L’Union paysanne a, dans les dernières semaines, consulté plusieurs agriculteurs, élus municipaux, fonctionnaires et anciens hauts fonctionnaires concernant les changements au programme de crédit de taxes foncières agricoles (PCTFA) annoncés au printemps 2016 par le ministre Pierre Paradis. Il était devenu essentiel d’avoir une vision plus large en raison de l’importante variabilité des chiffres et de l’attitude pyromane de l’UPA. Des scénarios apparaissent désormais plus clairement.
- Une classe d’agriculteurs sera favorisée par la réforme, soit celle ayant une forte proportion en bâtiment et moins de terre.
- Les plus petits verront leur compte augmenter légèrement.
- Les producteurs en grande culture ainsi que les grands maraîchers paieront la facture la plus importante.
Les producteurs traditionnels avec peu de sol comme le poulet, le dindon, les œufs de consommation et d’incubation, les serristes, les fermes porcines intégrées verront leur retour de taxe se bonifier. Le calcul est simple: l’ancien taux s’appliquant aux bâtiments étaient de 70 % et passera au taux uniformisé de 78 %. Même ceux cultivant un certain nombre d’hectares en plus de leur production sans sol verront tout de même une bonification ou un coût très faible.
Les plus petites fermes, celles qui ont un revenu de moins de 25 000 $ (30 % des fermes au Québec) verront vraisemblablement leur compte de taxe augmenter légèrement. Encore là, si elles possèdent des bâtiments et peu de surface agricole, c’est le contraire qui se passera.
Les fermes céréalières et maraîchères ayant beaucoup de superficie agricole, versus peu de bâtiment, verront leur compte de taxe ce hausser de façon notable en raison des modifications du taux progressif par un taux unique à 78 %. Selon quelques cas consultés, on parle de 2 à 3 $ / acre en plus. Multipliez par le nombre d’âcres et les montants sont substantiels. Oui, il faut tout de même mentionner que ces entreprises valent quelques millions.
Ici, il n’est pas question de simplifier à l’extrême les cas possibles sur les 26 000 fermes que compte le Québec réparties dans 900 municipalités, mais des lignes de force se dessinent et nous tenons à donner aux producteurs agricoles une information plus horizontale de la question que celle fourni par l’UPA. Le tableau est loin d’être celui dépeint par le syndicat qui oubli au passage de dire que les agriculteurs du Québec sont les plus soutenus en Amérique du Nord.
Manque d’information des agriculteurs
Si l’Union paysanne arrive à déchiffrer ces aspects du dossier de la réforme, il n’est pas pensable que l’UPA ne l’ait pas vu. Alors pourquoi ne pas en informer les producteurs? En agissant comme elle le fait et en personnalisant sa vindicte, elle se sort de l’échiquier politique. Dans une situation de monopole syndical ce sont les agriculteurs au final qui se retrouvent orphelins de représentation. L’Union paysanne tient donc à dénoncer vivement l’attitude de l’UPA dans ce dossier. Elle ne peut parler pour l’ensemble des agriculteurs.
L’Union paysanne reconnaît que nous, agriculteurs, avons été les premiers responsables de l’explosion du coût des terres. Ce régime a profité à tout le monde pendant 40 ans. Aujourd’hui, nous détruisons l’avenir de l’agriculture, l’avenir de notre relève agricole en planifiant à court terme et en considérant l’état comme une banque sans limite.Les trois scénarios que nous soulevons ne prennent même pas en compte que les fermes sous gestion de l’offre pourront intégrer les coûts dans leur coût de production ce qui encore une fois viendra amoindrir les impacts potentiels des changements.
Expert indépendant
L’Union paysanne tient à saluer la décision du ministre Paradis, révélée dimanche soir dans la Vie Agricole, de nommer un expert indépendant afin d’analyser les chiffres actuellement au cœur du conflit. « Le ministre Paradis peut compter sur notre collaboration afin de collaborer avec cet expert» souligne Benoit Girouard, président de l’Union paysanne. « Au-delà des disputes de chiffres, nous espérons rapidement rencontrer le ministre Paradis afin de travailler sur des aménagements possibles dans le nouveau PCTFA qui viendraient amoindrir l’impact sur certaines fermes» ajoute t’il.
L’Union paysanne dès le début 2017 invitera les municipalités rurales à adopter un taux de taxation distinct sur leur portion de territoire agricole. La ville de l’Assomption et de St-André d’Argenteuil viennent d’ailleurs de le faire en 2016. Cette disposition a toujours été disponible, mais peu utilisée en raison de la générosité du PCTFA. Ce programme a toujours été plus utilisé comme une subvention aux municipalités rurales, que comme une aide concrète pour les agriculteurs. En 2001, le PCTFA coûtait 65,875 M $. Cette année, il sera de 145,5 M $ et atteindra 168 millions en 2019. Un panier sans fond.
Nouveau cadre de taxation
En terminant, les changements au PCTFA sont de l’ordre du rafistolage et de la fermeture d’un robinet, pas d’une réelle solution à long terme. Il est nécessaire que dès l’adoption d’une première politique agricole de trouver un nouveau cadre de taxation rural. « Les agriculteurs méritent d’avoir un réel budget consacré entièrement à l’agriculture et une taxation qui favorise le transfert et la création de fermes », ajoute Maxime Laplante, agronome et vice-président de l’Union paysanne. «Par ailleurs, les municipalités rurales doivent avoir un financement adéquat alors que les agriculteurs sont de moins en moins nombreux » précise t’il. C’est un beau casse-tête, mais l’Union paysanne travaillera du côté de la solution et de la concertation et non de la confrontation.
Source : Union paysanne