Par Mizaël Bilodeau
Le gouvernement a octroyé pour 10 millions de dollars de crédits de carbone à 55 entreprises de la province pour des émissions qu’elles n’ont jamais émises.
Il existe au sein de la bourse du carbone un mécanisme permettant au gouvernement d’octroyer des allocations gratuites aux entreprises québécoises exportatrices. Cela permet de « minimiser les impacts sur les entreprises soumises à une forte compétitivité », selon le site du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (MDDELCC).
Depuis 2013, les entreprises émettrices de plus de 25 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) doivent se procurer des crédits de carbone pour leurs émanations. Les chiffres du MDDLCC indiquent qu’elles ont rejeté un total de 36 664 703 tonnes de GES en 2013 et 2014. Le gouvernement leur a pourtant alloué, pour cette même période, 37 607 822 tonnes d’allocations gratuites. Il s’agit de 943 119 droits de pollution octroyés et non utilisés d’une valeur de 10 665 855$.*
« Ces chiffres ne sont pas surprenants. Ça signifie que ces entreprises sont devenues plus efficaces. Ça peut être vu comme une preuve que le marché du carbone fonctionne. » Bertrand Fouss, directeur des comptes de la firme d’expert-conseil ÉcoRessources.
Le MDDLCC a répondu que « l'allocation gratuite est basée sur l'intensité historique des émissions de GES des entreprises. » et qu’elles peuvent recevoir plus de crédits de carbone si elles réduisent leurs émissions.
Un système utile mais une gestion plus ouverte
On ne connaît pas pour l’instant combien chaque entreprise a reçu de crédits ou si certaines en ont bénéficié plus que d’autres. Pour le MDDLCC, ils'agit « d'information de nature privée, jugée confidentielle ». Parmi les entreprises identifiées, on y retrouve des alumineries, de grandes papetières, certaines productrices d’énergie et des minières.
« Il y a de plus en plus de fuites de capitaux dans le cadre du marché du carbone actuel. La façon dont est géré le marché du carbone est alarmante et il est difficile de dire si le Québec va en sortir gagnant », prévient Mathieu Traversy, porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement durable et d'environnement
Christopher Barrington-Leigh, professeur en environnement à l’Université McGill, croit aussi que la bourse du carbone devrait être plus transparente. Il ajoute qu’au Québec, « le gouvernement n’a jamais vraiment eu à exposer clairement le marché du carbone à l’industrie ou la population. »
Le 11 novembre 2015 a pris fin la première période de conformité (2013-2014) et les 55 entreprises ont remis un nombre équivalent de droits d’émissions au ministère du DDLCC. Les 943 119 unités restantes dormiront dans les comptes en ligne du SPEDE (Système de plafonnement et d’échange d’émissions de carbone) et pourront être utilisées pour la prochaine période de conformité (2015-2018) ou celles ultérieures.
*Calculé en fonction du prix moyen de la tonne de carbone qui était de 10,75$ en 2013 et 11,96 en 2014.
Mizaël Bilodeau pour GaïaPresse