Par May-Lisa Vézina
Analyste pour le Réseau de veille en tourisme
Ce texte a été publié sur le site du Réseau de veille en tourisme
Avec leurs paysages idylliques tournés vers la mer, les territoires insulaires bénéficient d’une attractivité exceptionnelle. Toutefois, la richesse et la spécificité de leur milieu physique contribuent également à leur fragilité.
DES ENJEUX PROPRES À L’INSULARITÉ
Les milliers d’îles disséminées sur la planète comptent parmi les destinations touristiques les plus prisées du monde. Par leurs caractéristiques et leur localisation, ces endroits promettent aux visiteurs un dépaysement inégalé.
Bien que les îles profitent d’un caractère spécial qui les avantage d’un point de vue touristique, ces mêmes particularités engendrent des problématiques auxquelles les destinations continentales n’ont généralement pas à faire face. Les enjeux distincts du tourisme insulaire comprennent:
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une capacité d’accueil limitée en raison de l’espace disponible restreint;
- une forte pression sur les espaces et les ressources naturelles;
- des conflits d’usage exacerbés par la spécificité des territoires;
- une fréquentation touristique dépendante des moyens de transport;
- une pression sur les prix de l’équipement et des services touristiques.
Les effets des changements climatiques menacent particulièrement les zones côtières et entraînent des enjeux majeurs qui nécessitent déjà la mise en place de stratégies d’adaptation et d’atténuation. La modification de la fréquence, de la durée et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes ainsi que l’accélération de l’élévation du niveau de la mer peuvent mettre en péril l’activité touristique.
Vue aérienne des îles Abrolhos (Australie), © Julie Edgley
LE TOURISME DURABLE: UNE APPROCHE NON NÉGOCIABLE
Concilier la fréquentation des visiteurs et la préservation des milieux naturels constitue un défi prioritaire pour un nombre croissant de destinations insulaires. Pour plusieurs de ces îles, le tourisme représente la principale source de retombées économiques et d’emplois, mais il ne contribue pas toujours à l’amélioration de la qualité de vie des résidents. Afin de résoudre cette problématique, les destinations doivent suivre les principes de durabilité.
L’exemple du cap Hatteras
Situé dans la région des Outer Banks en Caroline du Nord, le cap Hatteras est un parc national regroupant des îles et des îlets formant une étroite bande de sable au cœur de l’océan Atlantique. Un pont construit en 1963 afin de faciliter l’accès au parc a toutefois contribué à sa surfréquentation, ce qui a fragilisé les écosystèmes et dégradé l’expérience touristique. Il a fallu qu’un nouveau règlement encadrant la circulation automobile sur la plage soit adopté en 2012 pour mettre un frein à la détérioration du cap.
Vue aérienne de cap Hatteras (États-Unis) © Laura Sturtz, National Park Service
Voici quelques leçons tirées de cette expérience:
- L‘établissement d’un mode de gouvernance et des usages appropriés du territoire permet d’atténuer les problèmes prévisibles.
- Les priorités de gestion doivent être convenues tôt dans le processus de planification; elles servent à déterminer quelles activités seront permises et comment elles seront gérées.
- Les restrictions et l’harmonisation des usages sont nécessaires à la préservation du territoire. Aucune activité unique ou aucun groupe d’usagers ne devrait monopoliser les espaces nécessaires à la protection des ressources.
- La clé du succès relève de la résolution rapide des problèmes. Il faut s’attaquer aux enjeux et aux conflits dès qu’ils émergent.
LORSQUE LE TOURISME ET LA CONSERVATION DE LA NATURE VONT MAIN DANS LA MAIN
Le développement touristique durable peut éveiller la conscience des visiteurs comme celle des résidents et apporter un soutien indispensable à la conservation de la biodiversité. Il est même possible de protéger les ressources naturelles tout en intensifiant les usages récréatifs.
Vue aérienne de l’île Terschelling (Pays-Bas) © Ralf Roletschek
En 1974, la municipalité de l’île Terschelling, située aux Pays-Bas, a créé des politiques intégrées encadrant l’agriculture, la protection de la nature et le développement du tourisme. Grâce à cette vision à long terme et aux mesures qui en ont découlé, la destination a pu doubler le nombre de touristes accueillis tout en augmentant la population faunique. Cette gestion efficace du territoire doit son succès, entre autres, à un plan de zonage basé sur la segmentation des visiteurs (voir le tableau). Les installations ont été aménagées en fonction de chaque catégorie et tenaient compte de la vulnérabilité des différentes aires naturelles.
LE CHARME DES ÎLES, PLUS QUE DES VUES SUR LA MER
Pour développer l’offre hors saison, plusieurs destinations insulaires ont décidé d’adopter une stratégie de diversification des expériences fondée sur la mise en valeur du patrimoine culturel. On retrouve au cœur de cette démarche le partage de la fierté culturelle avec le visiteur, rappelant qu’il ne faut pas réduire la destination à ses paysages invitants. Dans un esprit de durabilité, l’exploitation de cette richesse est accompagnée d’efforts de préservation et engage la communauté dès l’étape de la planification. Un exemple simple: la page dédiée à la découverte des îles sur le site Internet de Tourisme Îles de la Madeleine laisse une grande place aux Madelinots. Dans la section «Portraits de gens d’ici», les résidents peuvent exprimer leur passion pour leur région.
Source: Tourisme Îles-de-la-Madeleine
Encourager la population locale à s’engager est aussi une façon de stimuler les activités entrepreneuriales. L’offre de l’île d’Ouessant, en Bretagne (France), s’est vue renouvelée par une nouvelle vague d’initiatives touristiques inspirées par un désir de valoriser les attributs culturels. Parmi celles-ci, la création de la compagnie Kalon Eusa, qui propose des parcours thématiques variés dont la «sortie algues culinaires» et la balade littéraire «Ouessant, muse des écrivains».
Source: Kalon Eusa
Avec leurs paysages idylliques tournés vers la mer, les territoires insulaires invitent naturellement au bonheur et à la détente. La concurrence internationale accrue oblige toutefois ces destinations à se renouveler tout en s’adaptant continuellement aux multiples défis liés à la durabilité des ressources.
Cette analyse a été produite pour alimenter le site WebEspaceTourismeDurable.com, destiné aux acteurs touristiques de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
Visionnez la vidéo réalisée par l’organisme:
Image à la une: © Julie Edgley
Sources:
– Christine Bouyer, Christine Fortin, Nadège Lombard et Maximilien Simon. «Le développement durable du tourisme dans les territoires insulaires français et la valorisation touristique des espaces naturels littoraux métropolitains», etudescaribeennes.revues.org, 11 décembre 2008.
– Genevieve, Clastres. «Les îles, laboratoire du tourisme durable?», voyageons-autrement.com, 11 juin 2013.
– Lombard, Nadège et Gabrielle Labescat. «Les îles, laboratoires du tourisme durable», revue Espace n°278, février 2010.
– Commission européenne. «Good Practice in Action», ec.europa.eu, s.d.
– Murray, Michael. «Conférence: Iles-de-la-Madeleine – Cape Hatteras: deux territoires aux enjeux similaires», attentionfragiles.org, 16 décembre 2013.
– OMT. «Des experts et des dirigeants politiques demandent de faire du tourisme un instrument clé du développement durable des îles», media.unwto.org, 17 septembre 2013.
– Ravenel, Hugues. «Transport aérien et dépendance au carbone : quel avenir pour les destinations touristiques méditerranéennes?», planbleu.org, 1 avril, 2012.
– Sheldon, Pauline J. «The Challenges to Sustainability in Island Tourism», tim.hawaii.edu, octobre 2005.
Sites Web: