C'est la mise en garde servie par les enseignants (es) du Centre national de formation en traitement de l'eau dans leur mémoire déposé au Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) dans le cadre du projet de construction de l'oléoduc Énergie-Est de la compagnie TransCanada.
Les procédés de traitement d'eau de surface des stations de purification ne sont pas conçus pour éliminer les hydrocarbures. En cas de déversement majeur, il n’y aura aucun Plan B pour la très vaste majorité des stations de purification de la région métropolitaine puisqu'elles ne pourront compter sur aucune prise d'eau alternative. À l'approche des hydrocarbures, les stations fermeront leur prise d'eau pour éviter la contamination. Selon Guy Coderre, enseignant au Centre national de formation en traitement de l’eau, “une fois les réserves d’eau épuisées – ce qui prendrait 12 à 16 heures – il n’y aura que deux options pour les responsables des stations : remettre en marche la production et distribuer une eau non-conforme ou arrêter complètement la distribution. L'ampleur d'une telle catastrophe dépasse l'imagination et a de quoi faire frémir.”
La chaîne de traitement
Le 14 janvier 2015, à Longueuil, 28 000 L de diesel se sont déversés à proximité d'une station de pompage. Seule une infime partie d'hydrocarbures s'est infiltrée dans le puits d'eau brute de la station purification. Les contaminants sont passés inaperçus, ils ont traversés la chaîne de traitement et atteint le réseau de distribution d’eau de la ville, forçant l’émission d'un avis de non-consommation qui a duré deux jours et affecté près de 300 000 résidants. “Cet exemple a clairement démontré que les stations ne sont pas capables de détecter ou d'éliminer les hydrocarbures. En cas de fuite qu'en sera-t-il avec l’oléoduc Énergie-Est où coulerait 2000 L de pétrole à la seconde ?” demande Guy Coderre.
Prise d'eau alternative
Le recours à une prise d'eau brute alternative sera primordial en cas de déversement. Le déversement de pétrole dans le lac Mégantic en 2013 avait entraîné la fermeture des prises d'eau de St-Georges, Ste-Marie et Lévis pour une période de 74 jours. Heureusement, ces villes ont pu pallier à la situation en ayant recours rapidement à une autre prise d'eau. Ici en région métropolitaine, pour 23 des 26 stations, le recours à une prise d'eau brute alternative n'est d'aucune façon envisageable. Leurs localisations sur des Îles, l'éloignement de toute autre source ou l'ampleur des besoins à combler rendront impossible cette alternative. Il n'y aura pas de plan B pour la vaste majorité des stations de purification d'eau de la région.
Réserve d'eau potable
La consommation journalière moyenne sur Île de Montréal est de 2,0 millions de m3. L'île avec ses 6 stations de production dispose au total de 14 réservoirs d'emmagasinement soit 1,5 million de m3. La communauté dispose de 12h à 16h de réserve d’eau, ce qui est la normale pour l'ensemble des stations d'eau du Québec. L'ajout de nouvelles réserves d'eau potable afin d'accroître la marge de sécurité des municipalités représenterait des investissements colossaux.
Conséquences pour la population
Les risques pour la population en cas d'un déversement majeur sont bien réels et sans commune mesure. Au cours des 5 dernières années, 6 déversements majeurs d'oléoduc sont survenus en Amérique du Nord. Pour une ville privée d'eau, l'évacuation d'un seul hôpital serait déjà un drame humain et un défi logistique considérable.
Ailleurs dans le monde, plusieurs déversements accidentels d'oléoducs ont eu des conséquences dramatiques sur l'approvisionnement en eau des populations touchées. En 2014 en Inde, le déversement d'un pipeline dans la rivière Gomati a entraîné la fermeture de 4 stations de purification pendant près d'une semaine. En Chine, la même année 2,4 millions de résidants de Lanzhou ont été privés d'eau potable après qu'un d'oléoduc ait contaminé la prise d'eau brute de la municipalité. Tôt ou tard, ici aussi nos sources d'approvisionnement en eau seront touchées.
Pour l’ensemble de ces raisons, le personnel enseignant du Centre national s'oppose au projet de l’oléoduc Énergie-Est et demande que le principe de précaution, face à cette menace sans précédent, s'applique ici, afin d'assurer la protection de nos rivières, de nos sources d'eau potable et de notre fleuve dont la valeur est inestimable.
Signataires :
Mario Taillon: D.E.S.S. Gestion de l'environnement. Bac Biochimie. Certificat Sc. et technique de l'eau. DEC Eau et assainissement. 30 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Patrick Beaudoin. Bac Sc. Appliquées. DEC Eau et assainissement. 30 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Marc Brodeur. B. Sc. Chimiste. 30 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Marcel Bourbonnais. DEC Eau et assainissement. Bac Sc. Appliquées. 30 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Sylvain Latour. Bac Biologie. 25 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Entissar Zenati. B. Sc. Chimiste. 25 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Sylvie Rozon. DEC Analyse chimique. DEP traitement de l'eau. 20 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Louis-Martin Laporte. DEP Conduite de procédés de traitement de l'eau. 20 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Daniel Morasse. Bac Sc. Appliquées. 15 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Nicolas Sabourin. DEP Conduite de procédés de traitement de l'eau. 15 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Anik Lelièvre. B. Sc. Chimiste. 10 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Houda Bélarbi. M. Sc. Pharmaceutique. Bac Tech. alimentaire. 10 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Mathieu Lacroix. DEP Conduite de procédés de traitement de l'eau. 5 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Judy-Fay Perron. DEC Eau et assainissement. 5 ans d'expérience dans le domaine de l'eau.
Source : Enseignants (es) du Centre national de formation en traitement de l'eau