Photo de Alex Anlicker – Wikipedia commons |
Pétrolia, entreprise bien connue au Québec pour ses activités d'exploration pétrolière et gazière au Québec a annoncé la semaine dernière par voie de communiquéqu’elle a déposé une requête en jugement déclaratoire visant à contester la validité du règlement no. 1205 de la ville de Gaspé sur la protection des sources d'eau de la ville. Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir et d'analyser en profondeur cette requête, mais au-delà des détails de l’affaire, ce dossier soulève de nombreuses questions et met à jour plusieurs problématiques sur la protection de l'environnement au Québec.
Pour ceux qui s’intéressent de près au dossier, la contestation de ce règlement par Pétrolia n’est pas véritablement une surprise. Tout d’abord parce que ce règlement, qui a été adopté en décembre 2012 par la ville de Gaspé et dont une version similaire a été adoptée par plusieurs dizaines de municipalités du Québec, touche un sujet hautement controversé et litigieux. En effet, l’application de ce règlement a eu pour effet de forcer Pétrolia à suspendre celui-ci, qui aurait eu lieu à quelques centaines de mètres de résidences.
Mais encore, la contestation de ce règlement était surtout prévisible parce que les pouvoirs des municipalités pour atteindre les objectifs visés par ce règlement, c’est-à-dire de protéger des sources d’eau de la municipalité, s’insèrent dans une fenêtre d’opportunité qui est restreinte.
Tout d’abord, l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) limite les pouvoirs des municipalités pour règlementer les activités minières sur leur territoire. Dans un second temps, un règlement municipal ne peut pas porter sur le même objet qu’un règlement adopté par le gouvernement provincial en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Il faut toutefois mentionner qu’un tel règlement serait actuellement à l’étude par le gouvernement provincial.
Bien plus que des restrictions à l’encontre des pouvoirs d’action des municipalités pour agir pour la protection de l’environnement, ces éléments sont aussi, particulièrement l’article 246 de la LAU, de véritables carences dans le droit de l’environnement au Québec. En effet, comme mentionné, l’initiative de la ville de Gaspé répond à un réel besoin de protection de l’environnement, mais le cadre juridique actuel ne leur offre qu’un champ d’action plutôt restreint pour agir.
La grande difficulté pour les municipalités d’exercer un contrôle, si minime soit-il, sur les opérations minières, gazières et pétrolières sur leur territoire est héritée d’une vision archaïque de la mise en valeur des ressources naturelles.
Pourtant, la Loi sur le développement durable, laquelle propose d’instaurer un « nouveau cadre de gestion au sein de l’Administration afin que l’exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s’inscrive dans la recherche d’un développement durable » (art. 1), met de l’avant le principe de subsidiarité, selon lequel « une répartition adéquate des lieux de décision doit être recherchée, en ayant le souci de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés concernées » (art. 6 g).
Le dossier du règlement de Gaspé démontre bien l’important fossé qui peut exister entre les grands principes du développement durable, adoptés en grande pompe au cours des dernières années, et la véritable protection de l’environnement au Québec, qui elle, est galvaudée par de nombreux écueils, juridiques et autres.
Il appartiendra aux tribunaux de statuer sur la validité du règlement de Gaspé, mais un fait demeure: le cadre juridique actuel ne permet actuellement pas aux municipalités et aux citoyens de jouer pleinement l’important rôle qui est le leur dans la protection de l’environnement au Québec. Vivement une Loi sur les hydrocarbures et une nouvelle législation minière qui sortiront l’éventuelle exploration et exploitation pétrolière, gazière et minière du carcan archaïque de l’actuelle Loi sur les mines, et qui proposeront une vision de la mise en valeur des ressources naturelles qui est digne du 21e siècle.
Source: Alexandre Desjardins, avocat, Centre québécois du droit de l’environnement