Un nouveau rapport publié aujourd’hui par le Natural Resources Defense Council (NRDC) de New York, NY, en partenariat avec de nombreux groupes canadiens et américains, démontre que le projet d’oléoduc Énergie Est pourrait entrainer une augmentation de 300 à 500 % du trafic de pétroliers de pétrole brut le long de la côte atlantique à partir de Saint John au Nouveau-Brunswick et jusqu’au golfe du Mexique – le site commercial de raffinage privilégié pour le traitement du bitume issu des sables bitumineux.
Intitulé «Énergie Est : La menace des sables bitumineux dans l’Atlantique », le rapport établit que l’ajout de près de 300 superpétroliers constituerait une grave menace pour des mammifères marins tels que la baleine franche de l’Atlantique Nord (une espèce en voie de disparition), pour l’industrie lucrative de la pêche au homard de la baie de Fundy ainsi que pour des régions emblématiques comme les Keys de la Floride. Cette menace est multiple : bruit assourdissant dans les fonds océaniques, risques accrus de déversements majeurs de pétrole et introduction d’espèces envahissantes. Au niveau mondial, le pétrole déplacé par ce pipeline entrainerait des émissions de gaz à effet de serre (GES) supplémentaires pendant des décennies, et ceci, jusqu’à concurrence de 256 millions de tonnes par année, une quantité équivalente à celle des émissions de toutes les voitures qui roulent en Allemagne.
Dans son application consolidée déposée ce printemps, TransCanada a explicitement mentionné l’option d’exporter du pétrole à partir d’un port au Québec. Selon Keith Stewart, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, « Énergie Est pourrait augmenter significativement le trafic de pétroliers sur le Saint-Laurent et, par le fait même, ajouter de nouvelles menaces alors que ce projet est déjà jugé comme trop risqué par la majorité de la population, ainsi que par plus de 300 municipalités, l’Union des producteurs agricoles et les Premières nations du Québec et du Labrador. »
« Ce rapport prouve que l’expédition de bitume met les océans et les voies navigables du Canada à risque », a déclaré Steven Guilbeault, directeur principal chez Équiterre. La voie maritime du St-Laurent est un moteur économique pour tout l’est du pays et plusieurs communautés le long de l’embouchure du fleuve vivent du tourisme et de la pêche. Un déversement serait catastrophique. Monsieur Guilbeault poursuit : « Nous demandons au gouvernement fédéral d’adopter des mesures immédiates et de ne pas approuver le déploiement des projets de pipelines, tels qu’Énergie Est ou celui de Kinder Morgan ».
Le NRDC qui a joué un rôle clé dans la campagne contre le déploiement du pipeline Keystone XL, a également annoncé aujourd’hui le lancement d’une campagne demandant un moratoire national sur les pétroliers transportant du dilbit (bitume dilué) issu des sables bitumineux dans les eaux américaines. Ce moratoire s’appliquerait autant sur l’Atlantique que sur le Pacifique. Une pétition présentée à la Maison-Blanche a déjà recueilli 80 000 signatures.
« Énergie Est pose un ensemble de menaces extraordinaires pour la côte est des États-Unis », affirme Anthony Swift, directeur du projet canadien pour NRDC. Il ajoute que « malgré ces menaces, les organismes de réglementation canadiens semblent fermer les yeux sur ce qui pourrait se produire avec le pétrole d’Énergie Est une fois qu’il sera chargé sur des pétroliers en destination du golfe du Mexique ».
Monsieur Swift ajoute : « Face à des menaces qui posent des défis quasiment insurmontables pour l’industrie et pour les intervenants en cas de déversement – menaces qui sont toutes confirmées par la National Academy of Sciences – nous croyons qu’il existe un besoin urgent d’établir un moratoire sur les pétroliers transportant des hydrocarbures issus des sables bitumineux dans les eaux américaines. Puisque les pipelines de TransCanada et Kinder Morgan ne peuvent avoir de sens au point de vue économique sans l’utilisation des eaux américaines, un tel moratoire pourrait sérieusement retarder et peut-être même freiner complètement ces projets. »
Aux États-Unis, la garde côtière et l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA), ont le pouvoir d’approuver ou de rejeter les plans d’intervention en cas de déversement développés par les flottes de navires ou par les usines. Selon le NRDC, étant donné un manque de technologies appropriées pour faire face aux situations de pétrole immergé ou coulé au fond de l’eau, aucun plan d’intervention ne peut adéquatement voir à l’assainissement de zones affectées par du bitume dilué. Dans une situation de déversement accidentel à partir d’un pétrolier, et contrairement au pétrole brut conventionnel, d’importantes quantités de bitume dilué qui se retrouveraient dans l’eau couleraient. C’est ce que révèle une étude de 2016 du National Academy of Sciences (NAS). Le NAS a également constaté que la réglementation et que les techniques d’intervention en vigueur en cas de déversement seraient incapables de répondre aux conditions spécifiques et aux risques plus élevés associés au bitume dilué issu des sables bitumineux.
« Pour que la démarche de l’Office national de l’énergie (ONÉ) soit la moindrement crédible, elle doit donner un rôle central à l’étude du NAS dans son examen d’Énergie Est », selon Matthew Abbott du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, ajoutant que l’ONÉ a refusé la possibilité d’entreprendre des consultations sur les enjeux posés par les pétroliers en Nouvelle-Écosse, une province, qui, tout comme le Nouveau-Brunswick et le Québec, serait directement touchée par la navigation de pétroliers de sables bitumineux.
Pendant ce temps, en Colombie-Britannique, l’ONÉ a refusé d’examiner la même étude du NAS dans son analyse du projet de pipeline de Kinder Morgan.
Ce jour marque également le sixième anniversaire du déversement de la rivière Kalamazoo au Michigan. 4,2 millions de litres de dilbit brut issu des sables bitumineux avaient alors été déversés suite à une rupture du pipeline d’Enbridge. Le plan d’intervention de cinq ans mis en place suite au déversement a coûté plus d’un milliard de dollars américains et, malgré les efforts et un important programme de dragage, des résidus de bitume se retrouvent toujours au fond de la rivière.
Source : Équiterre
Crédit photos : NRDC