentielle entre les dommages environnementaux et les contre-mesures environnementales », a-t-il illustré. Selon lui, restaurer une tourbière après en avoir détruit une autre c’est bien, mais il n’en demeure pas moins qu’un milieu humide a été perdu.
L’éducation en héritageDu point de vue de Thierry Rodon, professeur au département de science politique de l’Université Laval, le développement durable n’a rien à voir avec l’environnement, mais plutôt avec les humains. « L’environnement ne se développe pas, la société oui », a-t-il raisonné. La meilleure façon d’extraire du minerai de façon durable serait selon lui de rendre l’éducation accessible aux communautés touchées par la présence de la mine. Le politologue a rappelé qu’il n’y avait toujours pas d’établissement postsecondaire au Nunavik.
Justifier les chiffresMarkus Herrmann, professeur au département d’économique de l’Université Laval, a déploré quant à lui le fait qu’il n’existe pas vraiment d’analyses coûts-bénéfices pour mesurer le développement durable. « Est-ce que 12% d’aires protégées font du sens économiquement? Pourquoi pas 10%? Pourquoi pas 15%? », a-t-il interrogé. Selon lui, le principe de précaution justifierait le pourcentage, mais une stratégie minérale au Québec serait certainement de mise pour guider le calcul. Cette table ronde sera accessible bientôtau www.ihqeds.ulaval.ca et en rediffusion au Canal Savoir.
Source: GaïaPresse |