Cessons de récompenser l’exploitation des hydrocarbures

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Par Yanick Touchette
Candidat à la maîtrise en science politique à l’Université de Montréal

 


 

 

Dans son cinquième rapport d’analyse paru en 2014, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) évalue que l’utilisation des combustibles fossiles pour des fins énergétiques a contribué à 69 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiale en 2010. Il s’agit d’une hausse de 12 % par rapport aux données récoltées en 2004. Les auteurs du rapport soulignent également que, lors des quarante dernières années, les émissions de GES reliées aux hydrocarbures ont plus que triplé.

 

Dans cette optique, l’un des vice-présidents du groupe de travail 1 du GIEC, Jean Jouzel, affirmait sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première que si la communauté internationale désire vraiment limiter la hausse de la température moyenne mondiale due aux changements climatiques à 2 degrés Celsius, il faudrait que ses membres s’assurent que pas plus de 20 % des réserves de combustibles fossiles connues à ce jour soient exploitées.

 

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) abonde dans le même sens. En 2013, son économiste en chef, Fatih Birol, confiait au quotidien britannique The Guardian que l’élimination des subventions publiques à la production et à la consommation des hydrocarbures permettrait d’atteindre la moitié de la réduction des émissions de GES nécessaire à l’objectif du 2 °C, en provoquant une réduction de la demande pour le charbon, le gaz naturel et le pétrole.

 

Pourtant, en janvier 2013, le Fonds monétaire international (FMI) publiait un rapport dans lequel ses auteurs estimaient que les subventions publiques accordées à la production et à la consommation des combustibles fossiles en 2011 s’élevaient à près de 1 900 milliards $ américains à l’échelle mondiale. À titre de comparaison, l’AIE estimait, pour la même année, que les différentes industries liées aux énergies renouvelables recevaient 88 milliards $ américains en financement public, soit près de 22 fois moins.

 

Sachant que les données existent et qu’elles sont sans équivoque, qu’en est-il des dynamiques politiques par rapport à ces subventions? En 2009, les États membres du forum de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique, du G20 et de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) s’engageaient à tour de rôle à réduire et à éliminer leurs subventions aux hydrocarbures. Par contre, le rapport du FMI, ainsi qu’un inventaire mis sur pied par l’OCDE et publié pour la première fois en 2013, démontraient qu’encore en 2011 une manne de fonds publics était dédiée au charbon, au gaz naturel et au pétrole.

 

À cet effet, la 20e conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Lima en décembre prochain, sera cruciale. Lorsque les décideurs présents jetteront les bases du futur traité sur le climat qui doit être signé à Paris en 2015, ils devront aborder de front l’enjeu des subventions publiques qu’ils accordent aux combustibles fossiles à l’échelle internationale.

 

Il sera nécessaire, d’une part, de définir clairement ce qui doit être perçue comme une telle subvention et, d’autre part, d’établir une feuille de route visant à mettre en place un mécanisme de surveillance, de rapportage et de vérification du respect d’engagements chiffrés en matière d’élimination de fonds publics dédiés à un secteur de l’énergie responsable de près de 70 % des émissions de GES mondiales. Il faut cesser de récompenser les grands émetteurs.

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