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Lettre ouverte à M. Pascal Gagnon, Directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Roberval (CCIR) et M. Jean-Pierre Boivin, Préfet, MRC Maria-Chapdelaine.
Dans le cadre de l'exercice en cours pour créer de nouvelles aires protégées au Lac Saint-Jean, vos organismes se positionnaient récemment en faveur de la mise en place de ces aires au nord de la limite nordique d'exploitation forestière. Nous présumons que cette position découle de votre désir d'atténuer les impacts économiques des aires protégées. Nous vous assurons que nous partageons également cette préoccupation.
Malheureusement, il n'existe pas de solution magique. La notion de déplacer les aires protégées vers le nord est véhiculée depuis longtemps par l'industrie, sur la base « qu'une bonne partie de la forêt boréale se situe au nord de la limite nordique ». En effet, pourquoi protégerions-nous le sud (là où il y a un impact sur la possibilité forestière) si on pouvait protéger « la même forêt » au nord de la limite, sans impact? La réponse est que justement, il ne s'agit pas de « la même forêt ».
Dans l'élaboration d'un réseau d'aires protégées, il faut considérer « l'irremplaçabilité » de certains écosystèmes – c'est-à-dire protéger les sites qui n'ont pas d'équivalents écologiques ailleurs. En analysant des paramètres bien précis pour la grande région (indice d'humidité relative, productivité primaire brute, densité d'habitat riverain, type de couvert), des chercheurs universitaires ont démontré que certains secteurs au sud de la limite nordique au Lac Saint-Jean ont un indice d'irremplaçabilité très élevé. Autrement dit, ils n'ont pas d'équivalents au nord de la limite.
La même logique s'impose pour le caribou forestier. Certains habitats névralgiques identifiés par les experts de l'équipe de rétablissement – tels les massifs du Manouane, Machisque et Serpent – sont au sud de la limite nordique. Là encore, leur protection n'est pas interchangeable avec des zones au nord. Si des noyaux de conservation ne sont pas établis à ces endroits, le caribou risque d'en disparaître – non pas parce qu'il aura migré vers le nord, mais parce qu'il aura été décimé sur place.
Nous comprenons les préoccupations économiques de votre milieu, et nous ne prétendons pas que l'impact des aires protégées sera nul. Mais de grâce, ayons le courage de faire face aux enjeux écologiques et socio-économiques tels qu'ils existent. Cessons de croire que la limite nordique est une solution magique. Concentrons-nous plutôt sur les approches qui existent pour minimiser l'impact sur la possibilité forestière – tout en créant un réel réseau d'aires protégées au nord comme au sud.
Source: Patrick Nadeau, directeur général de la SNAP Québec