Par Jessica Nadeau
Mots-clés : Riccardo Petrella, eau, Rio+20, Rio-20, gouvernement du Canada, Rapport mondial permanent en ligne sur le Droit à l’Eau (RAMPEDRE), l’Institut européen de recherche sur les politiques de l’eau (IERPE), Collectif pour un Québec sans pauvreté
Riccardo Petrella crie au scandale devant la position canadienne sur l’eau. « Le Canada a une vision de l’eau en dehors du champ des droits humains et je ne peux pas accepter cela », a déclaré le célèbre économiste italien qui milite contre la marchandisation de l’eau, lors d’une entrevue avec GaïaPresse. Riccardo Petrella parle d’une véritable « trahison » des classes politiques. Il en veut particulièrement au Canada, pour avoir tenté jusqu’à la toute fin du processus de faire enlever de la Déclaration officielle la mention que l’eau est un droit humain. « Pendant les 4 mois de négociations qui ont précédé la conférence, un certain nombre de pays, dont le Canada et les États-Unis, ont essayé de supprimer cette référence au fait que l’eau est un droit humain. C’était littéralement [une tentative de]coup d’État! » Ils ont tous accepté de retirer leur demande, trois jours avant de boucler le texte final. Le Canada a été le dernier à céder. « C’est grave, s’emporte le militant. Pour le [gouvernement du]Canada, l’eau est une ressource naturelle, de plus en plus rare. S’il veut bien la gérer et limiter la pollution, c’est pour la seule et unique raison qu’il la considère comme un bien économique. Le Canada aime l’eau parce que c’est un capital dont il peut tirer des profits, pas parce que c’est un droit ou un bien commun. »
Rio+20 : pire qu’anticipéSouriant, détendu, le docteur honoris causa de l’UQAM flâne près du pavillon de l’eau au Sommet des peuples Rio+20. Il discute à gauche et à droite, son expresso refroidissant sur une chaise. Le parrain de la rivière Batiscan au Québec n’a pas tenté de participer aux discussions qui se tiennent au Riocentro, où siègent les chefs d’États et d’autres groupes reconnus par l’ONU. Ces derniers ont passé toute une journée à discuter d’enjeux relatifs à l’eau. Riccardo Petrella hausse les épaules : « Ça ne sert à rien. D’ailleurs, nous sommes déjà plusieurs à appeler le sommet non plus Rio+20, mais Rio-20. C’est une régression terrible. » L’économiste n’est pas vraiment déçu, puisqu’il ne s’attendait à rien. Mais quand même. C’est pire que ce qu’il avait imaginé. « Je ne pensais pas que les pouvoirs publics pourraient atteindre un tel niveau d’aveuglement. Ils reconnaissent qu’il y a 3 milliards de pauvres, qu’il y a des problèmes considérables à cause de nos modes de vie. Ils reconnaissent les problèmes liés aux changements climatiques, les problèmes de l’eau, des sols, des forêts, des fleuves, des bidonvilles, de la faim. Ils reconnaissent tout cela et tout ce qu’ils trouvent à écrire, c’est un document mystique : faites-nous confiance, on va arranger cela… »
Une trahison inimaginableRevenant sur la position du Canada, Riccardo Petrella analyse que le pays s’est engagé dans un processus dangereux de marchandisation de l’eau qui laisse toute la place aux industries pour la réguler. « Ici, à Rio, on parle beaucoup d’économie verte. Et bien, pour le Canada, l’eau fait partie de l’économie verte, parce qu’elle génère des billets verts! »
Source: GaïaPresse GaïaPresse a pu envoyer la journaliste Jessica Nadeau à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable à Rio au Brésil grâce à un soutien financier du Gouvernement du Québec. |