Record Guinness de l’insignifiance climatique pour le Canada

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Par Patrick Bonin 
Responsable campagne climat-énergie, Greenpeace Canada


Il y a des jours où certains pays n’auraient pas dû se lever. C’était le cas pour le Canada qui, hier, a réussi à établir un triste exploit inégalé. Retour sur cet « exploit ».

 

De l’$ pour les pétrolières pas pour le climat

Le tout à commencé tôt lundi matin alors que Oil Change international a publié un rapport qui compare les subventions que donnent les pays pour soutenir les combustibles fossiles avec celles destinées à l’aide aux pays en développement pour la lutte aux changements climatiques. En moyenne chez les pays riches qui ont été évalués, les subventions aux fossiles sont 5,22 fois plus grandes que celles pour les pays en développement. Évidemment, le Canada dans sa grandeur d’âme a réussi à s’élever au-dessus de la moyenne avec 7,83 fois plus d’argent pour le pétrole et le gaz que pour les pays qui subissent les impacts des changements climatiques et veulent réduire leurs émissions.

 

Le « cruchon » des pays développés

Par la suite, le Canada a hérité du dernier rang des pays développés, suivi seulement du Kazakhstan, de l'Iran et de l'Arabie saoudite, dans l'édition 2013 de l'Indice de performance en matière de changements climatiques (Climate Change Performance Index).

Il est donc au 58e rang des 61 pays dont les politiques en matière de climat ont fait l'objet d'une analyse cette année. L'Indice publié annuellement par Germanwatch et le Réseau action climat Europe (CAN Europe), évaluent les politiques et les mesures gouvernementales de lutte aux changements climatiques. Selon Wendel Trio, directeur de CAN Europe, « des institutions telles que la Banque mondiale et l'Agence internationale de l'énergie réclament maintenant l'adoption de mesures proactives en matière de climat. Dans ce contexte, il est décevant de constater qu'autant de pays demeurent réticents à agir. Le Canada est emblématique de ce manque de volonté. […] ». L'exploitation des sables bitumineux représente le premier obstacle du Canada et l'empêche de respecter les accords internationaux en matière de changements climatiques.

 

Les sables bitumineux menacent les négociations internationales

Mais la journée était encore bien jeune pour notre cher gouvernement… La Délégation Jeunesse du Canada à la COP18 a publié par la suite un intéressant rapport soulignant comment le développement des sables bitumineux met en péril l'engagement du Canada et bloque le progrès climatique à l'international. Le rapport mentionne que  les émissions provenant des projets proposés vont faire que nous dépasserons les limites acceptables pour empêcher d'atteindre la limite des 2°C d'augmentation globale de températures. L'expansion des sables bitumineux a été subventionnée par le fédéral et facilitée par les changements apportés à la structure règlementaire des évaluations environnementales au fédéral.

 

L’amnésie climatique du Canada lui vaut un prix

Finalement, le Canada a aussi publié un court historique de son (in)action climatique au cours des trois dernières années, tentant ainsi d’éclaircir sa position par rapport à sa volonté de maintenir la hausse de température mondiale sous la barre des 2°C.

Malheureusement, l’annonce du gouvernement canadien omet de mentionner son action la plus importante en termes d’engagement aux changements climatiques : marquer l’histoire en étant le premier pays à se retirer officiellement du Protocole de Kyoto. Peut-être que le Canada est mal à l’aise d’avouer qu’il s’est retiré, peut-être que quelques barils de pétrole bitumineux obscurcissaient sa mémoire, mais après tout, le pays négocie toujours sur Kyoto jusqu’à la fin de la présente COP, malgré le non-respect de ses engagements. Nous savons que le Canada est modeste, pas du genre à se vanter quand il laisse tomber, mais une (in)action de cette envergure mérite reconnaissance. Alors, malgré le fait que le Canada ait oublié de le mentionner,  les ONG internationales ont tenu à ce qu’il reçoive néanmoins le crédit qui lui est dû.

C’est ainsi qu’il s’est mérité la 2e place des prix fossiles pour avoir l’un des plus graves problèmes d’amnésie climatique jamais vus. Sérieusement, si on peut oublier s’être retiré du Protocole de Kyoto, qui sait ce qui nous attend!

Avec une telle performance, jumelée à ses cinq titres consécutifs de Fossiles de l'année lors des Conférences annuelles de l'ONU sur le climat, le Canada mérite amplement le Record Guinness de l’insignifiance climatique.

 

 

Patrick Bonin est à la Conférence des Nations unies sur le climat à Doha grâce à une collaboration avec l'AQLPA.

 

Source: Ce texte a d’abord été publié sur le site Greenpeace

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