Des experts des domaines de la conservation, des paysages et de l’énergie se sont réunis cette semaine à Montréal afin de débattre du projet Northern Pass, une ligne de transport électrique qui doit traverser le cœur du mont Hereford et son immense aire protégée de près de 5 300 hectares, fruit du plus grand legs testamentaire en terre privée de l’histoire du Québec.
Les experts ont vivement dénoncé la volonté, réitérée le jour même par la société d’État, de favoriser le passage de la ligne Northern Pass par voie aérienne, défigurant durablement le paysage de la région et violant ainsi la volonté des donateurs privés et de l’organisme de conservation qui en a la garde, de vouer cet immense territoire à la conservation à perpétuité.
« Quand on saccage des aires protégées pour transporter de l’électricité vers les États-Unis, on ne peut plus dire que l’on exporte de l’énergie verte», ont déclaré les experts. « Si on veut faire valoir notre énergie auprès des Américains, il faut qu’on soit verts jusqu’au bout. »
Au moment où Hydro-Québec entend multiplier les projets d’exportation d’hydro-électricité vers les États-Unis, les experts ont mis en garde la population contre le dangereux précédent que le projet Northern Pass pourrait créer.
L’événement a également permis de soulever des doutes sérieux quant à la prise en compte des milieux naturels et des paysages, de même que sur les bénéfices pour le Québec de ce projet d’interconnexion avec le New Hampshire. L’événement a été organisé par la coalition SOS mont Hereford qui demande à Hydro-Québec le contournement de la zone protégée et l’enfouissement de la ligne sur une distance d’environ 18 kilomètres.
Le pire des choix
Pour Louise Gratton, biologiste de la conservation et administratrice de « Deux pays, Une Forêt », le passage d’une ligne aérienne à haute tension dans une aire protégée est la pire des avenues lorsque l’on sait que d’autres scénarios sont possibles.
« Hydro-Québec sait qu’il existe des alternatives, dont le contournement et l’enfouissement. C’est d’ailleurs cette dernière option qui a été retenue sur 100 km dans la portion américaine de la ligne. Malheureusement, au Québec, Hydro y va pour une solution simpliste : détruire et compenser par la suite. C’est contraire à une approche intégrée de la conservation qui exige que l’on évite les pressions indues sur les milieux naturels lorsque c’est possible. Or, c’est tout à fait possible dans ce cas », a indiqué Mme Gratton.
L’impact du projet Northern Pass sur les paysages qui font la richesse de l’économie estrienne a également été abordé par les panélistes.
« Visitez le Québec et observez! Toute ligne aérienne implantée dans un milieu forestier montagneux et visible comme le mont Hereford a un impact visuel majeur. Sachant que la qualité des paysages est emblématique de l’attrait de l’Estrie et se chiffre par une économie touristique régionale d’importance, on se questionne sur le réel intérêt d’Hydro-Québec à limiter l’impact de la ligne. En Nouvelle-Angleterre, la législation a intégré la mise en valeur de paysages de qualité alors que le Québec reste toujours en retard. Hydro-Québec veut-elle intégrer la pérennité des paysages régionaux dans sa planification de projet? Depuis plus de 40 ans et, ligne après ligne, les faits permettent d’en douter», a déclaré Marie-Claude Robert, architecte paysagiste.
Analyste pour le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) et expert invité sur les questions d’énergie, Jean-Pierre Finet a pour sa part questionné la légitimité des sacrifices demandés aux Québécois pour assurer la rentabilité de Northern Pass.
Faire le projet à tout prix
« Lorsque certains ont mentionné la possibilité d’enfouir une partie de la ligne ici comme aux États-Unis, Hydro-Québec et le premier ministre se sont empressés d’indiquer que cela minerait la rentabilité du projet. C’est donc dire que l’économie de Northern Pass tiendrait à une soixantaine de millions sur un projet de plus de 2 milliards $. C’est précaire et ça soulève des interrogations sur ce qu’on est prêts à sacrifier à la qualité du projet pour qu’il se fasse à tout prix. », a indiqué M. Finet.
En plus des experts, la table ronde a donné la parole à un citoyen-donateur, notamment au sujet des impacts du projet sur la pérennité et création de futures aires protégées.
« Une fois une entente conclue pour la constitution d’une réserve naturelle, que peut-on réellement espérer comme garantie face à de puissants promoteurs comme Hydro-Québec? Que fait le gouvernement si Hydro-Québec décide qu’elle a le droit de passer demain matin dans une aire protégée créée grâce à un don de citoyen? La gestion du dossier Northern Pass enverra un message déterminant pour l’avenir », a laissé entendre M. Berthier Plante, citoyen-donateur d’une réserve naturelle et ancien employé d’Hydro-Québec.
Les préoccupations de M. Plante semblent en outre partagées par une bonne partie de la population, alors que la pétition lancée il y a un mois par la coalition SOS mont Hereford afin de réclamer le contournement du mont Hereford et l’enfouissement d’une partie de la ligne Northern Pass a dépassé les 10 000 signataires cette semaine.
Source : Corridor Appalachien.