Par Coralie Deny,
Directrice adjointe du Conseil régional de l’environnement de Montréal
Directrice adjointe du Conseil régional de l’environnement de Montréal
Mots clés : sites d’enfouissement, matières résiduelles, Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), compostage, biogaz, 3R.
Suite au dernier rapport du BAPE émis le 8 mai dernier sur la demande d’agrandissement du site d’enfouissement de Sainte-Sophie, le gouvernement du Québec doit décider sous peu du sort des deux plus gros sites d’enfouissement du Québec, Lachenaie et Ste-Sophie, desservant tous deux la région montréalaise. Mine de rien, cette décision va dicter l’avenir de la gestion de nos matières résiduelles pour les prochaines décennies. C’est en effet le moment ou jamais pour le gouvernement de donner le coup d’envoi au virage qu’il souhaite entreprendre depuis 10 ans déjà, à savoir de détourner de l’élimination 65 % des matières résiduelles, en envoyant un message clair aux municipalités du Québec : l’enfouissement n’est plus l’option à privilégier.
L’exemplarité du milieu municipal Si la région montréalaise est encore aux prises avec un débordement d’une telle envergure (la demande d’agrandissement pour Lachenaie est de 26,5 millions de m3 pour les 17 prochaines années, celle de Sainte-Sophie est de 29 millions de m3 pour les 25 prochaines années), c’est en partie parce que les 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) n’ont pas assez fait jusqu’à présent pour atteindre les objectifs fixés par la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 du gouvernement. Celles-ci sont en effet responsables du tiers des matières résiduelles produites sur le territoire. Elles doivent faire preuve d’exemplarité dans la gestion responsable de ces ressources pour inciter tous les autres acteurs de la société, constructeurs, industries, commerces et institutions, dont la production de déchets représentent les deux autres tiers, à faire leur part pour réduire de façon drastique la quantité de matières acheminées aux sites d’enfouissement.. Quel message le gouvernement enverrait-il aux élus municipaux s’il autorisait l’enfouissement de quantités de matières résiduelles encore plus importantes qu’aujourd’hui? Pourquoi la CMM se hâterait-elle de mettre sur pied des infrastructures de compostage si elle pouvait poursuivre allègrement l’enfouissement? Pourquoi le milieu des affaires et les institutions seraient-ils plus vertueux que le monde municipal?
La valorisation des matières organiques Il y a quelques semaines, lors du dernier budget, le gouvernement a répondu à une demande unanime des municipalités, des villes du Québec et de groupes environnementaux en annonçant l’implantation d’un nouveau programme de financement des infrastructures municipales de digestion anaérobie. Quelque 40 % de l’ensemble des matières résiduelles gérées au niveau municipal pourraient ainsi être détournées des sites d’enfouissement, sans compter celles provenant des autres secteurs d’activités. En favorisant ainsi le compostage et la production de biogaz, le Québec pourrait tirer profit de ses matières organiques et mettre un terme à la pollution liée à leur enfouissement et au gaspillage incroyable de ces ressources.
La cohérence du gouvernement Le gouvernement ne peut entrer en contradiction avec ses propres démarches : son nouveau programme de financement des infrastructures municipales de digestion anaérobie, la mise en place imminente de sa prochaine Politique de gestion des matières résiduelles – qui ne pourra qu’aller plus loin que la précédente-, le nouveau règlement provincial sur les produits électroniques qui va bientôt voir le jour et ses récents règlements sur la redevance à l’enfouissement et sur la responsabilité élargie des producteurs. Québec n’a d’autre choix que d’autoriser l’enfouissement uniquement pour les 3 prochaines années et de revoir à la baisse les volumes permis pour atteindre enfin les objectifs de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles en 2012. Par la suite, les volumes autorisés pour l’enfouissement devront être déterminés à la lumière de cette nouvelle réalité et des objectifs de la future Politique. Voici donc l’occasion ou jamais pour le gouvernement de prouver qu’il est conséquent avec toutes ses autres décisions et en accord avec la volonté générale de faire le vrai virage vers les 3 R (Recyclage, Réutilisation, Récupération), tout cela dans le respect de l’équité territoriale, de l’environnement et de la qualité de vie des citoyens de Sainte-Sophie et de Lachenaie, qui endurent les déchets des Montréalais depuis tant d’années.
Par Coralie Deny, Directrice adjointe du Conseil régional de l’environnement de Montréal
Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’environnement (UQAM), Coralie Deny travaille depuis 2001 au Conseil régional de l’environnement de Montréal. Directrice adjointe au sein de l’organisme, elle y est responsable des dossiers relatifs aux espaces verts, à la qualité de l’eau et de l’air, et à la gestion des matières résiduelles.
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