Résultats des élections Québec 2007 : le fantôme de l’environnement

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Par Corinne Gendron
Professeure et titulaire, Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, École des sciences de la gestion, UQÀM


 

Il n’est pas facile de prédire le sort que connaîtront les questions environnementales dans la configuration du gouvernement résultant des dernières élections. Même « les écologistes ne savent pas sur quel pied danser » titrait Le Devoir du mercredi 28 mars en page A2. En fait, la grande question à se poser est de savoir si, dans un gouvernement minoritaire libéral avec une opposition adéquiste et une balance du pouvoir péquiste, l’environnement est susceptible de devenir un enjeu de positionnement ? Les plates-formes électorales laissent présager du contraire, puisqu’elles n’ont pas permis de départager de façon claire les grands partis entre eux. Bref, l’environnement n’a pas été jusqu’à maintenant un sujet de différenciation comme ont pu l’être la santé, l’éducation et la gestion publique.


Rappelons qu’en début de campagne, le gouvernement libéral a obtenu la note de passage pour son bilan en matière d’environnement, alors que le plan de lutte contre les gaz à effet de serre et l’adoption de la Loi sur le développement durable venaient compenser les dossiers controversés du Suroît et du Mont Orford1. Par la suite, les notes obtenues par le PQ (47%), le PLQ (32%) et l’ADQ (0%) au questionnaire de Greenpeace pouvaient difficilement les propulser au rang de partis écologistes. D’autant plus que ces performances restaient nettement en deçà non seulement de celle du Parti vert (94%) mais aussi de celle de Québec solidaire (90%).


L’environnement n’est pourtant pas un enjeu négligeable pour les partis politiques au Québec, comme en témoignent les résultats du Parti vert aux dernières élections, avec 3,89 % des suffrages. C’est dix fois plus qu’en 2003, et cela consacre une avance de 10 000 voix sur Québec solidaire. Par ailleurs, que les partis politiques se le tiennent pour dit : ils sont bienvenus pour s’inspirer du programme du Parti vert, mais seront refoulés aux portes s’ils viennent quémander une quelconque coalition. Le chef Scott McKay est formel : son parti n’est ni souverainiste, ni fédéraliste (ni « autonomiste » peut-on présumer), ni de gauche, ni de droite. Il reflète en cela l’hétérogénéité du mouvement vert qui, même s’il a souvent été associé aux progressistes, rassemble pourtant en son sein une importante frange conservatrice comme l’ont déjà démontré plusieurs études sociologiques2. La question est donc de savoir s’il fera le plein des électeurs déçus par le programme environnemental de leurs partis respectifs, ou si l’un de ces partis tentera un « beau risque vert ». Comme nous le disions plus tôt, ce n’est pas encore une option privilégiée par l’un des trois principaux partis. Mais cette avenue peu banale pourrait en tenter certains plus que d’autres.


Pour prédire l’issue des controverses environnementales sous le gouvernement minoritaire libéral, la grande inconnue est en fait l’ADQ, tout d’abord parce que la piètre performance obtenue au sondage de Greenpeace (0%) est due non pas à de mauvaises réponses, mais bien à pas de réponses du tout. Or, contrairement au gouvernement Harper clairement peu sensible aux questions environnementales, ce refus et la note correspondante ont pu être interprétés pendant les élections comme un rendez-vous manqué plutôt que comme une sous ou une contre performance. D’autant plus que même s’ils n’ont pas fait de l’environnement un thème fort de leur programme, les Adéquistes ne se sont pas non plus positionnés contre l’environnement par le passé. Reste donc à voir dans quel sens ils choisiront d’articuler un positionnement qui devra être clarifié, développé et défendu compte tenu de leur nouveau statut d’opposition officielle. Il serait surprenant que l’ADQ adopte un positionnement anti-environnemental à la Harper. La formation politique n’aura certainement pas manqué de noter les résultats du dernier sondage d’Angus Reid selon lequel les Québécois sont les plus verts des Canadiens, et il n’y a pas de « petite Alberta » au sein du Québec.

Du côté du PLQ, celui-ci s’est doté d’un formidable outil qu’il a jusqu’à maintenant peu exploité pour promouvoir son image verte : la loi sur le développement durable. Or, celle-ci prévoit que le gouvernement adopte, d’ici le 31 décembre 2007, une stratégie de développement durable pour le Québec, laquelle sera présentée et défendue par le premier ministre (et non par le ministre de l’Environnement, du Développement durable et des Parcs). Il n’est pas exclu que le premier ministre Charest cherche à se faire un peu de capital politique en faisant de l’exercice entourant l’adoption de la stratégie (consultations et débats) une opération de charme similaire à son plan de lutte contre les changements climatiques. L’exercice sera peut-être plus ardu néanmoins, dans la mesure où la stratégie exigée par la Loi interpelle tout spécialement la cohérence du gouvernement sur un certain nombre d’enjeux écologiques, alors que c’est précisément l’incohérence et le refus de certains ministères de s’engager dans la démarche de protection de l’environnement qui a marqué le précédent gouvernement Charest.

Enfin, si l’on se fie à une analyse du vote selon le sondeur Jean-Marc Léger reprise dans Le Devoir (28 mars, p. A4), les votes accordés aux tiers partis que sont Québec Solidaire et le Parti vert ont surtout nui au Parti Québécois. Les gains de Québec solidaire (passé de 1% à 4%) se seraient faits quasi totalement aux dépens du PQ, tandis que ceux du Parti vert seraient attribuables en grande partie à d’anciens péquistes. Cette analyse confortera-t-elle les militants dans une redéfinition non seulement plus à gauche mais également plus verte du projet péquiste, qu’elle se fasse au sein ou en parallèle à l’option souverainiste? Il est à prévoir que la question sera à tout le moins débattue, et que les positionnements du PQ à l’égard des questions environnementales devront être encore plus claires, tranchées, audacieuses et surtout cohérentes qu’elles ne l’ont été jusqu’à maintenant.

Bref, en matière d’environnement, les prochains mois à l’occasion desquels les différents partis pourraient être tentés par une stratégie de différenciation axée sur les questions écologiques risquent d’être tout aussi palpitants que la campagne électorale l’a été.

 

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1- Il a par contre été « recalé » par Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE).
2- Voir notamment Mercier, Jean. 1997. « Quelques éléments de la pensée institutionnelle du mouvement écologiste ». In Le partage des responsabilités publiques en environnement,Painchaud, Paul (dir.), p. 17-42. Ste.-Foy, La Liberté; Vaillancourt, Jean-Guy. 1981. « évolution, diversité et spécificité des associationsécologiques québécoises : de la contre-culture et du conservationnisme à l’environnementalisme et à l’écosocialisme », Sociologie et sociétés, vol XIII, no 1, avril, p. 81-98; Perron, Bertrand, Vaillancourt, Jean-Guy, Claire Durand. 1999. « Les leaders de groupes verts et leur rapport aux institutions », Recherches sociographiques, XL, vol. 3, p. 521-549; Sklair, Leslie. 1994. « Global sociology and global environmental change ». In Social Theory and the Global Environment, Redclif, Michael et Ted Benton, p. 205-227. London & New York: Routledge; Gendron,  Corinne. 2006. Le développement durable comme compromis, PUQ.

 

 



Par Corinne Gendron
LL.B, MBA, Ph. D, Titulaire, Chaire de responsabilité sociale et de développement durable, Professeure, Département d’Organisation et de Gestion des ressources humaines, École des sciences de la gestion, UQÀM

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