Trou Story : un documentaire qui sert d’éveilleur de conscience

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Par Chantal Gailloux


Mots-clés : Trou Story, mines, or, nickel, cuivre, argent, Richard Desjardins, Robert Monderie

 

Pionnières des régions éloignées, les mines ont sculpté l’histoire du Québec et de l’Ontario : Sudbury est au nickel, ce que l’or est à Timmins , puis l’argent à la ville de Cobalt, et enfin le cuivre à Rouyn-Noranda. Différentes villes, différents métaux : même gamique. Trou Story, le dernier documentaire de Richard Desjardins et Robert Monderie, retrace l’histoire de l’industrie minière au Québec et en Ontario. Il prend l’affiche le 4 novembre prochain.

 

D’abord une histoire de colonisation

Faits intéressants dans Trou Story

Le nickel de Sudbury a été vendu à l’armée allemande avant la première Guerre mondiale. Ce nickel a servi à fabriquer les balles utilisées pendant la bataille de Vimy.

L’argent de Cobalt a notamment servi à la photographie.

Le cuivre, quant à lui, est bien sûr couramment utilisé pour sa conductivité électrique.

Dans le quartier Notre-Dame voisin de l’ancienne fonderie à Rouyn-Noranda, la santé publique a relevé un taux anormal de plomb dans le sang des enfants. Les normes de contamination n’ayant pas évolué depuis 30 ans, il est impossible pour le Réal Lacombe, directeur de la santé publique de l'Abitibi-Témiscamingue, de lier la présence de la fonderie au taux de plomb.

Il a été foré sept fois plus d’or à Timmins en Ontario qu’à Klondike au Yukon, célèbre pour sa célèbre ruée vers l’or. La valeur de l’or extrait à Timmins est évaluée à 100 milliards de dollars.

Le nord-ouest de l’Ontario et l’Abitibi, le long de la faille de Cadillac, ont déjà été surnommé la « 11e province ».

Le premier syndicat minier a été fondé en 1946.

Les miniers non syndiqués au milieu du 20e siècle travaillaient 10 heures par jour et plus de six jours par semaine. Leur espérance de vie était de 46 ans.

L’arsenic résiduel utilisé pour extraire l’or a ruisselé dans les lacs de l’Abitibi, qui se découlent dans la rivière des Outaouais, puis dans le fleuve Saint-Laurent. L’arsenic finit donc par passer devant Montréal.

Trou Story raconte l’histoire de la colonisation des régions éloignées par l’immigration de l’Europe de l’Est venue travailler dansles mines. Il s’attarde aux difficiles et fatigantes conditions de travail des mineurs ainsi qu’à leur lutte syndicale, aux accidents injustifiés, aux maladies pulmonaires des travailleurs comme de la population environnant chacune des mines… Une époque misérable que l’industrie minière et les gouvernements considèrent révolue.

Puis, on en vient à aujourd’hui en abordant les sites contaminés abandonnés (dont certains sont en cours de restauration aux coûts du ministère des Ressources natu- relles et de la Faune avec l’aide de certaines minières) et, finalement, il s’attarde à  la « machinisation » et l’informatisation des techniques d’extraction pour une diminution de la main-d’œuvre.

Il y aurait dix fois moins d’emplois qu’il y a 50 ans, apprend-on dans le documentaire, et les salaires seraient la seule ristourne directe à la région.

« Vous ne connaissez rien des mines? Normal, les mines ne parlent pas beaucoup », entend-on résonner aux premières secondes de la narration costaude de Richard Desjardins. « Même si je suis né dans la ville de Noranda, les mines demeurent encore mystérieuses… », poursuit-ils un peu plus loin. Et pourtant, les deux complices, Desjardins et Monderie, avaient déjà abordé le sujet : avec le film Comme des chiens en pacage (1977, co-réalisation), dans lequel est retracé le début de la colonisation de la région à l’occasion des 50 ans de Rouyn, et avec Noranda (1980; Monderie co-réalise avec Daniel Corvec; Desjardins  y est recherchiste) en dénonçant les problèmes de santé causés par la pollution de la compagnie minière Noranda.

 

Nationaliser les mines

Dans le même style pamphlétaire que le documentaire « L’Erreur boréale » sorti en 1999, la revendication des deux réalisateurs est sans équivoque : les mines devraient être nationalisées. Cette proposition aurait d’ailleurs déjà été avancée lors de la Première Guerre mondiale.a

Le gouvernement ne changera pas les règles du jeu; le gouvernement n’embêtera pas les minières; il y a donc très peu de risque financier, explique en anglais un exposant lors d'un salon commercial minier. Ceci expliquerait donc pourquoi 60% des entreprises minières du monde sont inscrites à la Bourse de Toronto et pourquoi l’Institut Fraser a qualifié le Québec d’être « l’une des régions les plus attrayantes du monde » (Le Devoir, mars 2011).

André Pelletier, ancien maire de Val d’Or, explique notamment qu’il faut apprendre à demander collectivement ce qui revient aux collectivités; il faut arrêter d’avoir peur de faire fuir les minières, dit-il, puisque c’est ici que se trouve le minerai.
 

Un début de controverse?

Présenté en grande première lors du Festival international du cinéma d’Abitibi-Témiscamingue (FCIAT), les réactions sont nombreuses et contradictoires : des applaudissements ont accueilli favorablement le documentaire lors du générique. Pourtant,  à la sortie, politiciens et travailleurs miniers accusaient plutôt les réalisateurs d’avoir pris des raccourcis.

Après la projection, Richard Desjardins s’est expliqué en point de presse : « On reste dans une mentalité de colonisation. Si on exploite le gaz de schiste de la même manière, le réveil sera brutal dans la vallée du Saint-Laurent », dit-il en évoquant aussi la nationalisation des mines, la nécessité d’accroître les redevances sur les mines en plus de faire reluire l’intérêt que pourrait représenter l’industrie de la transformation [1].

Le ministre délégué aux mines, Serge Simard, présent a rejeté toute forme de nationalisation : « Ça ne se fera pas. Nous sommes dans un pays libre et nous n’allons pas étatiser nos ressources naturelles », déclare-t-il sans parler d’Hydro-Québec [1].

Il a répondu à l’affirmation de Desjardins en disant que la législation sur les redevances a désormais changé, et à la hausse : 1,8 milliards de revenus supplémentaires devraient être récoltés dans les prochaines années (le nombre n’est pas précisé), explique-t-il.

 

Le bon côté …

« Le bon côté du film est de nous rappeler l’histoire des mines afin de ne pas répéter les erreurs du passé. Mais cela demeure une œuvre inachevée, car nous sommes en train de corriger les carences qu’ils dénoncent dans la réalité d’aujourd’hui », poursuit-il [1].

 

Les nuances …

Le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, Daniel Bernard, était quant à lui plus nuancé : « Il y a des choses inexactes dans le film, mais c’est aux minières d’y répondre. Moi, je suis très à l’aise avec le propos de M. Desjardins, il dresse un portrait historique. C’est carrément un hommage aux travailleurs miniers. Il faut rappeler que le film a été tourné en 2010, c’était avant le projet de loi 14 sur les mines. Nous  sommes exactement sur la voie pour répondre aux préoccupations soulevées par Desjardins et Monderie. Le problème, c’est que le PQ est en train de bloquer la loi 14. » [2]

Par voie de communiqué, l’Association minière du Québec (AMQ) a tenu à justifier sa contribution économique et financière à la province : « entre 2010 et 2014, l'industrie minière versera quatre milliards de dollars en retombées fiscales au gouvernement. Ce sont 52 000 emplois qui sont créés par l'industrie qui verse près de deux milliards de dollars en salaires annuellement. En 2010, 2,6 milliards de dollars ont été injectés dans l'économie pour des achats de toutes sortes », peut-on y lire. [5]

« Le Québec a tout à gagner à demeurer un leader mondial du secteur minier, puisque toutes les régions profitent des retombées économiques, poursuit quelques lignes plus loin Dominique Dionne, présidente du conseil d’administration de l’AMQ. C'est vrai évidemment pour les régions productrices, mais également dans les grands centres où plusieurs fournisseurs sont établis. »

La présidente du c.a. de l’AMQ avait d’ailleurs assisté à la première du documentaire au FCIAT où elle a affirmé que « notre industrie est à mille lieues de ce qui présenté dans le film. Nous sommes un secteur d'avant-garde grâce à des technologies de plus en plus innovantes. Nous agissons aussi comme de réels partenaires des milieux où nous menons nos activités, et ce, dans le plus grand respect des normes environnementales », a poursuivi Dominique Dionne.

Par ailleurs, un article de La Presse Affaires soulignait, quelques jours avant la première mondiale du documentaire, qu’Osisko et Minalliance ont lancé des campagnes publicitaires afin de faire connaître leur industrie. Mais Bryan Coates, vice-président et chef de la direction financière de la Corporation minière Osisko, a affirmé qu’il s’agit d’une pure coïncidence.

 

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Pour en lire davantage sur le sujet

[1] « Trou story : les Abitibiens divisés », André Duchesnes, La Presse, 31 octobre 2011, http://moncinema.cyberpresse.ca/nouvelles-et-critiques/nouvelles/nouvelle-cinema/15979-itrou-storyi-les-abitibiens-divises.html

[2] « Comber un trou dans la mémoire des Québécois », Marie-Hélène Paquin, TvaNouvelles, Agence QMI, 30 octobre 2011, http://tvanouvelles.ca/lcn/artsetspectacles/general/archives/2011/10/20111030-163516.html

[3] « Richard Desjardins et Robert Monderie au DevoirTrou story en terrain miné », Odile Tremblay, Le Devoir, 22 octobre 2011, http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/334277/richard-desjardins-et-robert-monderie-au-devoir-trou-story-en-terrain-mine

[4] « Trou story : l’industrie minière dénonce le pamphlet de Desjardins », Radio-Canada, 30 octobre 2011, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/arts_et_spectacles/2011/10/30/002-trou-story-industrie-miniere-recations.shtml

[5] « Réaction de l’Association minière du Québec au film Trou story – L’industrie minière : source de fierté et d’évolution », CNW, 30 octobre 2011, http://www.newswire.ca/fr/story/868007/reaction-de-l-association-miniere-du-quebec-au-film-trou-story-l-industrie-miniere-source-de-fierte-et-d-evolution

[6] «  Pub story », Isabelle Massé, La Presse, 28 octobre 2011, http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/marketing-et-publicite/201110/28/01-4462015-pub-story.php

 

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À l'affiche…

… À partir du 4 novembre

Montréal : Cinéma Beaubien, Ex-Centris
Québec : Cinéma Le Clap
Sherbrooke : Maison du cinéma
Beloeil : Cinéma Beloeil
Rouyn-Noranda : Cinéma Paramount
Val d'Or : Cinéma Capitol
Lévis : Cinéma Lido
Sainte-Adèle : Cinéma Pine
 

…À partir du 11 novembre

Mont-Laurier : Cinéma Mount-Laurier
Montréal : Cinéma du Parc (version anglaise)
Sudbury : Rainbow Theatre (versions fr. et ang. en alternance)
 

Faites venir le film chez vous

  1. Demander aux propriétaires de salles de votre région de projeter le film en contactant l’ONF (monsieur François Jacques ONF 514-283-9817)
  2. S’il n’y pas de salles de cinéma dans votre communauté, contactez directement l’ONF (ci-dessus) pour louer une copie du film (environ 150$) et organiser une projection dans une salle communautaire, école, cégep ou autres… (il se peut que l’ONF vous demande d’attendre la fin de la carrière du film en salles).

www.onf.ca/troustory

 

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