Dossier Forêt – Petit récit de l’identification et la validation des corridors naturels du territoire de Corridor appalachien

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Par Mélanie Lelièvre et Clément Robidoux
Directrice générale et coordonnateur à la conservation du Corridor appalachien


Mots-clés : massifs, corridor, Appalaches, biodiversité, écosystème
 

Un grand corridor…

Le corridor appalachien est l’une des dernières régions sauvages à l’extrême sud du Québec où l’on trouve de grands massifs forestiers non-fragmentés. Ces massifs sont encore, pour la plupart, reliés entre eux. Le territoire comprend un segment de la chaîne des Appalaches qui chevauche la frontière canado-américaine; il englobe 289 500 hectares au Québec et s’étend jusqu’au mont Mansfield et au Camel’s Hump au Vermont.

Les vastes milieux boisés de ce corridor sont essentiels à la survie de nombreuses espèces à grand domaine vital, ainsi qu’aux espèces forestières sensibles à la fragmentation. Les innombrables ruisseaux, lacs, étangs et milieux humides révèlent aussi la richesse de cette région où l’on dénombre près d’une centaine d’espèces à statut particulier.

L'organisme de conservation à but non lucratif ayant pour mission de protéger cette zone, Corridor appalachien, travaille à la protection des milieux naturels et de la biodiversité dans la région des Appalaches (sud-ouest des Cantons-de-l’Est), en collaboration avec des propriétaires privés, des groupes de conservation locaux et plusieurs partenaires régionaux, nationaux et internationaux.

 

… qui en abrite plusieurs autres

La stratégie de conservation de Corridor appalachien comporte plusieurs éléments qui, ensemble, assurent le maintien de la biodiversité, protègent les écosystèmes et permettent à l’homme de continuer d’évoluer, de façon durable, avec la nature qui l’entoure.

Les corridors naturels sont un des éléments essentiels pris en compte dans cette stratégie. Ils sont des « couloirs » forestiers qui relient les noyaux de conservation entre eux. Ces noyaux assurent le maintien d’espèces représentatives de la région naturelle et protègent des écosystèmes suffisamment grands pour résister aux perturbations.

Les corridors naturels permettent aux espèces à grand domaine vital (orignal, ours noir, lynx roux, couguar, pékan, etc.) de se déplacer d’un noyau de conservation à l’autre, leur donnant ainsi accès à de plus vastes étendues essentielles à la survie de leurs populations (alimentation, reproduction, protection, etc.). Les déplacements entre les noyaux de conservation créent des échanges qui assurent le maintien de la diversité génétique de la faune et de la flore.

 

Identifier et valider

Afin de bien déterminer où se situaient les corridors naturels de son territoire, l’équipe d’ACA les a d’abord identifiés de façon « théorique ».  À l’aide d’informations géographiques et de photos aériennes, des critères ont été mis en relief : milieux humides, étendues d’eau, cours d’eau, pentes, crêtes, couvert forestier, éléments de fragmentation (zones habitées, routes), etc. Ces caractéristiques ont permis d’identifier les tracés offrant les meilleurs habitats et le moins de contraintes possibles aux déplacements des espèces sauvages.

Les corridors retenus ont ensuite été validés sur le terrain au niveau de leurs aspects physiques pour assurer qu’il n’y ait pas d’éléments que la faune ne puisse franchir, comme par exemple une falaise, une clôture ou d’autres types d’infrastructures.

Afin de s’assurer que les corridors naturels abritent un habitat de qualité pour la faune et la flore, ACA a ensuite procédé à la caractérisation des éléments biologiques des corridors : les types de peuplements forestiers, la densité de la végétation, le type d’habitat, etc.   

À la suite de ces différentes étapes, il ne restait plus qu’à confirmer que ces corridors étaient bel et bien utilisés par la faune! Pour ce faire, une technicienne en bioécologie, généreusement aidée de plusieurs bénévoles, a relevé des indices de déplacement faunique le long des routes traversant les corridors préalablement identifiés, au cours de l’hiver 2010-2011. Les séances de pistage se tenaient 12 à 48 heures après une chute de neige et lorsque les conditions climatiques étaient favorables. Chaque trace ou autre indice de présence faunique observé dans la neige était identifié, photographié et géolocalisé (la géolocalisation est le positionnement à l’aide de coordonnées géographiques). Un travail de moine!

 

Les résultats et la vision d’avenir

Les séances de validation ont permis de relever près de 1900 indices de présence animale. Les traces des espèces à grand domaine vital spécialement ciblées pour ce projet ont été relevées, soit celles du coyote, de la loutre de rivière, du pékan, de l’orignal et du vison d’Amérique. Plusieurs traces d’espèces non-ciblées ont aussi été comptabilisées (cerf de Virginie, renard roux, lièvre d’Amérique, etc.).

Les résultats sont encourageants et ont permis de confirmer, de façon scientifique, la présence de corridors naturels aux endroits clés du territoire.

Ces corridors sont essentiels au maintien de la biodiversité des écosystèmes. Leur validation et leur protection s’inscrit dans une stratégie visant une mobilisation plus large. Par exemple, les corridors naturels pourraient être intégrés à la planification régionale et municipale tout en étant des zones compatibles au développement de l’écotourisme (corridors « verts »). Cette initiative vise aussi le développement d’un projet pilote avec le ministère des Transports du Québec (MTQ) afin d’évaluer l’effet barrière que représente certaines infrastructures routières sur le territoire.

Du 24 au 27 mai dernier se tenait le colloque Routes et faunes terrestre : De la science aux solutions, organisé par le MTQ, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et l’Université du Québec à Rimouski. Corridor appalachien s’y est démarqué, étant le premier à avoir procédé à une validation terrain des corridors naturels. Ce projet est donc en résonnance avec une préoccupation actuelle, qui saura certainement être instigatrice de changement.

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