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Le Canada a récemment soumis sa « Sixième communication nationale sur les changements climatiques » conformément à ses obligations relatives à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). L’Association québécoise de lutte de contre la pollution atmosphérique (AQLPA) a pris connaissance du rapport qui comprend, entre autres, l’inventaire des gaz à effet de serre (GES), les politiques du pays en matière de lutte aux changements climatiques, et les projections quant aux effets de ces politiques et mesures sur les émissions de GES. Sans surprise, nous constatons la même rhétorique de faux progrès et de vérités voilées qui nous est servie depuis des années.
Un exemple typique se situe dans l’insistance sur les efforts déployés dans le secteur des transports et une discrétion éloquente quant aux efforts du côté pétrole et gaz. Mais les projections des émissions de GES pour ces deux secteurs sont une croissance de 6% pour le transport qui passera de 168 Mt éq CO2 en 2005 à 179 Mt éq CO2 en 2030 et de 49% pour l’industrie pétrolière et gazière (de 162 Mt éq CO2 en 2005 à 241 Mt éq CO2 en 2030).
« Le rapport prétend également que le Canada est un participant actif au processus de la CCNUCC et qu’il joue un rôle constructif dans les négociations climatiques, alors que le monde a été témoin du contraire lors des dernières Conférences des parties (CdP) à Varsovie, à Doha et à Durban » déclare Marc Lebel, coordonnateur Climat-Énergie et membre de la délégation AQLPA à Varsovie (19e CdP, novembre 2013).
Le rapport souligne une nouvelle législation sur les carburants afin que les modèles de voitures de 2017 consomment la moitié d’essence des voitures de 2008. Or, le fait de viser 2017 pour de nouvelles normes sur les véhicules et les carburants revient à pelleter le problème dans la cour des prochaines générations. De nombreux rapports scientifiques, dont le dernier du GIEC, insistent sur le fait qu’il faut agir maintenant et non quand la conjoncture semblera plus favorable. De plus, il faudra compter au moins 14 ans pour le renouvellement du parc automobile conventionnel et 25 ans pour les hybrides et autos électriques.
Le gouvernement fédéral dit avoir investi plus de 10 milliards depuis 2006 en infrastructures vertes, efficacité énergétique et dans le développement de technologies vertes, puis dans la production d’énergie et de combustibles fossiles supposément plus propres. Or, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a confirmé en 2013 qu’il faut non pas chercher de nouvelles sources de combustibles fossiles, mais bien laisser les deux tiers des réserves d’hydrocarbures connues dans le sol pour espérer rester sous la barre d’un réchauffement de 2°C.
Le rapport fait état de des mesures de capture et séquestration du carbone (Carbon Capture and Storage technologies ou CCS), alors qu’en réalité le gouvernement fédéral finance les recherches des pétrolières sur le CCS à coup de centaines de millions de dollars, mais le stockage du CO2 ne prend sens qu’en fixant un prix pour le carbone, ce qu’il refuse de faire. C’est donc un double cadeau aux pétrolières. De plus, selon les plus récentes analyses, la séquestration du carbone ne donne pas les résultats escomptés et ne permettra d’aucune façon de plafonner les émissions d’ici 2020 et il y a peu de chances qu’on y arrive même avant 2030[i].
Le rapport reconnaît le coût économique potentiellement astronomique des changements climatiques pour le Canada. Les réclamations pour des désastres liés au climat (ex : inondations en Alberta en 2013) risquent de coûter cher, car les compagnies d’assurance ne couvrent pas ce genre de catastrophe. Les frais de reconstruction risquent d’être très élevés pour les infrastructures canadiennes et le rapport en fait mention. « Le gouvernement Harper préfère laisser les profits aux pétrolières et gazières tout en sachant très bien que ce que sont les contribuables qui essuieront les conséquences financières des changements climatiques, sans parler des conséquences environnementales » déclare André Bélisle, président de l’AQLPA.
« En conclusion, le Canada n’est pas du tout en voie de respecter sa cible autoproclamée de Copenhague, encore moins de s’approcher du seuil de réduction requis pour stabiliser le climat. Sur une période de 21 ans, les nouvelles réglementations résulteront, selon les projections fournies, en des réductions cumulatives d’environ 214 mégatonnes (Mt) de GES, ce qui est nettement insuffisant pour atteindre la maigre cible de réduction de 17% de nos émissions pour la période 2005-2020. C’est aussi largement insuffisant pour éviter l’emballement climatique » indique André Bélisle, président AQLPA.
Le rapport omet de mentionner les aspects les plus cruciaux sur lesquels le Canada devra investir beaucoup plus d’efforts au cours des prochaines années pour tenter de juguler la crise climatique qui se profile : la réduction draconienne de nos émissions de GES, l’aide financière significative aux pays vulnérables et la transition vers une économie basée sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique… Encore et toujours le syndrome de l’autruche… avec sa tête bien enfoncée dans les sables bitumineux!