Jeudi 10 mai, lors du « Rendez-vous Collectivités Viables » organisé par Vivre en Ville au Centre des Sciences de Montréal, l’homme d’affaires Alexandre Taillefer a évoqué la nécessité de soutenir les commerces de proximité en leur offrant une plateforme de vente en ligne. Selon lui, cette forme de commerce se ferait le complément des ventes physiques, et s’appuierait sur un réseau de livraison collectif utilisant les infrastructures québécoises existantes.
Lors de cette conférence d’une heure, Alexandre Taillefer a dénoncé les effets pervers du développement du commerce en ligne et des grandes surfaces, citant en exemple l’appauvrissement collectif causé par le développement de géants comme Amazon et Wallmart. En effet, en proposant des produits perçus comme moins chers et des facilités de préparation de commande ou de livraison, ces entreprises captent la clientèle des commerçants locaux. Ceux-ci se voient parfois contraints de fermer, et leurs employés sont remplacés par des personnes sous-payées en charge des caisses dans les grandes surfaces, et des caristes aux conditions de travail difficiles dans les entrepôts. Ainsi, le profit généré par ces grandes surfaces et vendeurs en ligne est ôté aux acteurs de la vie économique locale, qui deviennent plus pauvres. Cependant, insiste-t-il, « l’avantage du prix est une illusion, ainsi que celui de la rapidité ». Si l’on compare un panier d’achat sur Amazon avec les mêmes produits chez un marchand local, « le commerce local est 12% moins cher. Et pour les livraisons, ne pourrait-on faire mieux en utilisant les infrastructures de distribution existantes?»
Il met également en cause l’exploitation de toutes les données que les consommateurs fournissent aux sites de vente : « les données sortent des contrées sans aucune règle ! Leur aspect personnel n’est pas protégé. L’appauvrissement collectif est également dû à la non protection de ces données qui sont exploitées à l’extérieur du territoire. »
Sa solution est de combattre le feu par le feu, car, poursuit-il, « on ne peut endiguer le phénomène des achats en ligne ». Il prédit que 15 à 20% des achats seront faits en ligne dans les années qui viennent. Dès lors, la réponse serait plutôt de faire en sorte que ces achats en ligne profitent aux commerces locaux en lançant un « Amazon québécois ». « Cela permettrait de proposer des produits des commerces locaux en ligne et de les livrer. On pourrait le faire par exemple en installant des casiers de dépôt disposés dans les stations de métro, gares de train, de bus, caisses populaires, et en partageant les réseaux de camions existants. »
Quelques objections s’élèvent dans la salle : est-ce que ce commerce en ligne ne risque pas d’aggraver les difficultés des commerces de détail ? « Cette plateforme ne ferait pas fermer les boutiques car tout le monde a besoin d’un sentiment d’appartenance à une communauté, d’un quartier où se promener et faire ses achats », répond-il. Au contraire, elle permettrait de « faire face aux taxes foncières de plus en plus lourdes, et de rapatrier au Québec les achats effectués hors province à l’heure actuelle ». Le sujet de la protection des données en inquiète d’autres ; il propose que la plateforme soit gérée par la province, et que les données récoltées lors de la connexion des clients soient utilisées de façon anonyme.
Les sources de revenu permettant de financer cette plateforme – l’espace publicitaire et la monétisation des données – seraient gérées par une coopérative citoyenne.
Au sujet de l’auteure: Bérénice La Selve est étudiante en environnement. Elle aime manger (elle dévore même des livres), boire et dormir. Elle s’intéresse aux questions de gestion des déchets et d’approvisionnement responsable, et s’inquiète de savoir comment on peut continuer à manger des bonnes choses, en grandes quantités, de façon durable.
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