Jeudi le 8 février 2018, le gouvernement Trudeau a présenté son projet de loi sur l’évaluation environnementale (projet de loi C-69). Voici les réactions de deux experts: Karel Mayrand, de la Fondation David Suzuki, et Me Karine Péloffy du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).
La réforme proposée du processus d’évaluation environnementale fédérale comporte des améliorations et des occasions ratées
Montréal, le 9 février 2018 — La réforme des lois encadrant le processus d’évaluation environnementale fédérale proposée hier inclut des améliorations sur certains aspects, mais soulève aussi des inquiétudes sur bon nombre d’autres.
Pour Karel Mayrand, directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, « C’est la meilleure occasion qu’ait eu le Canada depuis une décennie de moderniser ses lois environnementales et de ramener la science au cœur des processus décisionnels. Même s’il est prématuré de mesurer les impacts des lois proposées, certains changements semblent aller dans la bonne direction tandis que d’autres manquent délibérément d’ambition. »
Du côté des améliorations, le projet de loi omnibus C-69 introduit des mécanismes pour considérer les effets régionaux cumulatifs des projets, au lieu de les évaluer de façon isolée. Dans le même sens, la création d’un registre public permettra de faire un suivi plus serré des projets potentiellement nuisibles à l’environnement.
« Pendant longtemps, les citoyens n’ont pas été informés des projets qui s’implantaient à côté d’eux. Ce ne sera plus le cas. La définition d’un rôle plus formel pour les Autochtones constitue aussi une amélioration, mais il reste à confirmer l’appui des Premières Nations à cette proposition, tout comme sa conformité avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones que le fédéral s’est engagé à respecter », a ajouté Karel Mayrand.
D’autres éléments dans le texte proposé soulèvent des inquiétudes. « On est en train de manquer une occasion de régler les problèmes les plus graves créés par le gouvernement conservateur en 2012, ceux mêmes qui ont engendré un manque d’articulation entre les différentes lois environnementales. Nous avons demandé que le mécanisme reliant les différentes lois environnementales soit rétabli. Cela n’a pas été fait, et des lacunes importantes subsisteront dans la protection de l’environnement. »
D’autres questions restent sans réponse dans le dossier de l’énergie. « Je suis perplexe devant la possibilité que les offices sur les hydrocarbures continuent d’être impliqués dans le processus d’évaluation environnementale des grands projets », conclut M. Mayrand.
Source: Fondation David Sukuzi
Projet de loi C-69: un pas en avant, mais encore du chemin à faire
Montréal : Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) considère préliminairement que le projet de loi C-69 portant réforme des mécanismes d’évaluations fédérales constitue un pas en avant mais qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour rétablir la confiance du public et la protection effective de l’environnement
Pour Karine Péloffy, directrice du CQDE, « plusieurs éléments sont porteurs d’optimisme, tel que la participation publique plus tôt dans les processus et plus ouverte quant aux évaluations de pipelines en plus de l’encouragement de procédures plus informelles, qu’on peut espérer à l’image du BAPE au Québec. De plus, le gouvernement fédéral a fait de bonnes avancées concernant les facteurs d’évaluation comme les effets cumulatifs, les alternatives au projet et les engagements à l’égard des changements climatiques, des lacunes évidentes de l’ancien régime. »
« La création d’une agence unique d’évaluation d’impact est aussi un pas dans la bonne direction, mais il est déplorable que les organismes de règlementation de pipelines et d’énergie nucléaire détiendront au moins un poste dans les examens conduits par commission. Le gouvernement a aussi manqué l’opportunité d’inclure des mécanismes cruciaux, comme des évaluations environnementales stratégiques requises par la loi, tel que l’a inclus la modernisation de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec. » d’ajouter Me Péloffy.
Il est par ailleurs difficile de se prononcer sur l’impact global du projet de loi de près de 400 pages puisque nous ne savons toujours pas quels projets seront soumis au nouveau régime d’évaluation, la liste de projets désignés devant faire l’objet d’une consultation distincte.
Le gouvernement fédéral a aussi annoncé la tenue prochaine d’une évaluation d’impact stratégique fédérale afin de répondre au besoin urgent de clarté et d’uniformité sur la façon de tenir compte des changements climatiques et de l’Accord de Paris dans les évaluations de projets, une demande que pilotait la directrice du CQDE au sien du comité consultatif multilatéral avisant la Ministre.
Le diable étant souvent dans les détails, le CQDE continuera son travail d’analyse et commentaires du volumineux projet de loi afin d’assurer que ses faiblesses soient corrigées durant le processus législatif.
Source: Centre québécois du droit de l’environnement