Dans le cadre de la venue à Montréal du comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie (ONÉ) ces 28 et 29 mars, les groupes citoyens et environnementaux réclament que l’enquête publique demandée par l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et Stratégies Énergétiques (S.É.) en août 2016 ait été réalisée avant que l’examen du projet Énergie Est de TransCanada ne reprenne.
L’AQLPA et Stratégies Énergétiques (S.É.) avaient déposé cette demande dans la foulée des révélations concernant la rencontre secrète ayant eu lieu entre l’ONÉ et Jean Charest, alors sous contrat avec TransCanada. Les groupes demandent également que l’examen d’Énergie Est soit suspendu tant que le gouvernement n’aura pas réformé en profondeur l’ONÉ, les lois ayant une incidence sur l’environnement et les règles encadrant les évaluations environnementales fédérales. Ce faisant, les groupes dénoncent que l’évaluation d’Énergie Est se déroule essentiellement sous le régime que Stephen Harper avait mis en place. Pour toutes ces raisons, ils organisent une manifestation en marge de la venue du comité d’experts demain.
À ce jour, déjà huit organisations ont fait parvenir à l’ONÉ une lettre d’appui à la demande d’enquête publique formulée par l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) et Stratégies Énergétiques (S.É.). Selon André Bélisle de l’AQLPA, « tout le scandale “Charest” est symptomatique des problèmes profonds au sein de cette institution. Seule une enquête nous permettrait de saisir comment la structure et les réseaux d’influence de l’ONÉ ont pu permettre ces dérives. N’est-il pas logique qu’avant de finaliser toute réforme de l’Office national de l’énergie, il faille poser un diagnostic complet sur ce qui est arrivé lors de ces rencontres? Or, à ce jour, notre demande est restée lettre morte! ». Les groupes rappellent qu’ils sont toujours en attente d’un suivi de la part de l’ONÉ qui a mentionné le 27 janvier dernier que « […] des décisions doivent encore être rendues concernant les points 6 et 7 de la requête de l’AQLPA et de Stratégies Énergétiques (S.É.) (à savoir, la publication de documents et la tenue d’une enquête). »
Manque de confiance en l’ONÉ
Pour Patrick Bonin de Greenpeace, « il faudra aller beaucoup plus loin que la récusation et le remplacement de trois commissaires pour que la population ait confiance en l’Office national de l’énergie qui est encore largement biaisée en faveur des pétrolières. Il faut arrêter l’évaluation d’Énergie Est tant qu’il n’y aura pas eu une enquête sur le scandale Charest et tant que la réforme de l’ONÉ et des évaluations environnementales n’aura pas été complétée de manière à rétablir la crédibilité des évaluations des pipelines au pays. »
De plus, les groupes signalent que la proximité entre l’industrie des énergies fossiles et trois des cinq membres du comité d’experts sur la modernisation de l’ONÉ ne les rassure pas quant à la volonté du gouvernement Trudeau de remettre cette institution en cause et à mettre en place des processus d’évaluation indépendants et transparents.
Anne-Céline Guyon, coordonnatrice de la Fondation Coule pas chez nous rappelle que selon un sondage SOM publié en novembre 2016 : « 73% des Québécois dit ne plus avoir confiance en l’Office national de l’Énergie (ONÉ) suite au scandale de l’affaire Charest et une très forte majorité de la population (89 %) demande au gouvernement libéral fédéral de réformer en profondeur le processus d’évaluation environnementale fédéral des projets avant de poursuivre l’étude du projet d’Énergie Est. La population veut une institution totalement indépendante de l’industrie. Comment aussi faire confiance à une institution qui ne respecte pas les droits linguistiques des Québécois ? »
Évaluation d’Énergie Est en cours
Malgré la soi-disant ‘réforme’ de l’ONÉ en cours, l’évaluation d’Énergie Est se poursuit selon l’ancien système mis en place par le gouvernement Harper. Or, celui-ci se fonde sur des lois qui ont été gravement affaiblies sous ce gouvernement, comme la loi sur les pêches, la loi sur les espèces en péril et la loi sur la protection des eaux navigables (renommée loi sur la protection de la navigation). Il ne prend pas en compte de nombreux éléments tels que les émissions de GES en amont et en aval du projet, l’inclusion du coût social des émissions de GES dans les évaluations économiques, les engagements internationaux du Canada sur le plan de la lutte aux changements climatiques ou encore les impacts psychologiques et sociaux des projets dans les communautés traversées. D’après Christian Simard de Nature Québec « Ces enjeux devraient automatiquement faire partie de toute nouvelle évaluation de projet d’infrastructure énergétique, ce qui inclut Énergie Est. Au pire, il faut que ces questions soient obligatoirement sur la liste des enjeux de l’évaluation actuelle du projet.»
Les groupes considèrent que l’ONÉ ne devrait tout simplement pas être responsable de l’évaluation des impacts environnementaux des projets pipeliniers tels qu’Énergie Est. « Ailleurs sur la planète, des états se dotent de lois et d’institutions de transition énergétique afin de lutter efficacement contre les changements climatiques. Il semble pertinent de considérer la réforme de l’ONÉ et des évaluations environnementales fédérales dans ce contexte plus global de politique publique. Des institutions modernes entièrement nouvelles sont nécessaires pour faire face aux défis du 21e siècle comme la transition énergétique et la transformation de nos économies. Cette conception dépasse de loin le cadre restreint des réformes actuelles » déclare Carole Dupuis du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ).
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Requête adressée par l’AQLPA et Stratégies Énergétiques (S.É.) à l’ONÉ en date du 11 août 2016
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Décision no 1 de l’ONÉ le 27 janvier 2017 mentionnant que des décisions doivent encore être rendues concernant la requête de l’AQLPA et de Stratégies Énergétiques (S.É.).
Signataires :
- Louise Rémi, Alerte Pétrole Rive-Sud
- Benoit St-Hilaire, Prospérité sans Pétrole, Rimouski
- Alice-Anne Simard, Eau Secours! la Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau
- Louise Morand, Comité vigilance hydrocarbures L’Assomption
- Guy Boudreau, Comité vigilance hydrocarbures de Lavaltrie
- Georges Karpat, Coalition Vigilance Oléoducs, Montréal
- Carole Dupuis. Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)
- Pierre Foisy, Comité Vigilance Hydrocarbures des municipalités de la MRC de Maskinongé
- Jacques Tétreault, Comité Citoyens et Citoyennes Protection Environnement Maskoutain (CCCPEM)
- Céline Lachapelle, Action environnement Basses-Laurentides (AEBL)
- Paul Bibeau, Comité vigilance hydrocarbures Repentigny
- Lucie Léger, Comité Vigilance hydrocarbures Saint-Sulpice
- Odette Sarrazin, Comité vigilance hydrocarbures Brandon
- Marielle Boisjoly, Comité vigilance hydrocarbures Lanoraie
- Patrick Bonin, Greenpeace Canada
- Martin Poirier, NON à une marée noire dans le Saint-Laurent
- Anne-Céline Guyon, STOP oléoduc Portneuf Saint-Augustin
- Anne-Marie Berthiaume, STOP oléoduc Montmagny-L’Islet
- Réal Lalande, STOP oléoduc Outaouais
- Réjean Savard, STOP oléoduc Île d’Orléans
- Charles Sainte-Marie, Conseil Central du Montréal Métropolitain CSN
- Katherine Massam, Citoyens au Courant de Vaudreuil-Soulanges
Source : Greenpeace Canada