Par Corridor appalachien
Organisme de conservation sans but lucratif qui travaille à la protection des milieux naturels et à la biodiversité dans la région des Appalaches
Un tour d’horizon
Bien que l’année 2011 soit celle du lapin dans l’horoscope chinois et que l’ONU la proclame « internationale des forêts », la tortue sera aussi à l’honneur cette année! En effet, Partners in Amphibian and Reptile Conservation (PARC) des États-Unis déclare 2011 « année de la tortue », soulignant ainsi l’importance de protéger ces reptiles spectaculaires, qui ont traversé avec succès tous les cycles climatiques survenus sur Terre depuis 220 millions d’années!
De nombreuses menaces, résultant de l’activité humaine, ont pourtant fait basculer l’équilibre des populations de tortues; 48% des 328 espèces mondiales entrent désormais dans la catégorie « menacées » (Union internationale pour la conservation de la nature). L’Amérique du Nord abrite près de 20 % de toutes les espèces de tortues connues. Sur le territoire de Corridor appalachien se trouvent au moins trois espèces : la tortue peinte, la tortue serpentine et la tortue des bois. Cette dernière est la plus terrestre des huit espèces de tortues d’eau douce ayant élu domicile au Québec. Le gouvernement provincial a désigné cette espèce vulnérable tandis que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) l’a désignée menacée. Voilà pourquoi, depuis des années, nous déployons tant d’efforts pour sauvegarder la tortue des bois.
Plus près de chez nous
La tortue des bois subit la pression des activités agricoles. C’est pourquoi l’organisme Corridor appalachien en est à réaliser la deuxième phase d’un projet de protection de cette espèce, initié par le Groupe de mise en œuvre du plan de rétablissement de la tortue des bois. Le projet fait appel à la collaboration des producteurs agricoles situés aux abords des rivières Missisquoi, Missisquoi Nord, Sutton et Tomifobia.
Une étude réalisée dans la région de Brome-Missisquoi nous révélait que l’on retrouve 23% moins de juvéniles dans les populations de tortues des bois vivant en milieu agricole que dans les populations vivant en milieu forestier. De plus, dans un contexte agricole, les tortues présentaient un taux de blessure à la carapace deux fois plus élevé qu’en milieu forestier. Plusieurs cas de collisions mortelles avec des lames de faucheuses à disque ont été observés de même que des cas d’ensevelissement à la suite de travaux effectués en bordure de rivière.
Si la tortue des bois est la vedette de ce projet de protection, les agriculteurs riverains en sont les metteurs en scène: ils mettent en pratique les outils développés dans le cadre de l’élaborationdes pratiques agricoles favorables à la tortue des bois, réalisée en phase I du projet, en partenariat avec la Fondation de la faune du Québec, l’Union des producteurs agricoles (UPA) et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ). Jusqu’à maintenant, seize exploitants agricoles se sont engagés à faire passer la hauteur de la fauche du foin et des prairies de 5cm (2 pouces) à 10 cm (4 pouces), et ce sur des bandes de 200 m de profondeur de chaque côté des rivières ciblées. Cela permet d’éviter les collisions avec les tortues qui s’aventurent parfois jusqu’à 300 m des rives pendant la saison estivale.
Bien que ce changement de pratique s’accompagne d’avantages au niveau de la qualité de la production et de l’entretien de la machinerie, il comporte aussi une baisse de rendement. Yan Gordon, des Potagers des nues mains à Sutton, nous explique pourquoi il est important pour lui de s’engager dans un tel projet : « Premièrement, plus un écosystème est complet, mieux il se porte. Les espèces qui ont mis du temps à le bâtir sont les pièces d’un casse-tête ; uniques et nécessaires pour créer un tout. Lorsque je parle du projet, on me demande « elle fait quoi de spécial la tortue des bois? », et je réalise que les gens voient à court terme. Les tortues vivaient avec les dinosaures ; elles ont travaillé longtemps à bâtir les écosystèmes dont elles font partie…elles y apportent certainement quelque chose de vital! Deuxièmement, on mise tellement, dans la région, sur la beauté du paysage naturel que je crois que le plan de protection du territoire doit inclure tous ceux qui étaient là dès le départ, bien avant nous. »
En protégeant la tortue des bois, les agriculteurs pensent aussi aux gens qui viendront après nous. Corridor appalachien et ses partenaires souhaitent sincèrement remercier les producteurs qui se sont engagés dans le projet.
Corridor appalachien est un organisme de conservation sans but lucratif qui travaille à la protection des milieux naturels et de la biodiversité dans la région des Appalaches (sud-ouest des Cantons-de-l’Est). Sur l’ensemble du territoire du Corridor appalachien, plus de 9000 hectares de milieux naturels en terre privée sont désormais protégés à perpétuité, et ce grâce à la collaboration des propriétaires privés, des groupes de conservation locaux et plusieurs partenaires régionaux, nationaux et internationaux. Corridor appalachien tient à remercier le principal bailleur de fonds du projet de protection de la tortue des bois en milieu agricole, soit la Fondation de la faune du Québec et son programme Faune en danger.