Le juge Martineault de la Cour fédérale a rendu un sévère jugement à l’encontre de la ministre de l’Environnement du Canada, Leona Aglukkaq, qui avait refusé de recommander la prise d’un décret d’urgence en vertu de la Loi sur les espèces en péril pour protéger la rainette faux-grillon (une petite grenouille) dont l’habitat essentiel subissait une menace imminente à La Prairie en Montérégie.
Selon Me Karine Péloffy, du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), « ce jugement fait grandement avancer la notion de rétablissement des espèces menacées au pays. Estimant que la ministre a écarté l’opinion scientifique des experts de son propre ministère d’une manière arbitraire capricieuse, le juge conclut que la logique ministérielle est gravement déficiente et mène à un résultat absurde et contraire à la Loi. À ce titre, la cour condamne l’opacité du processus décisionnel conditionné par le résultat recherché, jugeant que le ministère a mis la charrue avant les boeufs. »
Pour Christian Simard, de Nature Québec : « Après la baleine, la grenouille : le message des tribunaux est clair, que ce soit pour la rainette ou pour les bélugas du Saint-Laurent, les politiciens doivent écouter les scientifiques en matière d’espèce en péril et ne peuvent écarter leur opinion pour expédier des projets ou favoriser un promoteur ».
Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et Nature Québec demandaient l’adoption d’un décret d’urgence afin de protéger la plus petite des grenouilles du Québec, et la plus menacée depuis mai 2013. Les délais indus et les réponses insuffisantes des autorités gouvernementales ont contraint le CQDE et Nature Québec à emprunter la voie des tribunaux pour assurer le respect et l’application des lois environnementales québécoises et canadiennes. Ils ont déposé une demande de contrôle judiciaire en avril 2014. Cette demande se basait sur les divers rapports de l’équipe de rétablissement de l’espèce et de nombreux documents gouvernementaux qui évoquent depuis plusieurs années la situation alarmante de l’espèce et l’insuffisance des mesures législatives en place pour la protéger.
« Depuis le début des procédures, les travaux préliminaires d’un important projet domiciliaire ont débuté et affectent directement la métapopulation de rainette faux-grillon de l’Ouest du bois de la Commune à La Prairie, lequel a déjà subi des pertes supérieures à 50 % depuis le début des années 1990 », a déclaré Christian Simard de Nature Québec.
La ministre de l’Environnement a maintenant un délai maximum de six mois pour reconsidérer si elle recommandera un décret d’urgence à la lumière des motifs du jugement, lequel prévoit spécifiquement qu’elle devra permettre aux parties au dossier de présenter des preuves et des arguments avant qu’une nouvelle décision soit prise dans cette affaire. Dans l’intervalle, le CQDE et Nature Québec demandent au promoteur privé et à la Ville de La Prairie de suspendre les travaux dans l’attente de la décision ministérielle.
Bien que les demandeurs se réjouissent du jugement, Me Péloffy, du CQDE, précise que « la rainette n’est toujours pas sortie du bois. Le Cabinet fédéral pourrait toujours refuser d’émettre un décret d’urgence de protection à son égard et laisser continuer la destruction de son habitat essentiel. Ce faisant, il abdiquerait à son devoir de fiduciaire des espèces menacées et lancerait un très mauvais message. »
« Il faudra continuer à faire preuve de vigilance et à travailler sur toutes les tribunes afin qu’Ottawa et Québec tirent toutes les conclusions de ce jugement et conjuguent enfin leurs efforts pour que la rainette annonce une fois de plus le printemps de son chant particulier à La Prairie l’an prochain, », de conclure Christian Simard de Nature Québec.
Enfin, les demandeurs remercient Me Frederic Paquin et Me Michel Bélanger Bélanger, qui ont mené ce dossier avec brio.
Source: Nature Québec