Par Dorothée Moisan, journaliste pour Reporterre
Tous les jours, l’envoyée spéciale de Reporterre raconte les coulisses, les anecdotes et les coups de théâtre de la COP24, qui se déroule en Pologne, du 2 au 14 décembre.
Au 5e jour de la COP, la question des Gilets jaunes s’est invitée à Katowice, où le « cas français » divise. Tandis que certains y lisent la nécessité à mieux communiquer autour des politiques climatiques, d’autres, comme les travailleurs polonais du charbon, s’en saisissent pour défendre le maintien des énergies fossiles.
La journée a commencé par une rencontre aussi inattendue que fortunée. Alors que je préparais le programme de la journée dans cette salle de presse reculée, je suis tombée nez à nez avec le président polonais de la COP, Michal Kurtyka. J’ai donc tenté ma chance. En français, puisque le jeune (45 ans) et sémillant vice-ministre de l’Environnement a fait ses études en France, sur les bancs de Polytechnique. Je lui ai demandé ce qu’il pensait de la crise française des Gilets jaunes et s’il ne craignait pas qu’un tel événement n’écorne les ambitions de certains États. En dépit d’une attachée de presse qui le tirait sans cesse par la manche pour l’encourager à partir, il a tenu bon et m’a gentiment répondu que cette question n’avait pas d’incidence sur la COP, puisqu’il s’agissait d’un « problème national ». National, national, mais ça a tout de même un lien direct avec le message de la « transition juste » qu’il porte depuis dimanche, non ? C’est vrai, a-t-il reconnu, et d’ailleurs, « l’exemple de la Pologne montre qu’on peut mener une politique en accord avec sa population, même si c’est une politique difficile ». C’est à ce moment-là que je lui ai rappelé que la Pologne, avec une électricité produite à 80 % grâce au charbon, n’était pas véritablement engagée dans ce qu’on pouvait qualifier de transition énergétique.
« N’oubliez pas le point de départ », m’a-t-il répondu, justifiant la situation actuelle par « la folie des grandeurs des communistes ». « Notre mix est hérité de décisions qui étaient planifiées à Moscou. » La Pologne a donc misé sur le seul charbon, « alors que tous ses voisins avaient la diversité des mix : Lituanie, Tchéquie, Slovaquie, Ukraine… Tous avaient des centrales nucléaires, sauf la Pologne ». Cette dernière étant dotée d’« une surcapacité d’usines de production d’électricité relativement neuves fonctionnant au charbon, il faut un petit peu de temps pour engager un changement ».
La crise française est un argument idéal pour justifier le malaise social et discréditer tout effort de transition énergétique, présentée comme inéquitable
D’ailleurs, s’est-il défendu, la source qui sera la plus développée dans le mix polonais dans les années à venir sera le photovoltaïque. Un mégawatt sur quatre de la puissance installée en 2035 viendra du photovoltaïque ». Cependant, la Pologne a autorisé il y a peu la construction d’une nouvelle centrale à charbon.