Partout dans le monde, le sacrifice de territoires sur l’autel du développement économique pousse les communautés locales à entrer en lutte. Manifestations, pétitions, actions juridiques, campagnes de désinvestissement… les moyens d’action se multiplient et les liens internationaux se renforcent face à une violence accrue.
Après près de vingt ans de bataille, de pétitions, de blocages, de marches, et de lobbying, les peuples Awajún et Wampis d’Amazonie péruvienne ont enfin remporté une victoire. Le 20 août dernier, la cour d’appel de Lima a ordonné la suspension des activités pétrolières menées par les compagnies françaises Maurel & Prom et Perenco dans la jungle, au motif que « le droit à la consultation préalable, libre et informée »n’avait pas été respecté. Un petit pavé dans la grande mare de l’or noir amazonien. D’après un rapport du Secours catholique et du CCFD-Terre solidaire en 2012, 80 % de la forêt péruvienne était en concession au profit de l’industrie pétrolière. « Cette situation a généré de fortes mobilisations des communautés locales, précise Sara Lickel, du Secours catholique. Les luttes se sont développées, parfois avec des situations de violence. » En mai 2015, l’ONG dénombrait 143 conflits socioenvironnementaux, et au moins 9 assassinats de défenseurs de l’environnement.
« Sur la dernière décennie, on a assisté à une explosion des projets miniers et pétroliers, dit Juliette Renaud, des Amis de la Terre. Ces projets sont de plus en plus grands, avec des effets de plus importants sur le plan social comme environnemental, des accaparements de terres et des violations des droits humains ». Et ce dans les pays du Sud comme dans ceux du Nord. « Des mines de charbon se développent en Afrique du Sud, en Indonésie, mais aussi en Australie ou en Allemagne », précise-t-elle.
Une recrudescence qui s’explique par des logiques spéculatives : « Avec la flambée des prix des matières premières, de nombreux projets se sont développés suivant un pur calcul financier », explique-t-elle. Sans compter que, les ressources se faisant plus rares, moins accessibles, il faut aller les chercher plus loin, avec des techniques de plus en plus invasives : gaz de schiste, sables bitumineux, gaz de couche. « Les taux de concentration des métaux ou du charbon sont beaucoup plus faibles, il faut donc extraire énormément pour obtenir un peu de matériau, cela pousse au gigantisme », conclut Juliette Renaud.
« Les batailles climatiques ne sont pas, au départ, vécues comme des luttes écologistes »
« C’est une fuite en avant, dit Jean-Baptiste Cousin, du CCFD-Terre solidaire. Les acteurs privés, souvent appuyés par les gouvernements, investissent massivement dans de grands projets d’infrastructure en lien avec l’énergie, que ce soient des plateformes pétrolières, des mines ou des barrages. L’environnement est complètement sacrifié sur l’autel du développement économique. » Outre l’industrie des énergies fossiles, nombre de communautés voient leur territoire accaparé, déboisé et recouvert de soja, pour le bétail, ou de cultures destinées aux agrocarburants.
Face à ces agressions tous azimuts, « les batailles climatiques ne sont pas, au départ, vécues comme des luttes écologistes, mais comme une défense des terres, des conditions de vie, observe Juliette Renaud. C’est dans un deuxième temps que vient la politisation des communautés locales, qui voient la dimension globale de ce qu’ils vivent ». Locale, la résistance s’élargit souvent d’abord au pays, à travers le soutien d’organisations nationales, qui peuvent ensuite faire le lien avec l’échelon international.
De la Patagonie à l’Alaska, du cap de Bonne-Espérance au delta du Nil, des steppes d’Asie centrale aux îles d’Asie du Sud et jusque sur notre Vieux Continent, les territoires en lutte se comptent ainsi par centaines. Il y a ceux devenus des symboles, comme la forêt de Hambach, en Allemagne, ou Standing Rock, aux États-Unis. Mais « toute la planète est concernée, note Sara Shaw, de Friends of Earth International. On trouve des mines de charbon en Indonésie ou en Afrique du Sud ; du gaz de schiste en Colombie, en Argentine ; des plateformes pétrolières en Algérie, au Nigeria, en Amazonie ; du gaz offshore en Mozambique… sans oublier les luttes contre la déforestation en Asie et en Amérique latine. »
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