À Washington, d’anciens détenus se sont lancés dans l’agriculture communautaire pour retrouver autonomie et bien-être, nous raconte notre chroniqueur.
Seul un Américain sur dix mange chaque jour la quantité de fruits et légumes recommandée par les autorités sanitaires, et ce sont les plus pauvres qui en consomment le moins. A Washington, par exemple, les habitants du quartier de Clay Terrace n’ont pas accès aux produits frais, et rares sont les supermarchés qui viennent s’implanter dans cette zone mal famée qui compte près de 70 000 habitants, pour l’essentiel des Africains-Américains. Au milieu des tours d’immeubles, un jardin communautaire a vu le jour entre un bras de fleuve et un nœud d’autoroutes.
Natif de Washington et diplômé en agronomie, Xavier Brown est un quadragénaire barbu au physique de lutteur sereer. Les pieds dans la boue, il enseigne aux habitants le travail de la terre, les variétés de semences, le cycle des saisons. Ce retour à la terre est aussi une plongée dans l’histoire africaine-américaine, qui s’est sédimentée dans les champs de coton. L’agriculture urbaine prônée par Xavier Brown est une manière de prendre le contrôle de sa vie, en commençant par regagner son autonomie alimentaire, synonyme de dignité et de respect retrouvés. Dans ce jardin, les soucis sont mis en suspens. Oubliés le stress du quotidien, la violence urbaine et les traumas de l’incarcération de masse !
Des haricots venus d’Afrique centrale
Xavier Brown a étudié les pratiques agricoles des peuples autochtones amérindiens et a recueilli le legs d’anciens esclaves pour mettre au point son projet, baptisé Soilful City. A la tête d’une équipe de six anciens détenus, il a construit un gigantesque silo à compost en bois, qui fournit près de 550 kg par mois d’ « or noir » à partir de déchets alimentaires.
Source : Le Monde Afrique, Auteur : Abdourahman Waberi
Crédit photo : Soilful city