Lettre ouverte sur le budget fédéral

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Par Michel Bélanger

Président de Nature Québec



Au moment où même le Forum économique mondial souligne l’importance d’établir des orientations structurantes face aux crises multiples actuelles, le budget Harper brille par l’absence d’orientations claires. Ni les mesures pouvant avoir un effet immédiat sur l’économie – le but principal de l’intervention d’urgence – ni les mesures pouvant établir les assises d’un développement plus structuré ne s’y trouvent.


Les besoins primaires et immédiats des chômeurs ne seront pas comblés avec ce budget. En contrepartie, on introduit de nouvelles mesures fiscales permanentes qui n’auront aucun impact sur la situation actuelle et qui réduiront les revenus de l’État durant les années de déficits prévues.


De plus, ces annonces escamotent complètement tout intérêt d’amélioration de notre bilan énergétique:

  • le programme de rénovation des habitations, ouvert à tous les travaux, peu importe leurs contributions à l’atteinte d’objectifs sociaux ;
  • le soutien à l’industrie automobile, qui ne comporte aucune exigence en matière de véhicules aux meilleurs rendements énergétiques ;
  • le secteur énergétique, qui soutient l’industrie nucléaire et  pétrolière, tout en évitant d’exiger l’internalisation de leurs coûts ;
  • le programme d’infrastructures, qui n’identifie aucune priorité et qui dépend d’investissements complémentaires des gouvernements provinciaux dont la plupart sont déjà en difficulté ;
  • la construction de logements sociaux, pour lesquels, encore une fois, aucune exigence en matière de performance énergétique n’est mentionnée.

Nature Québec souligne que le gouvernement Harper a été tout à fait transparent dans ses grandes orientations par le passé, et il est fort à parier que celles-ci se retrouvent, implicitement, au présent budget dont :
  • les déficits projetés qui risquent de réduire, comme une peau de chagrin, toute marge de manœuvre du gouvernement à l’avenir ;
  • l’absence de soutien adéquat aux chômeurs qui risque de laisser des plaies sociales importantes face aux crises qui sévissent ;
  • l’indifférence aux enjeux énergétiques compromettant la capacité pour le Canada de faire face à ses obligations internationales ;
  • l’absence de distinction entre les sommes proposées pour les infrastructures répondant à des déficits d’entretien et celles requises pour les nouvelles orientations.
Les projections pour les prochaines années sont faites par un gouvernement qui ne voyait aucune raison d’être préoccupé par la situation économique il y a quelques semaines seulement. Comment croire en leur capacité d’anticiper le futur? Même en acceptant ces projections, les déficits proviennent en grande partie de réductions de la TPS déjà accordées et qui, contrairement aux prétentions, n’ont pas protégé le pays des problèmes économiques actuels et constituent une des pires approches fiscales si l’on veut s’attaquer à nos problèmes structurels de consommation.

La confiance dans une reprise de croissance du PIB pour alléger la dette représente, en même temps, la résolution du Canada de maintenir une empreinte écologique disproportionnée par rapport à la capacité de ses écosystèmes de fonctionner. La confiance est manifeste de penser pouvoir répondre aux besoins énormes des trois-quarts de l’humanité, qui sont aux prises avec des crises temporairement en suspens (pétrole, alimentaire, santé), sans perturber notre propre capacité et nos propres façons de gouverner.

Le budget ne s’attaque pas à la crise actuelle et à ses principales victimes. Il ne s’attaque pas non plus à la nécessité d’intervenir de façon structurelle afin d’assurer une certaine capacité de gouverner dans les années à venir. On peut soupçonner que les dépenses projetées en matière d’infrastructures et d’habitations ne se réalisent dans les périodes prévues, soit les deux prochaines années, même pour les travaux souhaitables. Le gouvernement navigue à vue, à droite, avec une insouciance inquiétante, alors que l’avenir de la société est probablement en cause.


Nature Québec souligne à cet égard qu’aucun des partis engagés dans le débat, au niveau fédéral, n’a soulevé la moindre préoccupation, ni fait la moindre référence aux phénomènes responsables des crises actuelles, dont:

  • un endettement et une consommation excessive de la part des individus, des entreprises et des gouvernements ;
  • des crises environnementales et sociales exigeant une diminution importante de l’utilisation des ressources naturelles ;
  • une “mondialisation” des impacts des sociétés contemporaines qui augmentent dramatiquement les risques et qui exigent une prévoyance et une précaution qui ne se manifestent pas….

Le développement durable nous impose de ne pas compromettre la capacité des générations futures de  répondre à leurs besoins. Or, n’est-ce pas ce que nous faisons en maintenant ce modèle de développement tout en leur ajoutant une nouvelle facture de 65 milliard$.
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