Selon certains expert·e·s et écologistes, fixer un prix sur la nature constituerait le meilleur moyen pour la préserver. Une brochure de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS) remet en question cette méthode.
« Pensons à la ceinture verte de Montréal, qui procurerait des biens et services écologiques d'une valeur de 4,3 milliards de dollars par année. Ou encore aux gaz à effet de serre qui seront émis sur Anticosti advenant une exploitation des hydrocarbures : on estime leur valeur à 2,8 milliards tandis qu'on s'attend à 12,6 milliards de dollars en retombées économiques. Ce que les experts et les écologistes friands de ces méthodes sont moins enclins à admettre, c'est à quel point ces chiffres sont arbitraires », affirme Céline Hequet, chercheure-associée à l'IRIS et auteure de la publication.
En effet, comment calcule-t-on les dommages causés à la faune et à la flore par les changements climatiques? « La réponse est beaucoup plus simpliste que ce à quoi on pourrait s'attendre. La plupart du temps, on utilise un sondage pour demander aux gens combien ils seraient prêts à payer pour préserver tel élément de la nature dans son état actuel. Parmi ceux et celles qui acceptent de répondre – souvent moins de la moitié des personnes sondées -, plusieurs ont de la difficulté avec ces exercices abstraits et répondent davantage en fonction de leurs convictions qu'en fonction de leur capacité de payer effective. Comment évaluer un écosystème que l'on n'a jamais vu, ou que l'on ne connaît pas bien? », s'interroge Céline Hequet.
« Demandons-nous si mettre un prix sur la nature ne permet pas plutôt aux gens et aux industries en moyen de s'acheter le droit de polluer. Si la ceinture verte de Montréal "vaut" 4,3 milliards de dollars, il devient plus aisé pour un promoteur d'en négocier l'achat d'une section. Ou si les émissions attribuables à l'exploitation des hydrocarbures sur Anticosti "ne valent que" 2,8 milliards de dollars, alors il suffit aux compagnies pétrolières d'offrir assez en impôts et en redevances pour compenser, et le tour sera joué pour faire passer le projet », soutient l'auteure.
« Alors qu'il devient de plus en plus difficile de limiter les dégâts à un réchauffement de 2 °C, peut-être est-il temps d'interdire tout simplement certains niveaux d'émissions, de pollution ou de destruction de la nature, et d'éliminer toute possibilité de dédommagement monétaire. Les règles seront les mêmes pour tout le monde, et riches comme pauvres devront s'y soumettre. S'acheter le droit de polluer deviendra tout bonnement interdit », conclut la chercheure.
L'évaluation monétaire de la nature est disponible gratuitement sur www.iris-recherche.qc.ca.