Équiterre et la Fondation David Suzuki s’inquiètent du risque élevé de conflits d’intérêt qu’entraînent les liens étroits des agronomes avec l’industrie de la vente des pesticides. Ce risque de conflits d’intérêt remet en cause l’objectif du projet de modification réglementaire sur les pesticides du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), d’interdire à des fins agricoles les 5 pesticides les plus risqués pour la santé et l’environnement.
Le règlement prévoit en effet que l’utilisation de ces pesticides pourra se poursuivre si un agronome les prescrit, sans que le gouvernement explique comment il compte se prémunir d’une influence indue de l’industrie des pesticides.
Dans leur mémoire conjoint, les deux organismes insistent sur l’importance de la mise en place d’outils de suivi et de transparence pour que la modification réglementaire diminue réellement les risques que les pesticides font peser sur la santé humaine et l’environnement.
Une plus grande transparence est de mise
« À l’instar de la Californie, qui publie un registre des pesticides utilisés sur son territoire depuis 1990, Québec doit se positionner comme leader au Canada en rendant accessibles publiquement les registres d’utilisation et de prescription des pesticides. Un registre public est impératif pour contrer les abus, comme les prescriptions répétitives des pesticides les plus à risque sans justification apparente crédible. Cette transparence maximiserait le respect et l’application de la réglementation », explique Nadine Bachand, chargée de projet Pesticides et produits toxiques chez Équiterre.
Pour atteindre son objectif d’une réelle restriction des pesticides prescrits, le gouvernement doit offrir son soutien aux agriculteurs afin de les appuyer dans l’adoption de bonnes pratiques agro-environnementales et de méthodes efficaces de prévention et de gestion des ravageurs. Le gouvernement doit subventionner le service-conseil indépendant à 100 % et non pas à seulement 70-90 % comme c’est le cas actuellement, afin de réduire l’incitatif de recourir aux services gratuits des agronomes qui commercialisent des pesticides, engrais et semences. L’Ontario a déjà exclu les agronomes liés à l’industrie du système des prescriptions de semences enrobées aux néonicotinoïdes, et les organismes suggèrent au gouvernement québécois d’adopter une approche éthique équivalente.
Interdiction considérée comme étant insuffisante
« De plus, l’interdiction complète des pesticides les plus à risque ne permettrait même pas au gouvernement d’atteindre ses objectifs fixés dans la Stratégie phytosanitaire 2021 et la Stratégie sur les pesticides 2015-2018 », se désole Louise Hénault-Ethier. En effet, l’objectif du gouvernement est de réduire de 25 % les risques des pesticides pour la santé humaine et l’environnement. Or, selon les chiffres du gouvernement, les 5 pesticides visés par le nouveau règlement ne représentent que 16,1% de l’indice de risque pour la santé. « Pour atteindre ses propres cibles et protéger la santé de la population et l’environnement, le gouvernement doit être encore plus ambitieux pour encadrer et limiter réellement l’utilisation des pesticides au Québec », insiste Mme Hénault-Ethier.
Source : Equiterre