Par François René de Cotret
Mots-clés : Plan directeur du réseau cyclable, Groupe de travail sur la mobilité durable, Régis Labeaume, François Picard, Ville de Québec, vélo, cyclisme, cyclotourisme.
L’organisme qui fait la promotion du vélo attend donc le rapport de pied ferme. En entrevue avec GaïaPresse, madame Jobin met en garde contre les investissements prévus par la Ville. « Il se pourrait que les millions annoncés incluent les coûts de la réfection totale des chaussées où les aménagements cyclables seront faits. » Elle ajoute qu’il y a malheureusement « beaucoup d’annonces du Plan directeur qui dépendent d’autres projets. » Par exemple, la remontée mécanique pour vélos reliant la Basse-Ville à la Haute-Ville dépendrait du projet Diamant de Robert Lepage.
Le cyclisme à Québec : pathétique La proposition de la municipalité aura avantage à être solide car aux dires d’autres adeptes, tel le réparateur de vélos Étienne Babin, l’état du cyclisme à Québec est tout simplement « pathétique. » Utilisateur de son vélo 365 jours par année, monsieur Babin déplore le manque flagrant d’infrastructures et « une absence de conscientisation face au cyclisme. » Pour sa part, Pierre Bernier, propriétaire du Muséovélo, connu entre autres pour son jeûne motorisé de 1984 à 1989, ne croit pas que les changements se feront bientôt. « Rajoute trois décennies et ça va être la même affaire, dit-il. » À son avis, il est impossible pour le Québécois de « concevoir qu’il peut vivre sans auto. » Même si elle adopte un discours plus positif quant à l’avenir du cyclisme à Québec, Jeanne Robin admet que « les revendications des cyclistes sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a quinze ans. » Dans son livre « Deux roues, un avenir » (1), la journaliste et cycliste engagée Claire Morisette écrit que « la bicyclette accomplit des trajets de cinq kilomètres et moins, aussi vite sinon plus, que tout autre moyen de transport » et que « le cycliste moyen n’éprouve aucune difficulté ni fatigue particulière à franchir une distance de huit kilomètres deux fois par jour. » D’ailleurs, Jeanne Robin a fait valoir que « Québec est une ville qui se prête à l’usage du vélo en considérant les distances entre les zones densément peuplées. »
L’axe est-ouest est mal desservi L’axe est-ouest reliant le centre-ville aux arrondissements de Sillery, Sainte-Foy et Cap-Rouge est un corridor d’importance pour les cyclistes. Un comptage effectué en septembre 2008 par Promo-Vélo indiquait que près de 5 000 cyclistes l’empruntent quotidiennement, que ce soit par le boulevard René-Lévesque, la Grande Allée ou le chemin Sainte-Foy. Pourtant, outre les quelques centaines de mètres orphelins sur le boulevard Laurier, l’axe ne comprend que deux pistes cyclables : le tronçon sur le boulevard Quatre-Bourgeois qui relie le boulevard Pie-XII et Myrand et la Promenade Samuel-de-Champlain qui débute à la limite Sainte-Foy/Sillery et qui se rend jusqu’au centre-ville. Toutefois, cette piste cyclable qui longe le fleuve s’entremêle au trottoir sur plus de la moitié de sa longueur totale. Il y a aussi les bandes cyclables, plus nombreuses, séparées du trafic automobile par une ligne de peinture, comme sur le chemin Saint-Louis. Or, même si cette bande atteint une largeur de 140 cm à certains endroits, à d’autres, elle se rétrécit jusqu’à 35 cm. Fait à noter : le guidon d’un vélo mesure environ 40 cm! Et d’après le Guide technique d’aménagement des voies cyclables rédigé en 2003 par Vélo Québec en collaboration avec le ministère des Transports du Québec, une bande cyclable à sens unique devrait avoir une largeur minimale de 150 cm (2).
Rue Sheppard : un modèle La largeur de la rue Sheppard et de la bande cyclable qui y est aménagée permet aux automobilistes, autobus, cyclistes et piétons de circuler sans gêne. Pierre Bernier a affirmé que les décideurs devraient s’en inspirer lors des futures rénovations urbaines. En entrevue avec GaïaPresse, il a expliqué que le conseiller François Picard l’avait d’ailleurs promis il y a quelques années. Depuis ce temps, un grand segment du chemin Sainte-Foy a été rénové; plusieurs canalisations ont été changées et l’asphalte refaite. Aucun aménagement ni voie n’ont été prévus pour les cyclistes lors de la réfection de cette rue. Et l’histoire a été la même pour les réfections du boulevard Charest et de la Grande Allée. Et même lorsque la Ville investit pour des aménagements cyclistes, ils sont parfois inadéquats. Par exemple, Pierre Bernier n’en revient pas qu’ « une bande cyclable ait été aménagée sur la côte de la Pente-Douce, mais qu’elle disparaisse dans le tournant serré de la côte, là où elle serait justement utile pour assurer la sécurité des cyclistes! »
Mais où se stationner? La Ville de Québec offre également peu de supports à vélo pour accommoder ce mode de transport écologique, qui joue pourtant un rôle essentiel en milieu urbain. Jeanne Robin réclame que cet équipement soit inscrit dans les projets municipaux. « À Québec, les stationnements à vélos sont sous-évalués partout. C’est gênant pour tout le monde. » Autant pour le « cycliste qui n’arrive pas à trouver un endroit sécuritaire pour se stationner » que pour le résident du centre-ville qui se retrouve avec des vélos cadenassés devant son domicile, parfois « obstruant même sa porte d’entrée. » Assurément, complète la militante, « ce n’est pas encore un réflexe que d’intégrer le vélo à l’aménagement urbain. » Et pourtant, le vélo occupe une place de plus en plus grande au Québec. D’après Jean-François Pronovost, le directeur général de Vélo Québec, de 1977 à 2000, le nombre de cyclistes québécois qui utilisent leur vélo au moins une fois par semaine a pratiquement doublé en passant de 900 000 à 1,7 million. Jeanne Robin est claire sur ce point. Populaire ou pas, « le vélo prendra une place importante à Québec lorsque les élus se décideront à bouger une fois pour toutes. »
(1) Morissette, Claire (2009), Deux roues, un avenir Le vélo en ville, Les Éditions Écosociétés, Montréal, 252 pages (2) Guide technique d’aménagement des voies cyclables (2003), Les Éditions Tricycle, p. 35 (3) Guide technique d’aménagement des voies cyclables (2003), Les Éditions Tricycle, p. 13 (4) Observatoire mondial des modes de vie urbains, Vivre en ville (2008), Presse Universitaire de France, p. 120 (5) ibid, p. 132
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