Par Valérie Ouellet
Des environnementalistes du monde entier se sont regroupés sous une nouvelle bannière pour combattre les changements climatiques : la Campagne internationale action climat (CIAC). Quel est le rôle de cette énième organisation dont le mandat est de préparer le protocole post-Kyoto? Convaincre les dirigeants politiques frileux comme ceux du Brésil, de l’Inde, de la Pologne et de l’Arabie Saoudite de souscrire au nouveau protocole et à ajouter leur voix d’appui à ses supporteurs. Le problème? La CIAC demeure une organisation abstraite, qui opère en étroite symbiose avec le gouvernement québécois. Une complicité qui fait sourciller certains environnementalistes. Le premier ministre Jean Charest assistera à la conférence de Copenhague en décembre prochain, a confirmé Line Beauchamp, la ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), à GaïaPresse « Il est sûr et certain que le Québec sera présent à Copenhague » , a-t-elle mentionné en entrevue. Les Québécois ont constaté que le premier ministre a déjà lancé sa stratégie en affirmant son appui au protocole post-Kyoto lors de son voyage en Europe à la fin de juin 2009. Dans les faits, le gouvernement québécois joue sur plusieurs niveaux politiques pour faire valoir son leadership. Et il se fait accompagner d’un allié de taille : Steven Guilbeault, porte-parole climat et énergie pour Équiterre, et initiateur de la CIAC, qui rassemble plus d’une vingtaine d’organismes environnementaux à l’échelle planétaire, dont Oxfam, Greenpeace et Global Humanitarian Forum. « Le but est de sensibiliser les sociétés civiles au niveau international, afin qu’elles exigent de leurs dirigeants un engagement ferme. Il nous faut créer une mobilisation qui influencera les décideurs politiques », a-t-il annoncé en conférence de presse à Montréal le 22 juin 2009. Avec des objectifs plus qu’ambitieux et moins de 165 jours pour les réaliser, les membres de cette nouvelle coalition amorcent une véritable course contre la montre. Toutefois, ils profitaient de vacances bien méritées lorsque GaïaPresse les a contactés pour connaître leur plan d’action précis. CIAC et MDDEP : une étroite collaboration La ministre Beauchamp ne ferme pas la porte à un renouvellement du financement du projet en 2010. « Il serait dangereux de penser que tout sera fini après le mois de décembre. Après la rencontre de Copenhague, il faudra être encore plus vigilant et s’assurer que chaque province canadienne ratifie le traité. Il faut tenter de faire en sorte que dans les deux ans suivant la conférence de Copenhague, un maximum de pays ratifie le traité. » Québec souhaite maintenir sa proximité avec le secrétariat de la CIAC tout au long des négociations intensives du traité post-Kyoto, qui auront lieu dans la capitale du Danemark du 7 au 18 décembre prochains, lors de la 15e conférence des pays signataires. « La CIAC peut nous donner de l’information privilégiée sur ce qui se passe dans d’autres pays », insiste la ministre Line Beauchamp. Une alliance questionnée Selon ce dernier, le délai de six mois accordé à la CIAC pour convaincre les pays délinquants en matière de changements climatiques est beaucoup trop court. « Une initiative de la sorte aurait dû être prise bien avant six mois d’avis. Je me questionne sérieusement sur l’efficacité et la crédibilité de ce regroupement », ajoute-t-il. L’environnementaliste critique également l’important financement obtenu par la coalition, « alors que notre association ne reçoit que des miettes! », ajoute-t-il. Pour Graham Saul, directeur exécutif du Réseau action climat Canada, un regroupement voué lui aussi à la protection du système climatique, la CIAC est un cadeau du ciel. « Il y a un besoin urgent de catalyser la mobilisation. La CIAC vient remplir ce besoin et aidera les Canadiens à se montrer compétitifs dans les négociations mondiales. Cet organisme est en réalité une main tendue à tous les groupes environnementaux. » S’il avoue que les délais sont très serrés et les objectifs ambitieux pour les membres de la coalition, Graham Saul ne perd pas espoir. « Il n’est pas trop tard. Les démarches vont être un sprint final qui servira, cette fois-ci, à combler plus rapidement l’intervalle entre la rédaction de l’entente et sa ratification. » Une question demeure sans réponse, malgré tout : pourquoi la CIAC et le gouvernement du Québec mettent-ils tant d’efforts pour convaincre des pays stratégiques à adopter un protocole post-Kyoto, alors qu’il y a tant à faire au Canada? Le Canada a été récemment jugé comme le pire des pays de l’OCDE en matière d’actions pour contrer les changements climatiques. « La CIAC veut mobiliser l’Italie, la Pologne et pleins d’autres pays, alors qu’à mon avis, au moins la moitié du budget devrait être dévoué au Canada, l’un des pires joueurs dans la lutte aux changements climatiques », dénonce André Bélise. Verrons-nous les membres de la CIAC dans les couloirs du Parlement? Pour l’instant, la coalition planétaire semble laisser cette difficile mission à d’autres. -30- |