Par Bénédicte Filippi
Elles avaient disparu du paysage montréalais depuis dix ans, mais leur retour cet été au Jardin Botanique crée des remous. Alors qu’une centaine d’employés s’affairent à fignoler les œuvres végétales qui seront présentées dans le cadre des Mosaïcultures, articles et lettres ouvertes s’accumulent pour dénoncer les tarifs imposés par ce spectacle floral. Les atours estivaux du plus grand jardin montréalais justifient-ils une hausse des prix ?
« Oui », tranche la figure de proue des Mosaïcultures, Lise Cormier. « Le prix régulier pour un adulte québécois est de 25$, mais le billet vaut pour deux jours. Une journée peut donc être consacrée aux Mosaïcultures, l’autre au reste du Jardin Botanique », souligne-t-elle. C’est un tout autre son de cloche chez plusieurs résidents montréalais qui dénoncent cette augmentation et s’inquiètent de voir leur accès estival au Jardin menacé.
Or, difficile de faire autrement pour les organisateurs lorsque sont tenues en compte les importantes sommes engagées pour la tenue des Mosaïcultures. Le budget de l’événement est de 25 millions entre autres versés par la Ville de Montréal, Développement économique Canada, Tourisme Québec et Tourisme Montréal. Et l’ambition de l’équipe est d’être rentable. Les organisateurs s’attendent à 1 million de visiteurs et à des retombées de 46,2 millions de dollars.
« Plus qu’un show de fleurs »
Pour y arriver, il faut qu’il y ait spectacle. Ce sont près d’une cinquantaine d’œuvres qui seront présentées à la compétition internationale cette année. « Celle-là, de toutes les éditions, ce sera la plus belle, la plus spectaculaire », promet Lise Cormier. S’il y a dix ans, un bison constituait une œuvre, cette année les organisateurs parlent littéralement de tableaux vivants. L’arbre aux oiseaux, la création emblématique de cette édition en est la preuve. « Avec 56 oiseaux posés sur les branches de l’arbre, le niveau de difficulté se corse considérablement », affirme madame Cormier.
Le sous-directeur de Kadriform, l’entreprise de sculptures d’acier derrière les Mosaïcultures, opine du bonnet. Depuis une décennie, « on est passé d’une activité artisanale à quelque chose de sophistiqué », explique François Gravel. Au fil du temps, le mariage de l’acier et des fleurs s’est raffiné. Les contours des structures se sont précisés, les silhouettes des personnages, affinées. Si bien que l’expertise de l’entreprise de l’Assomption rayonne à l’international. À New York notamment, le nouveau siège social de la Bank of America abrite une arche végétale de 25 pieds de haut signée les artisans de l’Assomption.
Œuvre collectiveL’art de la mosaïculture est complexe. La dessinatrice de l’équipe, Valérie Dupras, en sait quelque chose. C’est elle qui est derrière
la grande majorité des esquisses des œuvres. Pour l’arbre aux oiseaux, elle a dû s’y prendre à quatre ou cinq reprises avant de satisfaire l’œil de la directrice. « Il fallait que ce soit , que les gens soient émerveillés », se souvient-elle. Munie de ses crayons, travaillant l’argile, la jeune artiste donne corps aux œuvres. Depuis plusieurs mois, les esquisses sont épinglées sur le babillard sur lequel est fixé le plan du site des Mosaïcultures. « Le plus gratifiant, c’est de voir que ça prend forme », lance Valérie Dupras en fixant la carte du Jardin. Après leur élaboration, les esquisses atterrissent sur les planches à dessin de l’équipe de Kadriform. Une fois les mesures prises, l’avis des ingénieurs étudié, la structure prend forme. Selon François Gravel, le défi, ce sont les charges. Si l’acier ne créé jamais de surprises, les plantes peuvent en susciter. « On exécute des sculptures à quatre dimensions. La quatrième, c’est la vie », rappelle François Gravel. Pas étonnant donc qu’horticulteurs et soudeurs travaillent en étroite collaboration. Il faut absolument réaliser une structure qui puisse générer un bon rendu végétal.
Côté jardinEt pas question de tourner les coins ronds devant le maître d’orchestre horticole, Normand Francoeur. Dirigeant une vingtaine d’employés dans ses serres à Saint-Lucien, c’est lui qui veille à ce que chacune des structures soit enveloppée d’un treillis métallique qui contienne suffisamment de substrat pour maintenir un couvert végétal. C’est dans cette couche de terreau que l’on installe manuellement les plants. Entre deux et trois millions de plantes seront piquées, selon les dernières estimations de l’horticulteur en chef. À titre d’exemple, l’Homme qui plantait des arbres, mosaïculture culte a fait ses marques au cours des dix dernières années, a requis 800 000 plants.
Pour traverser la saison estivale sans heurts, l’équipe d’horticulteurs a préféré les plantes aux fleurs. C’est le feuillage des plants, pour la plupart tropicaux et semi-tropicaux, qui colorera les robes que revêtiront les mosaïcultures. Et pour durer, il leur faut de l’eau. Un système d’irrigation, le goutte-à-goutte, s’enroulera aux structures. Discret, il permettra l’arrosage régulier des œuvres.
Côté cour« Les œuvres seront installées sur le chemin de ceinture du parc », indique Antoine Crépaud, l’architecte paysagiste de l’équipe des mosaïcultures. Elles jalonneront un parcours de 2,2 kilomètres. « Le plus souvent, elles seront placées là où il y avait des étendues dégagées de gazon », continue-t-il. Cette localisation périphérique des œuvres permet d’éviter le plus possible les perturbations écologiques. Malgré tout, des travaux de construction se sont échelonnés au courant des derniers mois afin de pouvoir accueillir certaines œuvres. Cette phase a généré du bruit et alimenté la méfiance des voisins du Jardin.
Pour apaiser les craintes, Lise Cormier indique qu’ « évidemment, le site sera remis en état. » Du même souffle, la figure de proue des Mosaïcultures souligne que l’exposition est un événement unique et qu’il participera au rayonnement international du Jardin Botanique et de Montréal. « Pour plusieurs Québécois, ce sera également l’occasion de redécouvrir leur Jardin botanique », affirme-t-elle.
Les Mosaïcultures internationales de Montréal seront présentées du 22 juin au 29 septembre 2013. Sous le thème « Terre d’espérance », l’exposition souhaite sensibiliser les visiteurs à la beauté et la fragilité de la Terre. Une vingtaine de pays se batailleront les honneurs de la compétition.
Source : GaïaPresse |