Par Julie Larocque,
Étudiante à la maîtrise à l’Institut des sciences de l’environnement, UQAM
Mots-clés : inondations, réfugiés climatiques, Afrique, aide humanitaire. Pawamtoré (je ne suis pas venu ici de gaieté de cœur) est le nom donné par les sinistrés ouagalais à leur nouveau village. Appelé officiellement Yagma, ce village situé à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou (Burkina Faso) a complètement changé de visage après les inondations du 1er septembre 2009 qui ont fait de nombreuses victimes dans la capitale du Burkina Faso. Rappelons les événements : le 1er septembre 2009, la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, a été frappée par de violentes pluies qui ont inondé une bonne partie de la ville, laissant en héritage des familles brisées. Il n’était pas rare d’avoir de l’eau jusqu’à la poitrine, et même au-dessus de la tête. En plus des nombreuses pertes en vie humaine, des ânes, des poulets, des chèvres et d’autres animaux permettant à de nombreuses personnes de vivre ont aussi disparu. Beaucoup ont tout perdu, jusqu’à leurs papiers d’identité, ce qui devient un problème si l’on veut pouvoir bénéficier de l’aide de l’État. D’ailleurs, l’État a réagi à la crise dès les premiers instants. Aujourd’hui encore, à deux mois des élections nationales, celui-ci continue de s’impliquer, en plus de la présence d’organisations internationales sur le terrain. Un toit offert par l’État
À la suite des inondations, de nombreuses personnes se sont retrouvées complètement démunies, sans résidence. L’État a alors logé les sinistrés à divers endroits, par exemple dans des écoles ou à l’hippodrome. Certains y sont restés jusqu’à quatre mois. Plusieurs des sinistrés habitaient auparavant dans des zones non loties de Ouagadougou. Ceux-ci n’ont alors pas eu le droit de reconstruire à l’endroit où ils vivaient auparavant. Plutôt, on leur a attribué une parcelle de terrain à Yagma, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou. Inclus avec la parcelle de terrain était un don de sacs de ciment et de tôle afin de permettre aux gens de bâtir leur nouvelle maison. Mais pour avoir droit à cette parcelle, il faut des papiers d’identité. Nous avons rencontré un jeune homme qui se bat pour avoir accès à sa parcelle, quoique ses papiers aient disparu avec l’inondation. Que faire alors? L’aide internationale
En entrant à Yagma, on remarque immédiatement les tentes de la Croix-Rouge/Croissant Rouge, aux côtés d’habitations semi-construites en banco, certaines couvertes d’une toiture de tôle, d’autres habitations, sans toit du tout. Ce qui doit être dit, c’est que même si l’État a fourni de l’aide à chaque sinistré, certains ont dû vendre une partie du lot accordé ou la totalité, pour diverses raisons, afin par exemple de pouvoir manger ou se soigner. Heureusement, des organisations internationales sont encore en place, dont Help et ONU-HABITAT. Ils ont des projets de reconstruction pour et avec la population. UNICEF a aussi promis de construire des latrines, qui sont cruellement manquantes. Les sinistrés de Yagma sont satisfaits de l’aide reçue par la Croix-Rouge/Croissant-Rouge et Help, qu’ils considèrent comme étant des organisations bien structurées. L’aide promise est l’aide reçue. En revanche, ils sont plus réticents à croire aux promesses de l’État. Par exemple, on leur a promis l’électricité. D’accord. Mais quand? Le village de Yagma change de visage
Avant les inondations, Yagma était un village avec de grands champs cultivés par ses habitants. Aujourd’hui, c’est un village coupé en deux : d’un côté, il y a les autochtones (qui habitaient là avant les inondations), de l’autre les sinistrés, qui ont été relogés sur les champs où les autochtones de Yagma cultivaient la terre. Les autochtones se retrouvent donc sans terre à cultiver. Inutile de dire que les tensions ont été fortes à l’arrivée des sinistrés. En guise d’accueil, ils ont coupé presque tous les arbres à karité qui se trouvaient dans les champs. La paix est maintenant de retour entre les deux clans, car la sensibilisation a été faite de part et d’autre. De plus, l’État a promis aux autochtones de les dédommager pour les terrains qu’ils leur ont pris. Mais ces habitants se retrouvent tout de même sans terre à cultiver, et doivent se rabattre sur ce qu’on appelle le « petit commerce », soit le commerce informel. Un changement complet de style de vie… Quant aux sinistrés de Yagma, ils ont rebaptisé leur nouveau village : Pawamtoré, ce qui signifie « Je ne suis pas venu par moi-même » ou « je ne suis pas venu ici de gaieté de cœur ». Ces urbains se retrouvent maintenant en brousse, loin des moyens qui leur permettaient de subsister, des écoles où allaient leurs enfants, etc. Les sinistrés ont, pour la plupart, des demeures à moitié construites, et doivent vivre dans les tentes fournies par la Croix-Rouge, avec les lots d’inconvénients que cela apporte. En effet, les brigands arrivent facilement à s’infiltrer dans ces demeures temporaires, en coupant la toile avec un couteau. De même, elles n’ont pas été conçues pour la saison des pluies, ce qui fait qu’à chaque averse, l’eau s’infiltre. De plus, à la tombée du jour, le village devient dangereux. Il n’y a aucune police présente sur le terrain et les actes de violence la nuit tombée sont fréquents. Enfin, il existe de graves problèmes d’accès à l’eau. Deux pompes ont été construites, mais quand ces pompes ont brisé, aucun sinistré n’a été capable de les réparer, faute de formation. L’eau est donc présente, mais inaccessible. En conséquence, il faut marcher de trois à quatre kilomètres pour pouvoir se ravitailler en eau. Les sinistrés réclament la réparation de ces puits, mais chacun se renvoie la balle. Est-ce à l’État de réparer ces pompes? Ou bien aux organisations internationales? Mais d’abord, qui a construit ces pompes? Personne ne le sait. La vie continue
À Yagma, la vie n’est pas facile. Mais comme les sinistrés le disent eux-mêmes, tant qu’il y a la vie, il faut avancer, continuer à se battre. Malgré les malheurs qu’ils vivent encore aujourd’hui ils sourient. C’est une belle leçon de vie…
Par Julie Larocque Julie Larocque est étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQAM. Titulaire d’un B.A. en relations internationales et droit international ainsi que d’un certificat en action communautaire, son projet de mémoire a pour sujet les migrants environnementaux dans la région sahélienne. Julie Larocque s’intéresse surtout aux questions de justice environnementale et de respect des droits humains. En plus de ses expériences sur le terrain au Bénin et au Mali, elle donne aussi du temps à sa communauté. Par exemple, elle s’implique à titre de bénévole pour certains organismes dont Équiterre et le Club 2/3. Ajoutant à ses études à temps plein, Julie travaille actuellement pour la Chaire d’études sur les écosystèmes urbains de l’UQAM.
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