Mots-clés: eau, Journée Mondiale de l'eau 2011, droit universel, Convention universelle sur le droit inaliénable à l’eau potable, Manifeste de l'eau
Un peu plus d'un mois après la Journée Mondiale de l’eau 2011, pour maintenant et à jamais, quelques textes fondateurs et intemporels rappelant l’importance de l’élément de l'Eau, source de vie.
L’eau est fluide, souple, versatile et multiforme. Elle capte et se souvient de tout ce qu’on lui inflige, et de chaque molécule (hydrosoluble surtout) qu’on y déverse, mais elle est aussi bienveillante, magnanime et coopère de son mieux pour revenir constamment à son essence hydratante, purifiante et génératrice de vie. Envers et contre tous les courants contraires, elle pardonne, nous veut du bien et partout où elle passe, l’eau génère et entretient la vie. Néanmoins, actuellement, fait-elle réellement partie du bien commun? Et est-elle vraiment équitablement répartie et accessible à tous les êtres humains? Hélas non. Même dans notre pays d’abondance, elle est de moins pure et accessible à volonté et de moins en moins libre de circuler à son gré… Et pourtant, plusieurs textes décisifs ont été formulés à cet effet.
La Convention universelle sur le droit inaliénable à l’eau potable
En 1997, les Nations Unies ont formulé un concept et un texte qui définissent l’accès à l’Eau comme un droit universel, et qui devraient inciter les nations et les États de partager les sources, les produits et les bénéfices reliés à l’eau douce. À l'heure actuelle, elle a été signée par (seulement…)16 pays, et ratifiée par 9 autres.
Un concept d'« Eau Virtuelle Universelle » a été élaboré et permet aux nations et aux États de partager les produits et les bénéfices reliés à l’eau. À ce sujet, nous devons une fière chandelle à Ricardo Petrella qui a rédigé et réussi à faire accepter son Manifeste de l’eau, rédigé en 1998, comme un contrat mondial de l’eau pour toute l’Humanité. Professeur d’économie politique et conseiller à la Commission Européenne, M. Petrella est un grand humaniste, homme d’action, de coeur et d’esprit, qui sillonne toute la planète pour dénoncer la privatisation de l’eau.
Le Manifeste de l’eau
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L'eau, « source de vie », appartient à tous habitants de la terre en commun.
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Le droit é l’eau est un droit inaliénable, individuel et collectif.
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L’eau doit contribuer à la solidarité de vie entre communautés, pays, société, sexes et générations.
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L'accès à l’eau passe nécessairement par le partenariat. Il est temps de dépasser les logiques des « Seigneurs de la guerre » et des conflits économiques pour l’hégémonie de la conquête des marchés.
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Nous pensons que la prise en charge financière de l’eau doit être à la fois collective et individuelle, selon les principes de priorité, de responsabilité et d’utilité.
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L’eau est une affair de citoyenneté et de démocratie.
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Toute politique de l’eau implique un haut taux de démocratie au niveau local, national, continental et mondial.
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Notre Québec, béni du bon génie des eaux?
Au printemps 2009, au Québec, ont eu lieu ces deux événements et signaux très contradictoires au sujet de l’eau, bien commun.
À l’Assemblée Nationale à Québec, le 14 mai 2009, des députés habilités pour le faire, la Ministre du Développement durable du Québec d’alors, Line Beauchamp, ont adopté la plupart des articles de la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection dont l’Article 1, et le plus important, affirme :
« L’eau, qu’elle soit de surface ou souterraine, est un bien
commun accessible à tous les citoyens du Québec,
sans restrictions. »
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Néanmoins, par la suite, tous les pouvoirs sont conférés au domaine politique et les décisions restent questionnables, comme le signalaient à l’époque et à juste titre les anges gardiens autonomes d’Eau Secours.
Le projet de loi 27 en quelques points
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L’eau, ressource collective. L’eau de surface et l’eau souterraine, dans leur état naturel, sont des ressources qui font partie du patrimoine commun de la nation québécoise et qui ne peuvent être appropriées, sauf dans les conditions définies par la loi, dont le Code civil.
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Principe d’utilisateur payeur. Les coûts liés à l’utilisation des ressources en eau, dont les coûts de protection, de restauration, de mise en valeur et de gestion, sont assumés par ceux qui prélèvent plus de 75 000 litres par jour.
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Gouvernance de l’eau. La gestion des ressources en eau doit être réalisée de manière intégrée et concertée par des organismes de bassins versants.
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Bureau des connaissances sur l’eau. Le Bureau a pour mission d’assurer la mise en place et la coordination technique d’un système d’information visant la collecte de données sur les ressources en eau, les écosystèmes aquatiques et leurs usages à l’échelle des
unités hydrographiques.
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Certificat d’autorisation. Tout prélèvement d’eau supérieur à 75 000 litres par jour est subordonné à l’autorisation du ministre, qui doit délivrer un certificat d’autorisation valide.
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Aussi, le lendemain de la signature de ce traité, le Premier ministre Jean Charest inaugurait le début du chantier sur la rivière Romaine, dernier grand cours d’eau sauvage important dans le nord du Québec. Tout ça ,pour consommer et vendre encore plus d’électricité à rabais aux citadins et aux Américains, comme on l’a vu dans le récent et explicite documentaire Chercher le courant.
Eau Secours, SOS Rivières et tous les écologistes s’y opposent farouchement, et pour cause! Hélas, nous ne sommes pas encore assez nombreux pour faire le poids numérique et stopper ce barrage dans notre ultime grande rivière sauvage, tellement ravageur et inutile. Images et chiffres explicites à l’appui!
L’eau, source d’inspiration politique et poétique
Paroles d’Hélène Pedneault, auteure et militante visionnaire à la rescousse de l’eau pour tous :
« Le Québec est un pays d'eau. Il s'est construit et prospéré le long des grands cours d'eau. Proportionnelllement à son immense espace, sur la carte, le Québec est un pays peuplé de peu d'êtres humains, habité seulement le long des grands cours d'eau, à l'intérieur d'une bande au Sud avec quelques incursions au nord, et le pays des Inuits au Nord du Nord.
On dit qu’il y a un million de cours d’eau au Québec, dont 700 000 lacs. Il y en a tant que sur ce nombre, il n’y en a que 30 000 qui portent un nom, les autres restent à baptiser encore… L'eau constitue notre coeur et nos artères. On ne vend pas son coeur et ses artères! Jadis, les cours d'eau étaient nos seules routes, le seul lien entre nous. Le Québec s'est bâti autour des cours d'eau, comme les villages se sont construits autour des églises. Encore aujourd'hui, si vous suivez le Saint-Laurent, vous suivez l'histoire des gens de ce pays. L'eau est notre histoire. Elle n'est pas un bien de consommation à vendre, elle est notre patrimoine commun. Nous en sommes tous propriétaires, à parts égales. Nous sommes prêts à la partager avec ceux qui n’en ont pas, à investir pour la nettoyer quand il est nécessaire de le faire à cause de nos désinvoltures passées, à investir aussi pour rajeunir les canaux artificiels qui la portent jusqu'à nos foyers. Nous l'avons prouvé. Depuis le début des années 80, nous avons investi plus de 8 milliards de dollars dans l'assainissement de nos eaux. Mais l’eau, c’est d’abord et avant tout le sang qui coule dans nos veines.
Vouloir toucher à l'eau, au Québec, c’est comme vouloir toucher à la langue française, comme si l’eau était notre langue maternelle. Les Québécois ont des réactions viscérales quand on veut toucher à la langue ou à l’eau. L’émotion monte comme un raz-de-marée, d’un seul coup, des pieds à la tête. Allons-nous encore dire que ce sont des réactions irrationnelles? Comme la langue, l'eau est beaucoup plus qu'un simple outil pour les Québécois : c'est un symbole fondamental, qui fait partie non seulement de notre patrimoine mais de notre inconscient collectif. L'eau nourrit les corps, les imaginaires, la littérature, le cinéma, les chansons. S'y attaquer, c'est blesser ce que nous avons de plus précieux, c'est voler notre identité. L'eau est le symbole d'une lutte beaucoup plus vaste que l’eau elle-même, qui fera reculer, je crois, ceux qui veulent vendre ou acheter le Québec à la carte, non pas pour le bien-être collectif, mais pour aller grossir leurs avoirs au soleil des paradis fiscaux.
Les Québécois ont été traités avec mépris de « porteurs d'eau » pendant des siècles. Mais aujourd'hui, il faudrait songer à revendiquer à nouveau ce titre de « porteurs d’eau ». Ce qui a été une insulte doit devenir notre identité fondamentale, notre mission, celle d’être des protecteurs et non des gaspilleurs de l’eau. Car ce n'est plus nous qui portons l'eau, c'est l'eau qui nous porte, cette eau qui se raréfie, qui devient objet de convoitise et enjeu de plus d’une cinquantaine de batailles, voire de guerres de l’eau, en cours sur cette planète. L’eau est devenue l’or bleu du XXIe siècle. Moins il y aura d’eau, plus il y aura de déserts. On parle déjà de raréfaction de l’eau, de pénurie. On parle de désertification de la terre. Le désert est déjà bien présent, bien installé dans la vie psychique des êtres humains et des civilisations. Nous volera-t-il aussi la terre, notre âme, nos vies?
Pour les Québécois et les Québécoises, l'eau est non seulement source de vie, mais instrument de puissance. Dans les années 60, le Québec moderne a été fondé sur la nationalisation de l'électricité, pour notre plus grande fierté. Allons-nous aujourd'hui revenir en arrière? Le gouvernement pense-t-il sérieusement à donner ce cadeau à des compagnies et à des actionnaires dont la seule inquiétude réelle est l'énormité de leurs profits et la taille des dividendes remis à leurs bienheureux actionnaires?
Le Québec est l'Arabie Saoudite, l’Eldorado nord américaine de l'eau. Nous ne laisserons pas quelques « cheiks » s'emparer de notre richesse collective à leur seul profit et faire de l'argent comme de l'eau.
Ne laissons jamais l’eau devenir une vulgaire industrie. Si la Coalition Eau Secours intervient depuis déjà dix ans avec une telle passion et une telle rigueur dans le dossier de l’eau, c'est que nous ne voulons pas attendre que la maladie devienne incurable. Et cette intervention se résume en cinq mots : TOUCHE PAS À MON EAU ! À l'eau la privatisation ou l’appropriation de l’eau par des intérêts égoïstes! Et comme aurait dit ma mère: SINON, ILS VONT FRAPPER LEUR WATER-L'EAU!
Dans les deux langues à part ça! »
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Le défi principal des siècles à venir : économiser et partager …
En 2011, un milliard d’êtres humains n’ont toujours pas accès à de l’eau potable acceptable, et partout dans le monde, le manque d’eau est la première cause de maladie. Un chiffre très parlant est, par exemple, le taux de mortalité infantile des bébés d’Haïti, un des pays le plus pauvre de la planète qui est de 117 morts par 1000 naissances, alors que sa voisine, la République Dominicaine, encore très pourvue en eau en forêts et en dollars américains et canadiens, grâce au tourisme et à la drogue qui y transite, et n’affiche que 31 morts par 1000 naissances!
Dire qu’un milliard de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable… Un des plus beau geste humanitaire à accomplir est de donner pour aider nos semblables du sud à creuser des puits Entre 500 litres d'eau consommés par jour par un Canadien moyen et 5 litres pour un Malien : n’y a-t-il pas lieu de se questionner ?
L’accès à l’eau potable pour tous n’est pas qu’un droit et un devoir formulé pour l’ONU et réservé aux nations nanties du Nord, c’est aussi un investissement hautement profitable à court et moyen terme. Non seulement l’eau sauve des millions de vies et permettant le développement économique des populations jusqu’alors dépendantes des (trop maigres) subventions des pays industrialisés, mais elle assurera enfin un quotidien décent et salubre aux familles comme aux individus, si ce n’est la simple survie de l’individu, puis de l’humanité entière.
Et si l’eau douce disparaissait ? Le rapport entre l’homme et la nature doit évoluer aujourd’hui pour passer de possesseur à protecteur.
Même si l’ensemble de la communauté humaine s’accorde en voulant mieux gérer les ressources en eau, elle est divisée face à sa responsabilité contre le gaspillage, sans négliger les menaces non maîtrisables que représente l’eau « cataclysme », plongeant ainsi (sic!) au cœur du débat sur le changement climatique et ou de la fatalité, comme le Japon vient de le connaître…
Après nous, le déluge, mais pourrons-nous encore longtemps nous laver les mains face à la maltraitance et la mauvaise répartition de l’eau par les plus nantis dont nous sommes ?
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