Par Jean Hamann
Grâce aux colliers-caméras, les chercheurs ont accès à une téléréalité inédite sur la vie intime des caribous migrateurs.
Voir en gros plan ce que voit un caribou, ce qu’il mange, où il met le sabot, comment il interagit avec son petit, ses semblables, ses prédateurs, bref être dans la peau d’un caribou au sein d’un troupeau migrateur. Voilà l’étrange impression qui s’installe peu à peu lorsqu’on visionne les images recueillies grâce aux colliers-caméras que l’équipe de Steeve Côté, du Département de biologie, a installés sur 14 caribous du troupeau de la rivière aux Feuilles. L’étudiante-chercheuse Barbara Vuillaume, qui s’attaque à la tâche titanesque d’analyser les quelque 62 000 vidéos de 10 secondes enregistrées par ces caméras entre juin et septembre 2016, a présenté les données préliminaires de ses travaux à l’occasion du colloque annuel du Centre d’études nordiques, qui se déroulait la semaine dernière au pavillon Alphonse-Desjardins.
Les colliers-caméras existent depuis quelques années, mais les premiers modèles vraiment fiables sont apparus sur le marché il y a moins de deux ans, souligne le professeur Côté, qui dirige le projet Caribou-Ungava. Le chercheur a aussitôt vu le potentiel de cet outil pour l’étude des caribous migrateurs de la rivière aux Feuilles dans le nord du Québec, un troupeau qui se déplace continuellement, couvrant jusqu’à 6 000 km par année. «Chacun de ces colliers-caméras coûte 5 000$. Ce n’est pas donné, mais c’est économique comparé à la seule autre approche qui s’offre à nous, les survols en hélicoptère qui, eux, coûtent environ 60 000$ par semaine», souligne-t-il.
Mine d’informations
Les avantages de ces colliers vont bien au-delà de la question d’argent, ajoute le chercheur. Non seulement fournissent-ils, comme les autres colliers munis de GPS, la localisation exacte de l’animal à intervalle régulier, mais ils livrent une masse d’informations qu’il serait impossible d’obtenir autrement en raison des déplacements incessants des caribous.
«Nous avons programmé les caméras pour qu’elles enregistrent des séquences de 10 secondes toutes les 20 minutes pendant les heures de clarté. De cette façon, la mémoire de l’appareil permet de stocker des vidéos pendant trois mois. Nous pouvons donc étudier avec une grande finesse, pendant toute cette période, les habitats qu’utilisent les caribous, les plantes qu’ils mangent, les comportements qu’ils adoptent en absence d’observateur humain et les conditions environnementales auxquelles ils sont exposés. Nous pouvons même déterminer le lieu, la date et l’heure, à 20 minutes près, de la naissance d’un faon.»
Source : Journal Le Fil, Université Laval