Suivre la consigne

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ar Justine Montminy

Faut-il étendre la consigne ou l’éliminer? Le débat est bien ancré sur la place publique et oppose farouchement plusieurs parties. Avec le renouveau que promet Recyc-Québec, une position claire se fait attendre.

On se souviendra qu’à l’automne 2014, le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel, a annoncé son intention de moderniser le système de consignation au Québec.

Il avait laissé entendre, que le nouveau système pourrait inclure les bouteilles d’eau aux contenants consignés. Cinq mois plus tard, son cabinet se contente de dire que «différents scénarios de modernisation de la consigne sont  actuellement analysés».

 

Étendre la consignation

Le Québec et le Manitoba sont les seules provinces canadiennes où la consigne des bouteilles de vin n’est pas obligatoire. Au Québec, 80% du verre recyclé provient des bouteilles de vin et autres bouteilles d’alcool. La Nouvelle-Écosse a, quant à elle, un système de consigne très élargie. En effet, plusieurs contenants y sont consignés, y compris les briques de jus en carton et les cannes de conserves.

La consommation de l’eau en bouteille est en hausse constante au Québec. Selon les plus récents chiffres de Statistiques Canada, 28% des Québécois indiquent consommer régulièrement de l’eau en bouteille plutôt que l’eau du robinet.

Le projet Pro-Consigne Québec, mis en place par le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) il y a trois ans, lutte activement pour l’ajout des bouteilles d’eau au système de consigne.

«Plus d’un milliard de bouteilles d’eau est consommé chaque année au Québec. Environ 50% de celles-ci sont recyclées. Ça fait environ 500 000 millions de bouteilles chaque année qui sont jetées et qui se retrouvent dans l’environnement», affirme le directeur du FCQGED, Karel Ménard. Il est d’avis que la consigne inciterait la population à recycler davantage.

Selon le plus récent Bilan de la gestion des matières résiduelles au Québec de Recyc-Québec, seulement 16% du plastique utilisé à domicile est mis au recyclage. Karel Ménard dénonce le faible taux de recyclage des bouteilles d’eau en comparaison à celui des boissons gazeuses consignées, qui atteint 75%.

 

Recueillir différemment

Le Vice-président aux affaires publiques de l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ), Pierre-Alexandre Blouin, n’est pas du même avis. Selon lui, les centres de tri doivent être améliorés, car les bacs de recyclage à domicile sont utilisés de manière adéquate par la population. Il ajoute que les municipalités devraient investir dans des bacs publics puisque la population consomme majoritairement les bouteilles d’eau hors foyer.

«C’est totalement faux de penser que le consommateur va garder la bouteille d’eau qu’il consomme à l’extérieur de son domicile pour aller la porter dans un dépanneur pour recevoir le montant de la consigne. Il va simplement la jeter», indique Pierre-Alexandre Blouin.

Karel Ménard critique toutefois cette proposition.

Karel Ménard explique que les bouteilles d’eau n’ont pas été incluses au système de consigne du Québec, puisqu’à l’époque de son adoption, il y a trente ans, l’eau embouteillée n’existait pas.

 

 

«Ils sont financés par des entreprises privées. Il n’y a aucune donnée qui existe pour les bacs publics et on ne sait pas où vont les déchets et s’ils sont réellement recyclés. Il ne faut pas oublier que récupérer ne veut pas nécessairement dire recycler», ajoute le directeur général de la FCQGED.

L’Association des embouteilleurs d’eau du Québec (AEEQ) s’est également prononcée contre la consigne.

Le vice-président aux Innovations et relations avec les membres de l’AEEQ, Dimitri Fraeys précise que les bouteilles d’eau sont recyclables à 100%. « La consigne que l’on a en place actuellement fait de moins en moins ses preuves : on recycle de plus en plus dans les bacs bleus. Si on fait un système de consigne supplémentaire pour les bouteilles d’eau, on met de plus en plus de camions sur les routes pour favoriser le transport de ses bouteilles vides, donc plus de  gaz à effet de serre», ajoute Dimitri Fraeys.

Viser l’efficacité

Si la consigne est appliquée aux bouteilles d’eau, le consommateur devra porter les contenants dans des centres spécifiques, tels que les dépanneurs ou les épiceries, afin de recevoir un certain montant d’argent en échange. Dimitri Frayes et Pierre-Alexandre Blouin critiquent la complexité et les frais supplémentaires qu’engendrerait la mise en place d’un tel système pour la société.

Le principal défi de la modernisation de la consigne gravite autour de la mise en place d’un système de gestion des contenants efficace, selon le directeur des communications du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Clément Falardeau.

Il reconnaît que le système de consignation québécois doit être amélioré puisqu’il a été mis en place il y a 30 ans.

 

Choix de société

La hausse de la consommation des bouteilles d’eau est un élément à prendre en considération dans le débat, selon Pierre-Alexandre Blouin.

«Il y a des tendances de consommation dans la société. Actuellement, les bouteilles d’eau en sont un bon exemple et les chiffres nous prouvent que les consommateurs ne sont pas prêts à cesser d’acheter de l’eau en bouteille. La consigne est une taxe cachée. Si le projet passe, le prix des bouteilles d’eau augmentera. Ça ne serait pas rendre service aux consommateurs», défend-il.

Karel Ménard s’oppose à la position de l’Association des détaillants en alimentation du Québec.

«Les anti-consignes s’opposent à la consigne uniquement parce qu’ils ont peur que les clients achètent moins de bouteilles, si leur coût augmente. L’eau du robinet ne coûte rien. On ne devrait pas avoir à acheter de l’eau», critique-t-il.

 

Crédit: Félix Bernier

 

Source: GaïaPresse

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