Par Mathieu Drouin Crête
Mots-clés: Pétrolia, scéance d'information, impacts environnementaux, forage, hydrogéologie, gaz
Le 12 décembre 2012 avait lieu la soirée d’information organisée par Pétrolia pour expliquer les impacts possibles sur l’environnement de son exploration et peut-être son exploitation du site de Haldimand 4. La compagnie avait, pour l’occasion, plusieurs des membres de sa direction présents : le directeur général, M. Proulx, sa fille Isabelle Proulx, vice-présidente et responsable des communications avec les médias, M. Alexandre Gagnon, vice-président aux finances et plusieurs autres de leurs experts. L’accueil y était chaleureux, café et eau étaient offerts gratuitement à l’entrée et les dirigeants nous attendaient le sourire aux lèvres. La séance était organisée sous la forme d’un parcours informatif avec kiosques à sujets spécifiques. Nous avons pu y lire sur l’économie, la géologie de la pointe gaspésienne, la spécificité du site de Haldimand 4, le principe hydrologique avec l’INRS et, pour conclure, les communications.
L’autopromotionTout au long de cette soirée nous fûmes, premièrement, entourés par des agents de sécurité Garda et deuxièmement, informés de l’identité des maîtres d’œuvre qui veulent explorer et forer si possible. Déjà, les cartes étaient jouées. Les panneaux nous montrèrent qui étaient les têtes dirigeantes québécoises de la compagnie, photos souriantes à l’appui. S’en est suivi le bilan énergétique mondial, nous disant que le pétrole atteint des sommets d’exploitation et d’utilisation et que le bilan énergétique national québécois propose que la province utilise 39 % de son énergie dans le pétrole (bon deuxième après la capacité hydroélectrique, qui est de 40 %). La compagnie nous donna aussi l’idée que nous perdons énormément d’argent que nous pourrions avoir entre les mains, soit 151 millions de barils par année. Monétairement, ça équivaut à, encore selon Pétrolia, environ une fois et demie la dette nationale. Elle affirme aussi que le développement des hydrocarbures aura un « impact positif sur le tourisme en le faisant augmenter de plus ou moins 7 % » (sic). Ce tourisme sera principalement d’affaires et d’ordre éducatif par la visite des sites par les gens d’affaires et par le milieu scolaire. La petite équipe des communications de l’entreprise nous a aussi fait miroiter les idéaux de la compagnie :
Nous pouvons aussi maintenant savoir à qui appartient la compagnie par une liste des actionnaires : la direction nationale détient 8 % des actions, CD Capital en possède 11,5 %, Ressources Québec (gouvernement), 10,5 % et le reste des actions est détenu par des fonds d’investissement mutuels, des caisses de retraite, des petits investisseurs et des compagnies d’assurance.
La sécuritéAprès cette séance d’autopromotion, un peu risible, avouons-le, les îlots se sont faits plus techniques, plus axés sur les craintes amenées par les opposants. Pour entamer ce côté plus précis, ils nous ont confirmé que sur le site, toutes les installations et les manœuvres seraient des plus sécuritaires. Qu’aucune fracturation ne serait réalisée, car le grès de la formation York river est naturellement fracturé et qu’ils allaient tirer le maximum de cette opportunité. La compagnie précise souvent à répétition que tout est aussi mis en place pour assurer la sécurité du site et de l’environnement. Cette dernière est accentuée par des mesures d’atténuation. Par exemple, les tuyaux pour le forage auront un triple coffrage, les sites seront aménagés sur des plates-formes de bois qui, elles, seront sur deux membranes : la première, superficielle, sera non permanente et la seconde, dite permanente, aura une durée de vie d’environ 50 ans.
La foreuseUne autre inquiétude que les citoyens partagent, c’est l’arrivée d’une gigantesque foreuse, un appareil qui arrivera du site de Murdochville (Bourque) pour s’installer à 350 mètres de la dernière habitation (la loi leur permettant de s’établir à 100 mètres des habitations). Cette foreuse se fera déménager en 60 voyages, l’installation prendra une semaine, le forage durera 50 jours, et ce, 24 heures sur 24. Selon les tests effectués au puits de Bourque, la compagnie affirme que le bruit émis par la foreuse directement sur la plate-forme équivaudrait à un petit spectacle de rock. Le bruit occasionné par cette dernière ne devrait pas dépasser les 33 à 47 décibels à 350 mètres et il serait encore plus diminué, car le forage se fera en hiver et que les fenêtres des gens seront fermées. La période de post-forage devrait durer entre un et deux mois pour permettre des tests de longue durée. Pétrolia affirme aussi que la circulation ne devrait en rien être perturbée, car un seul camion devrait passer chaque jour.
Les fluides de forageLes craintes des citoyens touchent aussi tout ce qui a trait aux fluides ou boues de forage. La compagnie tente d’être rassurante en nous indiquant que toutes les boues de forage circuleront en milieu fermé, que tous les fluides et débris seront déposés dans des réceptacles hermétiques et que tout ce qui entre et sort du système sera comptabilisé. Une fois ces derniers déposés dans les réceptacles, ils seront envoyés à la raffinerie pour y être traités. Pétrolia avance aussi que ces fluides de forage seront à base de pétrole, car ce procédé permet de ne pas boucher les pores de la roche lors de l’exploration. Aussi lorsqu’ils foreront, ils utiliseront majoritairement l’eau. Ils utiliseront un volume d’eau atteignant les 130 m3, soit l’équivalent de trois piscines hors terre de 24 pieds de diamètre (!!!).
Leur fluide de forage sera composé de :
Pétrolia assure aussi qu’aucune odeur ne devrait être ressentie aux alentours du puits, car la boue utilisée pour le forage est adaptée et retiendra toutes les émanations qui pourraient s’en échapper.
L’hydrogéologieLa compagnie s’est associée à l’INRS (Institut National de Recherches Scientifiques) pour effectuer des tests sur les nappes phréatiques auxquelles sont branchés certains puits de maison. Ils sont arrivés à la conclusion que, vu la profondeur à laquelle sera fait le forage (entre 1000 et 3000 kilomètres), la nappe phréatique ne devrait en aucun cas être touchée puisque la nappe phréatique se retrouve entre 200 et 500 mètres sous la surface. Il est donc impossible, pour eux, qu’une infiltration et qu’une contamination puisse se produire. Donc, les conclusions amenées par l’INRS démontrent qu’aucun problème ne peut découler du forage.
Les gaz contenus sous terreIl est aussi évident qu’avec le forage du puits de Haldimand 4, des gaz s’échapperont de notre sous-sol. Des gaz comme du méthane et du CO2, reconnus pour être de ceux qui font se réchauffer la planète. Les dirigeants de la compagnie connaissent très bien cette réalité et ils ont pensé les brûler à la torchère. Ils croient ainsi qu’en les brûlant, ils réduiront leur impact sur l’environnement. Leur argumentaire se base sur le fait qu’en transformant en CO2 ou en H2O, ce qui sera perdu se retrouvera mêlé aux gaz que l’on retrouve déjà dans l’atmosphère. De toute façon, ils se targuent d’être verts dans leur exploration, car en transformant les gaz trouvés en dioxyde de carbone, ils sont 21 fois moins polluants qu’en émettant du méthane. Quoi qu’il en soit, lorsque la production commencera, il ne sera plus permis de brûler les surplus de gaz qu’ils trouveront. Ces derniers devront alors être réinjectés dans les réservoirs ou commercialisés et vendus.
Participation à la vie communautaireDepuis plus de sept ans, Pétrolia essaie de mettre la main sur les hydrocarbures du bout du monde et elle tente de faire basculer l’opinion publique de son côté en offrant des commandites à différents organismes (la nouvelle salle de spectacle et la réfection de la cour de l’école primaire, par exemple) et en faisant des campagnes de publicité en distribuant dans chaque boîte aux lettres de la région des brochures explicatives. La compagnie a aussi tenté une apparition à la télévision communautaire en subventionnant une série d’une douzaine de publi-reportages vantant les mérites de l’exploration et de l’exploitation du pétrole.
Les opposants et leur lutte continuentPendant que Pétrolia se faisait une beauté sociale, le comité citoyen Ensemble pour un avenir durable en Gaspésie tenait un petit kiosque discret à l’extérieur des murs, donnant des contre-explications sur la nécessité de refuser la présence pétrolière sur le territoire habité de Gaspé, et offrant aussi aux gens une liste d’une vingtaine de questions à poser aux experts présents. Le comité qui a le soutien de près de 200 membres a fait entendre son opposition en envoyant ces militants questionner et discuter avec les dirigeants. Cette présence anima chez les organisateurs de la soirée une peur des débordements. Dès l’arrivée des militants, les agents de sécurité leur demandèrent de quitter, ce qu’ils refusèrent. Le CA du comité avait fait savoir à la SQ ainsi qu’à l’école secondaire (lieu où avait lieu l’événement) qu’ils seraient présents. Ils avaient même averti Pétrolia. Durant la soirée, une allocution fut faite par Mme Lise Chartrand, présidente et porte-parole du comité. Voici la déclaration :
«Bonsoir,
Chose importante à se rappeler de cette soirée, c’est que la compagnie n’offre aucune garantie aux citoyens de Gaspé. Que ce soit d’ordre économique, environnemental ou social, aucun chiffre ni aucune obligation ne les forcent à respecter ces belles paroles. Ce qu’ils ont à respecter, c’est la seule loi obsolète sur les mines et comme ils se plaisent à dire : le risque zéro n’existe pas!
Source: GaïaPresse |