« La régie des terres dans un environnement en transformation rapide » est le thème du Congrès de la Banque mondiale sur le Territoire et la pauvreté, qui a lieu du 23 au 26 avril 2012 à Washington, D.C. Des représentants de sociétés investisseuses, de gouvernements et d’institutions financières internationales se réunissent au quartier général de la Banque mondiale pour « discuter des enjeux qui préoccupent les intervenants et responsables des politiques entourant la régie des terres ». Au moment où ces gens imaginent de nouveaux moyens pour permettre aux entreprises de s’accaparer toujours plus de terres un peu partout sur la planète, les populations concernées souffrent directement des lois promues par la Banque mondiale et ses alliés et des politiques d’aménagement du territoire conçues en faveur des entreprises.
La Banque mondiale, fidèle à ses recettes politiques et économiques de réduction de la pauvreté, favorise depuis plusieurs décennies une approche du territoire axée sur les forces du marché. Elle a promu la privatisation des terres et cherché à créer les conditions nécessaires à l’établissement de marchés fonciers en transformant les droits fonciers traditionnels et coutumiers en titres « marchandisables » et en finançant des programmes d’enregistrement de titres fonciers dans plusieurs pays. Tout ça, bien sûr, en faveur d’un modèle de développement agro-industriel placé au service des entreprises.
Ses programmes de gestion du territoire ont accru la concentration des terres dans les mains d’une minorité et planté le décor pour un accaparement massif des terres et des sources d’eau à l’échelle globale. Attirées par les prix élevés des denrées alimentaires et par la demande accrue pour les agrocarburants, les aliments pour animaux et les matériaux bruts, les entreprises multinationales d’agro-industrie et les protagonistes de l’industrie financière, comme les banques privées et les fonds de pension, se précipitent pour prendre le contrôle des terres et des ressources connexes comme l’eau. On estime qu’entre 80 et 230 millions d’hectares de terres ont été loués ou achetés au cours des dernières années, principalement pour produire de la nourriture, des aliments pour animaux ou des agrocarburants destinés au marché international. Par voie de conséquence, les paysans, éleveurs de bétail, pêcheurs et ménages ruraux perdent leur accès traditionnel aux ressources naturelles (terres, sources et plans d’eau, pêcheries, forêts, pâturages, etc.) et le contrôle des processus de production, et sont ainsi dépossédés des moyens de subsistance essentiels à leurs familles et leurs communautés. Les populations locales sont expulsées et déplacées de force, leurs droits humains fondamentaux, comme le droit à l’alimentation et au logement, sont violés impunément, et l’environnement, au même titre que les structures communautaires traditionnelles, est de plus en plus dévasté.
En proposant du capital et des garanties aux sociétés investisseuses multinationales, en offrant de l’aide et du soutien technique pour « améliorer le climat d’investissement dans le domaine agricole » dans les prétendus pays bénéficiaires, et en encourageant des lois et politiques axées sur l’entreprise plutôt que sur le bien commun des populations, la Banque mondiale joue un rôle-clé dans ce processus d’accaparement massif du territoire. En même temps, la Banque vante ses sept principes pour un Investissement agricole responsable, qui visent à légitimer l’accaparement mondial des terres par des sociétés investisseuse à des fins agroindustrielles. La Banque mondiale agit en toute impunité. Les États doivent mettre un terme à tout cela et respecter à la lettre leurs obligations extraterritoriales en matière de droits humains.
Alors que la Banque mondiale se réunit avec les accapareurs internationaux dans l’enceinte de son quartier général, à l’extérieur les populations se mobilisent un peu partout sur la planète pour rendre illégale l’accaparement des terres et pour reprendre les territoires perdus. Elles affirment qu’aucun plan de transparence et de responsabilité conçu par et pour les entreprises ne pourra rendre acceptable ou viable l’expropriation des populations au profit du modèle agroindustriel.
Dans le cadre de la Journée internationale des luttes paysannes, établie par La Via Campesina le 17 avril, nous nous joignons aux mouvements des paysans et pêcheurs, aux organisations de travailleurs et travailleuses de la terre, aux étudiants et étudiantes, aux militants et militantes pour les droits humains, aux groupes écologistes, aux organisations féminines et aux mouvements pour la justice sociale, dans la lutte contre l’accaparement des terres et le contrôle territorial des entreprises, et pour contrer les tentatives de la Banque mondiale et de ses alliés de présenter l’expropriation des terres des paysans comme une opération responsable.
Banque mondiale, retire-toi des terres, maintenant !
– Déclaration conjointe –
CRBM
FIAN International
Focus on the Global South
Friends of the Earth International
GRAIN
La Via Campesina
Transnational Institute
Source: La Via Campesina