Le ski, c’est fini ? Quand le sport et l’environnement se rencontrent

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Par Louise Hénault-Ethier, Chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki et Alex Piche, chroniqueuse sportive

Tandis que le printemps s’installe pour de bon, au grand bonheur des citadins, les amateurs de sports d’hiver amorcent le deuil de la fin de la saison de glisse. Passionné(e)s de sport ou d’environnement se sont rencontrés pour dresser un portrait de cette fin de saison, mais cette fois-ci ils n’étaient pas sur les pistes comme convenu — la pluie ayant entraîné une fermeture impromptue des stations comme St-Sauveur ou Bromont qui défient normalement et habilement le printemps avec leur abondant enneigement artificiel. Est-ce que l’industrie du ski est menacée par les changements climatiques?

Raccourcissement de la saison enneigée

On a souvent l’impression que les bancs de neige étaient plus grands quand on était petits qu’aujourd’hui. Selon un article de l’agence Science Presse, ce n’est pas seulement parce qu’on a grandi que l’on a l’impression que les bancs de neige rapetissent. À Montréal, la normale historique serait d’environ 210 cm de neige par année, mais l’année 1970-1971 aurait marqué un record avec 383 cm. Depuis les années 70, c’est la dégringolade comme le confirme le consortium Ouranos : l’épaisseur de neige dans le sud du Québec diminue et la saison enneigée raccourcit.

Le premier club de ski au Canada serait né à Montréal en 1904. Mais depuis quelques années, l’avenir de ce sport est en mutation, notamment en raison des changements climatiques. Qu’est-ce que ça veut dire pour les amoureux de sport de glisse?

D’une part, les stations ouvrent de plus en plus tardivement. S’il était courant d’aller skier dès novembre avant, les stations sont maintenant seulement partiellement ouvertes, et seulement sous couvert de neige artificielle, pour la saison des fêtes. Et ce ne sont pas seulement les sportifs amateurs qui en pâtissent… Il y a des impacts pour les athlètes professionnels et pour l’industrie.

Bon nombre de compétitions sont maintenant déplacées à cause du manque de neige. Prenez une compétition amateur qui devait se dérouler à Belle Neige samedi le 9 avril 2017. Les pluies abondantes de la semaine précédente ont forcé le report de la compétition au dimanche pour permettre de finaliser les préparatifs dans le snowpark et sur la piste de boarder cross. Par chance, la météo de dimanche était radieuse!

Mais parfois, les organisateurs doivent simplement canceller des événements d’envergure. Pour la première fois en 29 ans, la Fédération Internationale de Ski a dû annuler l’un des plus importants événements au Canada. Cet événement est traditionnellement tenu à la fin novembre à chaque année dans l’ouest canadien, à Lake Louise. Pour la compétition de descente masculine du 26 novembre 2016, les températures étaient trop souvent au-dessus du point de congélation, alors la fabrication de neige a été impossible. L’événement attendu par des centaines d’athlètes et devant être diffusé par des médias internationaux a simplement été annulé. Fait cocasse : en 2014, l’événement avait plutôt été retardé d’une journée parce qu’il y avait eu trop de neige juste avant la compétition. On avait besoin de plus de temps pour refaire la piste après une bordée de 55cm! Ça montre bien qu’il faut se fier aux tendances à long terme pour comprendre le phénomène des changements climatiques, car il peut y avoir une grosse variation d’une année à l’autre!

Lors des derniers Jeux olympiques de Sotchi, les organisateurs ont été contraints de faire venir des camions de neige parce qu’il n’y en avait pas assez pour les compétitions. En Chine, certaines compétitions de ski acrobatiques sont actuellement tenues dans des stades intérieurs, comme le Nid d’Oiseau. Alors les journalistes s’interrogent sur la possibilité de tenir des jeux olympiques d’hiver à Pékin en 2022! Ces événements internationaux devraient remettre en question le choix des dates et villes hôtes. C’est certain qu’un jour il va falloir mieux choisir les villes où se tiennent les jeux olympiques pour éviter ce genre d’aberration.

S’adapter et lutter contre les changements climatiques

Ceci pousse des athlètes et l’industrie à s’impliquer non seulement dans l’adaptation, mais aussi en amont, dans la lutte aux changements climatiques. Des athlètes locaux et internationaux s’investissent dans la cause. Parmi les Québécois, Marie-France Roy a produit un film inspirant en 2014 (The Little Things). On y présente des initiatives de riders pour l’environnement. Tamo Campos, un planchiste, aurait passé un hiver complet sans utiliser d’essence pour ses déplacements. Selon une analyse québécoise, le transport des adeptes, suivi du transport des employés des stations, représenteraient 60 à 80% des impacts climatiques d’une station de ski. M. Campos aurait converti son camion F250 pour rouler à l’huile de friture recyclée à travers toute la Colombie-Britannique.

Il y a aussi des innovations pour lutter et s’adapter aux changements climatiques au Québec. La randonnée dans l’arrière-pays, aussi appelé backcountry ou seeking powder, est un sport qui gagne en popularité au Québec. On le pratique pour la forme physique, mais aussi parce que monter les montagnes à pied émet moins de gaz à effet de serre. Pour contrer l’érosion des amateurs qui sillonnent la forêt hors-piste, les montagnes comme Sutton, Tremblant et Mont Édouard, balisent maintenant des secteurs dédiés. Il y a même le Mont Alta, une coopérative de skieurs, qui opère un centre de ski sans aucune remontée mécanique!

Les stations de ski ont aussi réalisé diverses études pour quantifier leur impact, afin de mieux cibler leurs actions. La firme Ellipsos aurait réalisé une analyse de cycle de vie d’une vingtaine de montagnes pour l’Association des Stations de Ski du Québec. Bien que l’étude ne soit pas publique, les résultats démontrent que c’est le transport de personnes qui a le plus grand impact dans les opérations, et les centres de ski ont donc lancé il y a quelques années une campagne ”Coupe ton moteur” pour éliminer la marche au ralenti dans les stationnements.

L’électricité est un poste de dépense majeur pour les stations de ski puisqu’une majorité sont pourvus de remontées et de canons à neige électriques. Pour réduire la consommation de carburant, on fait maintenant appel à des dameuses dont les moteurs sont beaucoup plus efficaces et qui font du travail de précision guidé par GPS, pour éviter de repasser deux fois sur les mêmes traces, et ainsi économiser davantage de carburant. Ces engins peuvent aussi mesurer l’épaisseur du couvert neigeux et cibler la production de neige artificielle aux bons endroits.

«L’Association des stations de ski du Québec et les centres de ski ne restent pas les bras croisés!» affirme Gabrielle Larose, chargée de projets sénior. Ils ont entre autres adopté une charte de développement durable en 2016. Sur la côte est, la station Whiteface a été la première à se joindre au mouvement 100% committed ou I am Pro Snow et mentionnait sur son site web que l’année dernière, 100% de l’énergie utilisée par la station étaient issue de sources renouvelables. Il y a aussi le mouvement Protect our Winters qui regroupe l’industrie et les athlètes de tous les sports d’hiver. Au Québec, Mont Orford, Sutton et Tremblant ont adhéré au programme américain Sustainable Slopes.

Malgré les adaptations à un climat changeant, les amateurs de planche à neige doivent tout de même faire face à la fin de la saison. Pour ceux qui n’ont pas encore remisé leurs skis, et qui désirent étirer le plaisir, le Mont Saint-Sauveur devrait encore fermer le bal vers la mi-mai 2017.

Source : Fondation David Suzuki

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