Par Éliane Brisebois
Photo de Arnaud25 – Creative commons |
Paniers préparés par des « fermiers de famille », marchés de quartier, distribution de fruits et légumes à vélo… Depuis quelques années, les initiatives de mise en marché alternative de l’alimentation prennent racine dans plusieurs quartiers de Montréal dans le but de répondre à des considérations sociales et environnementales. Si ces dernières font preuve de dynamisme et d’imagination, elles rencontrent toutefois de nombreux obstacles à la réalisation de leur mission.
C’est pour mieux identifier et comprendre ces blocages aux changements dans le système agroalimentaire que René Audet, Sylvain Lefèvre et Mahdiah El-Jed, trois chercheurs de l’UQAM, ont mené une recherche-action avec divers acteurs des marchés de quartier montréalais. La recherche a ainsi été conduite en collaboration avec les Marchés Ahuntsic-Cartierville, le Marché Solidaire Frontenac et la Maison de l’amitié qui gère le projet Marché fermier. Le rapport issu de la deuxième phase de cette recherche initiée en 2012, avec le soutien du Service aux collectivités de l’UQAM, sera présenté lors d’une conférence à la Maison du développement durable le mardi 16 juin.
Les chercheurs et les acteurs du système agroalimentaire alternatif montréalais tentent donc de cerner les différents « verrouillages institutionnels et sociotechniques » qui ralentissent la transition vers un système alimentaire socialement plus juste et aux impacts environnementaux plus faibles. Ils ont ciblé, par exemple, des enjeux de logistique d’approvisonnement, le manque d’intérêt de nombreux acteurs politiques pour les questions alimentaires, les difficultés financières, etc.
De nouveaux liens
À la base, les initiatives du système agroalimentaire qu’on dit « alternatif » tentent de créer de nouvelles relations entre les producteurs et les consommateurs. « On veut travailler sur la chaîne de valeur, sur la relation entre le producteur et le consommateur, qu’elle soit directe ou indirecte; que ces liens soient travaillés pour faire en sorte qu’il y ait davantage d’alimentation locale qui se rende sur le grand marché aussi. C’était le focus, on a aussi inclus la question de l’accessibilité, car on ne veut pas un système à deux vitesses, on veut que ce soit accessible à tout le monde », témoignait ainsi une participante citée dans le rapport.
Les différentes initiatives ne partagent cependant pas tous la même conception de cette redéfinition des liens entre producteurs et consommateurs. Certains modèles « où il y a une agrégation de producteurs, souvent bio, souvent assez chers, avec la vente sur Internet, 15 % de frais d’administration » ne permettent qu’« un lien qui demeure virtuel, à travers le contact internet… », critiquait un autre participant.
La question d’accessibilité à une alimentation saine en milieu plus défavorisé fait partie des priorité des marchés de quartier. Mais les organismes se butent à plusieurs obstacles d’ordre financier dans l’atteinte de cette mission. Les intervenants du milieu souhaitent ainsi un soutien de « manière pérenne », car « la non-récurrence des financements, c’est pelleter par avant le problème du financement de base », illustrait un intervenant lors d’un groupe focus organisé par les chercheurs. « On sent que les bailleurs de fonds saisissent mal la mission des organismes en sécurité alimentaire », renchérissait un autre participant.
La dimension politique de la question du financement a permis de soulever plusieurs pistes de réflexion. Faudrait-il instaurer un financement public de la mise en marché alternative? Fonder un Conseil de politique alimentaire à Montréal? Faire collaborer les systèmes conventionnels et alternatifs? Le rapport fait état de plusieurs questions et éléments d’analyses de ces enjeux .
Les réponses « toutes faites » n’existent pas. Certes, un constat est transcendant : « les initiatives de la mise en marché alternative de l’alimentation apparaissent de moins en moins comme des expériences incongrues, y compris aux yeux des acteurs du système conventionnel, et de plus en plus comme la préfiguration d’une nécessaire transition socioécologique », conclut le rapport de recherche.
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Source : GaïaPresse