En se retirant de l’Accord de Paris, le président américain Donald Trump a fait preuve d’une ignorance crasse à l’égard des changements climatiques et de l’accord lui-même. Comme a écrit David Roberts, journaliste sur les questions d’énergie et de climat à Vox, au sujet de l’annonce de Trump : «Cette déclaration est un modèle du genre, en ce sens que presque tous les passages contiennent des erreurs ou des faussetés.»
À la lumière des énoncés absurdes selon lesquels l’entente volontaire imposera «un fardeau financier et économique immense» aux États-Unis, des craintes mesquines et irrationnelles à l’effet qu’il confère des avantages à d’autres pays ou des allégations erronées sur la possibilité et la nécessité de renégocier l’entente, Trump est soit mal informé soit il ment.
L’entente destinée à limiter le réchauffement climatique mondial que tous les pays, sauf la Syrie et le Nicaragua, ont signé en décembre 2015 (le Nicaragua parce qu’il n’allait pas assez loin !) est un véritable exploit. Malgré une campagne de déni féroce massivement soutenue financièrement, les pays du monde entier ont convenu, ensemble, de réduire les risques d’un chaos climatique.
Les scientifiques nous mettent en garde contre un dépassement des émissions de gaz à effet de serre au-delà de la capacité d’adaptation de l’humain. La hausse de la température moyenne mondiale, et le réchauffement des océans qui s’ensuivra, pourraient libérer d’immenses quantités de méthane gelé dans l’Arctique. Ce puissant gaz à effet de serre pourrait nous amener en terrain inconnu, où la survie même de l’humanité pourrait être en péril. Déterminé à soutenir des industries dépassées et polluantes, Trump ne contribuera certainement pas à nous sortir de ce bourbier. Nous ne devons pas baisser les bras pour autant.
Menace pour l’humanité et pour la planète
Dans les histoires de science-fiction où les extraterrestres envahissent la Terre, le président des États-Unis appelle les dirigeants russes, chinois, européens et autres. Ils s’unissent pour contrer le péril qui les menace tous. Les frontières nationales tombent devant l’ennemi commun.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une menace qui vise non seulement notre espèce, mais aussi une grande partie de la vie sur notre planète.
Toutefois, l’invasion ne vient pas de l’espace : elle résulte des effets combinés de l’activité humaine. C’est pourquoi elle exige un effort concerté pour contrer ses pires effets. Notre réponse aux changements climatiques constituera un moment déterminant de l’histoire relativement brève de l’humanité.
La nature n’a que faire des frontières que nous érigeons autour de nos propriétés, villes, provinces et pays et qui sont si importantes pour nous. Le saumon, le monarque, le grizzly, l’air et l’eau ne s’arrêtent pas aux frontières. En 1986, lors de l’accident de Chernobyl, en Ukraine, ce sont des scientifiques suédois qui ont, les premiers, alertés le monde de la catastrophe causée par la libération de particules radioactives. Des débris du tsunami survenu en 2011 à Fukushima, au Japon, ont atteint le Canada plus d’un an après. Des concepts si chers aux affaires humaines, comme l’économie, les marchés et les entreprises, dépendent totalement de l’état de la biosphère.
Trump isolé
La vie sur Terre a été possible en raison de la couverture de gaz à effet de serre qui enveloppe notre planète. Ces gaz régulent la température et préviennent ses fluctuations excessives entre le jour et la nuit et au fil des saisons. Avec l’évolution de la vie, la photosynthèse est devenue le premier moyen de captation et d’utilisation de l’énergie solaire qui, éventuellement, a mené à la production et au maintien de l’oxygène atmosphérique. Les plantes ont favorisé l’équilibre entre le dioxyde de carbone et l’oxygène, mais la hausse du recours aux énergies fossiles lié à l’industrialisation a poussé le dioxyde de carbone au-delà de la capacité d’absorption des plantes. Nous avons progressivement modifié la composition chimique de l’air à un niveau qui dépasse des millions d’années d’évolution.
Les chercheurs ont anticipé depuis des décennies les graves conséquences des changements climatiques provoqués par l’activité humaine. Malgré leurs mises en garde, les visées politiques et économiques ont, à quelques exceptions près, bloqué toute action concrète pour réduire l’utilisation des carburants fossiles.
Le problème n’est pas apparu soudainement. Les pays industrialisés ont été les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, stimulés par la croissance spectaculaire de l’économie américaine. En 1997, les signataires du Protocole de Kyoto ont reconnu que les pays responsables du problème devraient plafonner et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, tout en permettant aux pays plus pauvres de poursuivre leur développement jusqu’à ce que les dirigeants puissent adopter une autre entente qui inclurait toutes les nations.
Seul point positif de la décision de Trump : les changements climatiques ont bénéficié plus que jamais d’une couverture médiatique sérieuse. Des gens de partout dans le monde — dirigeants d’entreprises, de villes et d’états américains, chefs d’État d’autres pays — ont décidé d’intensifier leurs efforts, de prendre les devants pour compenser le recul de Trump.
Des gens de tous horizons ont uni leurs forces pour contrer la menace commune. Le dirigeant du pays le plus puissant a refusé de se joindre à eux. Désolant !
Traduction: Monique Joly et Michel Lopez
Source : Fondation David Suzuki