Par Sophie Filion
Photo de Danilo Rizzuti – Wikipedia commons |
La firme montréalaise Biothermica annonce la première vente de crédits de carbone sur le marché californien d’une valeur de 860 000 $ CAN dans le cadre du système de plafonnement et d’échange de crédits de carbone. Cette transaction, fruit d’une technologie de destruction du méthane minier, démontre l’importance de la recherche et de l’innovation dans la lutte contre les changements climatiques.
Les technologies Biothermica
Présidé par M. Guy Drouin, Biothermica, se consacre au développement intégré de projets de carbone et d’énergie dans les domaines de l’assainissement de l’air, le biogaz et le méthane minier.
L’entreprise a réussi sa première vente de crédits de carbone sur le marché californien grâce à l’implantation de la technologie Vamox auprès de la Jim Walter Resources (JWR), une mine de charbon située à Brookwood l’Alabama.
Le Vamox, une modification d’une technologie développée par la firme en 1990 pour assainir les émissions provenant des alumineries, permet la destruction par combustion, du méthane émis par le système de ventilation des mines.
Ces crédits ont été générés selon les règles de la California Air Resources Board dans le cadre cadre du système de plafonnement et d’échange de crédits de carbone (SPEDE).
« Je suis très fier de contribuer à la lutte contre les changements climatiques et espère pouvoir implanter cette technologie sur plusieurs autres sites américains très prochainement », dit M. Drouin.
M. Drouin souligne la potentialité de sa technologie sur le marché mondial et ne compte pas s’arrêter au marché américain. « Il y a un potentiel immense en Chine, en Ukraine et en Russie puisque la production électrique de ces pays repose grandement sur le charbon ».
Un marché complexe
Sur le sujet, M. Drouin souligne la complexité de mettre en place un marché pour réguler l’environnement, tel que démontré par l’échec du marché européen. Il insiste sur le rôle du gouvernement dans l’intégration du développement durable à l’économie.
Bien qu’il se dise content des initiatives gouvernementales quant à l’adoption du SPEDE, M. Drouin insiste « sur l’opportunité offerte de positionner le Québec comme leader dans la lutte contre les changements climatiques ».
Pour lui, les contraintes de carbone font désormais partie de la réalité. « Il faut être les premiers à développer les technologies pour faire face à ces contraintes », analyse-t-il.
Enjeux du SPEDE pour le Québec
Tirant une leçon des ratés du marché européen, plusieurs s’inquiètent de la viabilité du marché pour assurer l’atteinte des cibles québécoises de réduction de GES. Toutefois, M. Drouin demeure optimiste.
« Un partenariat avec la Californie est essentiel au bon fonctionnement du marché en amenant davantage de joueurs, d’autant plus lorsque l’on considère la non-participation des autres membres canadiens au système d’échange », poursuit-il.
En effet, on peut supposer que la taille et la diversité de l’économie californienne sont suffisantes pour permettre la viabilité d’un SPEDE unique, ce qui n’est pas le cas au Québec.
Pour M. Drouin et plusieurs autres, l’enjeu majeur réside dans la structure de l’économie.
Avec l’assujettissement du secteur des transports au SPEDE depuis janvier 2015, celui-ci est devenu le nerf de la guerre pour l’atteinte des objectifs québécois; sachant quece secteur comptait pour 43 % du total des émissions en 2010 et que les opportunités de réductions des autres secteurs sont relativement restreintes.
En effet, les actions les moins coûteuses de réductions de GES ciblent les centrales électriques, à condition que ces dernières soient polluantes, ce qui n’est pas le cas avec les centrales hydroélectriques prédominant le paysage québécois.
Pour certains, il y a de quoi s’inquiéter d’une fuite de carbone, d’autant plus que l’on sait que plusieurs gains à plus faible coût ont déjà été réalisés dans le secteur industriel.
Néanmoins, M. Drouin ne doute pas des bénéfices potentiels du système et espère que les autres provinces canadiennes se rallieront au marché et que l’impact du SPEDE sur le prix des combustibles fossiles contribuera à induire un changement de comportement.
La question des crédits compensatoires
Les adhérents au SPEDE peuvent se prévaloir de l’achat de crédits compensatoires jusqu’à concurrence de 8 % de la couverture de leurs émissions par période de conformité.
Pour ce faire, le SPEDE reconnait à l’heure actuelle seulement trois protocoles de projets admissibles à la génération de crédits compensatoires. Cela constitue un obstacle majeur pour le Québec, pour qui la capacité de génération de crédit compensatoire est limitée et coûteuse.
M. Drouin s’inquiète que le système souffre d’un manque chronique de crédits compensatoires en raison du plafonnement des émissions et du faible nombre de protocoles de projets admissibles aux crédits compensatoires. Cette situation limite grandement la capacité des entreprises a implanté de tels projets au Québec. D’autant plus que le potentiel québécois de génération de crédits compensatoire est très inférieur à celui de la Californie.
Dans l’état actuel des choses, M. Drouin croit que le nombre de crédits compensatoires est insuffisant à répondre à la demande du marché et craint que cet écart ne perturbe le prix du l’unité carbone au sein la WCI.
Source: GaïaPresse