La culture hydroponique et aquaponique, une alternative à l’importation d’aliments maraîchers en milieu urbain

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Par Benjamin Laramée et Gabrielle Durand

Les déserts alimentaires engendrés par l’urbanisation et les méthodes d’agriculture contemporaines sont des menaces à la sécurité alimentaire mondiale. L’agriculture urbaine intensive, en hydroponie et aquaponie, est une solution durable. Une vision qui est au cœur de l’engagement d’AgroCité, une organisation de l’Université Laval.

L’initiative AgroCité

Récemment, diverses initiatives étudiantes et institutionnelles ont menées à de nombreuses nominations qui font de l’Université Laval une pionnière en matière de développement durable au Québec. AgroCité est l’une de ces associations d’étudiants de divers horizons qui contribuent à son rayonnement. En effet, la grande équipe d’AgroCité est formée autant d’agronomes, de comptables, d’ingénieurs, d’architectes, d’enseignants ou encore de chercheurs gradués.

© AgroCité

© AgroCité

C’est cette interdisciplinarité qui, depuis janvier 2014, rend AgroCité aussi efficace, car elle met en valeur la complémentarité des compétences de chacun. La mission première d’AgroCité est d’approvisionner les cafétérias de l’Université Laval en cultivant localement des produits maraîchers biologiques frais par des méthodes innovatrices de culture intensive.

En produisant des denrées 12 mois par année, directement sur le campus, AgroCité réduit l’empreinte écologique de l’ensemble de la communauté universitaire.

Réduire la pollution et le gaspillage alimentaire

L’agriculture moderne a un impact néfaste majeur sur notre environnement et notre société. Les mono- cultures intensives réduisent la biodiversité et néces- sitent, dans la quasi-totalité des cas, l’emploi de pesticides dangereux pour la santé.

Aussi, comme la majorité de la production alimentaire se fait en région rurale, la pollution associée au transport des denrées vers les milieux urbains contribue au réchauffement climatique. Selon le Worldwatch Institute, la nourriture que nous consommons a parcouru en moyenne de 2400 à 4000 kilomètres(1). Ces longues distances engendrent entre 30 et 50 % de perte d’aliments frais qui vont tout droit aux ordures(1), c’est pourquoi il faut arriver à produire localement de la nourriture fraîche.

 

Par ailleurs, le transport associé à cette importation représente une quantité considérable d’émission de gaz à effet de serre (GES), jusqu’à 680 g de CO2 par tonne d’aliments pour chaque kilomètre parcouru(2). C’est à ces problèmes qu’AgroCité s’attaque en implantant des systèmes de culture à proximité des lieux de consommation.

En éliminant le transport, nous supprimons non seulement les GES qui y sont associés, mais aussi le gaspillage alimentaire inhérent à ce dernier.

Valoriser les espaces de culture proche du lieu de consommation

Actuellement installé dans des serres inutilisées sur le toit du pavillon Alexandre-Vachon, AgroCité exploite deux systèmes de culture verticale intensive totalisant une capacité de production d’environ 320 laitues par mois, soit ±10kg par semaine et ce sur moins de 10 m².

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Plants de basilic en hydroponie © AgroCité

En utilisant ces espaces abandonnés, près des lieux de consommation, AgroCité promeut la valorisation plutôt que la création d’espaces de culture en milieu urbain. Les systèmes de culture emploient une méthode appelée « NFT » pour Nutrient Film Technique, qui implique l’irrigation des racines par un mince film d’eau nutritif.

Les plantes se développent dans un substrat de laine de roche dont la porosité permet une hydratation optimale par capillarité, sans réduire l’aération des racines. Une fois la germination achevée, après environ 7 jours, les semis sont insérés dans des gouttières organisées en étages avec une légère pente qui permet l’écoulement de la solution nutritive dans les systèmes racinaires des plantes. Cette structure en étagère maximise l’utilisation de l’espace et est facilement implantable n’importe où sur le campus.

Exploiter l’interaction entre les poissons et les plantes

AgroCité est continuellement en développement et à la recherche de méthodes plus productives et plus durables. Ainsi, depuis février 2016, l’équipe d’AgroCité a mis en marche un système de culture aquaponique.

Le mot aquaponie vient de la jonction des mots aqua- culture et hydroponie. C’est donc un système de culture de poisson et de plantes, où l’eau est entièrement réutilisée et où s’opère une symbiose entre les différents organismes vivants.

Bassin d'aquaponie © AgroCité

Bassin d’aquaponie © AgroCité

En effet, l’implantation de poissons permet de réduire, voire d’éliminer, l’ajout d’engrais synthétique, parce que les déjections des poissons suffisent à fournir les éléments nutritifs essentiels à la croissance des plantes. En échange de ces nutriments, les plantes filtrent l’eau et permettent un environnement adéquat aux poissons. L’espèce de poisson actuellement utilisée dans le système aquaponique d’AgroCité est le doré jaune (Sander vitreus), une espèce offrant un fort potentiel de développement dans l’industrie aquacole nord-américaine.

Dans un biofiltre, des microorganismes comme des bactéries et des champignons convertissent les fèces des poissons en fertilisants naturels pour les plantes. Il s’avèrerait même que parmi ces microorga- nismes, certains favorisent la croissance des plantes et d’autres la phytoprotection, soit la résistance aux ma- ladies(3). Ces microorganismes représentent donc un atout potentiel très intéressant en lutte intégrée et en fertilisation biologique. C’est spécifiquement sur ces phénomènes que se penchent les recherches de Benjamin Laramée, Président chez AgroCité, qui tentera au cours de son doctorat de décrire ces organismes et leurs interactions avec les poissons et les plantes.

Le système aquaponique d’AgroCité sera donc mis à la disposition de chercheurs en servant de plateforme d’échantillonnage. Passer de l’hydroponie à l’aquaponie, c’est transformer un système de culture en écosystème de culture. Conséquemment, une panoplie de facteurs complexes, et parfois même inconnus, in- fluencent la productivité et la rentabilité d’une telle culture et représentent un défi de taille.

Références
  • * Benjamin Laramée est chef scientifique chez ÉAU Inc. ainsi que Président chez AgroCité
  • (1) Gooch, Felfel, Marenick, 2010. Food Waste in Canada: Opportunities to increase the competitiveness of Canada’s agri-food sector, while simul- taneously improving the environment. Value Chain Management Centre.
  • (2) Weber, Matthews, 2008. Food-Miles and te Relative Climate Impacts of Food Choices in the United States. Environment, Sciences and Technologies. Vol. 42, 3508-3513.
  • (3) Gravel, V., Dorais, M., Dey, D. and Vandenberg, G. 2015. Fish effluents promote root growth and suppress fungal diseases in tomato transplants. Can. J. Plant Sci. 95: 427_436.

 

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Benjamin Laramée est candidat au doctorat avec spécialisation en production aquaponique à l’Université Laval et est l’auteur d’un mémoire portant sur l’élevage du doré dans les systèmes aquacoles en recirculation. Il travaille aussi comme Chef scientifique chez Écosystèmes Alimentaires Urbains Inc. et comme Président chez AgroCité.


Capture d’écran 2017-07-18 à 14.47.32Gabrielle Durand

Gabrielle Durand est bachelière en biologie et en enseignement des sciences au secondaire. Actuellement animatrice d’activités scientifiques dans une école de la région de Québec, Gabrielle a développé son interêt pour l’agriculture urbaine alternative durant son deuxième passage à l’université en co-fondant l’entreprise étudiante AgroCité.

 

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Cet article a initialement été publié dans le numéro 11 du Journal l’intErDiSciplinaire de l’Université Laval. Cette parution est rendue possible grâce à un partenariat entre le Journal l’intErDiSciplinaire et GaïaPresse.

 

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