Par Johanne Dion
Co-fondatrice du Comité richelois pour une meilleure qualité de vie
Mots clé : agriculture, Rapport Pronovost, Québec. Deux récentes annonces concernant la gouvernance provinciale ramènent dans l’actualité le Rapport Pronovost sorti en février 2008 et rédigé à la suite de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois. Le message de la Commission Pronovost était assez clair : il fallait changer la façon de pratiquer l’agriculture au Québec. Au début de mars 2009, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a mandaté un consultant-expert pour rédiger sa future politique agricole. Il s’agit de Michel Morisset, économiste, directeur du Groupe de recherche en économie et politique agricoles (GREPA) de l’Université Laval et président fondateur du Groupe AGÉCO, un bureau de consultants qui travaille en étroite collaboration avec l’agro-industrie. À la fin de mars 2009, Michel R. St-Pierre, un haut fonctionnaire dont une grande partie de la carrière s’est déroulée dans les ministères et les sociétés parapubliques agricoles, a produit pour le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles, l’ASRA, un rapport sur une nouvelle formule de financement qui aiderait tous les secteurs de l’agriculture. Ce rapport est le résultat d’un mandat confié par le premier ministre Jean Charest pour redéfinir les modes d’intervention de l’État en matière de sécurité du revenu dans le domaine de l’agriculture, au moyen de l’outil qu’est la Financière agricole.
Au cours des audiences itinérantes de la Commission Pronovost, j’ai plaidé pour l’agriculture que j’aimerais voir autour de moi, en Montérégie. Ces deux annonces m’en donnent encore une fois l’occasion, car j’aime l’agriculture, mais pas n’importe laquelle, pas pratiquée n’importe comment.
Une agriculture nourricière
J’aime l’agriculture qui nourrit sa terre, ses vers, ses micro-organismes. J’aime l’agriculture qui laisse composter les crottes de ses animaux avec la litière, pour en faire un beau mélange fertile et odorant. Je n’aime pas l’agriculture qui répand du purin corrosif en octobre et en novembre, quand les plantes entrent en dormance au Québec.
J’aime l’agriculture qui alterne ses champs de fruits, de légumes, de céréales, ses vergers, ses pâturages; l’agriculture qui respecte ses bandes riveraines et ses bandes de délaissement. J’aime l’agriculture qui tolère les bosquets, les arbres, les boisés et les milieux humides. Je n’aime pas entendre des agriculteurs dire que les arbres sont des nuisances et les cours d’eau, des obstacles. Je n’aime pas l’agriculture se limitant aux monocultures génétiquement modifiées qui désertifient notre campagne, qui a coupé tous les arbres, qui descend le soc de la charrue jusque dans le milieu des fossés. Je n’aime pas entendre un cultivateur se vanter de « cultiver le poisson » et trouver ça drôle.
J’aime l’agriculture qui laisse le bétail brouter au grand air, les poules picorer dans le potager, les oiseaux manger les insectes, les abeilles et les papillons butiner et se nourrir du nectar, sans craindre les pesticides sur ou dans les plantes agricoles. J’aime l’agriculture qui respecte les écosystèmes et les cycles de la vie.
J’aime l’agriculture qui considère ses clients comme ses amis, et qui aime mieux nourrir le voisin que le marché de l’exportation. J’aime l’agriculture qui reconnaît ses erreurs de parcours et s’adapte aux demandes parfaitement légitimes de ses clients et de ses concitoyens. J’aime l’agriculture quand elle permet aux petits propriétaires terriens de survivre et leur laisse le droit d’exploiter leur terre comme bon leur semble. J’aime l’agriculture qui respecte le petit cultivateur et la relève en ne les forçant pas à devenir plus gros, à s’endetter et à devenir esclaves d’un intégrateur.
Quoi qu’en disent certaines personnes, j’aime l’agriculture, mais pas n’importe laquelle. J’aime l’agriculture qui respecte les besoins de la terre, des plantes, des animaux et des humains. Je n’aime pas le monstre que l’industrialisation a créé, qui ne s’attache qu’au rendement, sans tenir compte des produits fossiles brûlés ou épandus, du gaspillage, de l’aide financière, de l’érosion de la couche arable du sol et de la grogne de ses voisins.
Je ne suis pas la seule à penser ainsi, il y a l’Union paysanne, les fermes bios, les paniers du paysan et les éco-marchés, et c’est bien ainsi. Et il y a encore beaucoup de changements à faire : je continuerai à les demander.
Par Johanne Dion
Co-fondatrice du Comité richelois pour une meilleure qualité de vie
Johanne Dion, native et riveraine de la ville de Richelieu, cultive pour sa table des petits fruits et légumes biologiques, tout en étant membre d’ÉcoMarché de solidarité régionale. Elle milite pour l’assainissement de la rivière Richelieu depuis 1985, ce qui l’a amenée à cofonder le Comité richelois pour une meilleure qualité de vie (CRMQV) en 2005 pour protester contre l’implantation d’une porcherie industrielle dans sa ville. Ornithologue amateur, elle participe au programme de surveillance Attention Nature, de Nature Canada, tout en étant bénévole pour l’organisme Conservation de la nature et la Fondation David Suzuki. Elle a collaboré au livre « Porcheries! La porciculture intempestive au Québec », et elle est membre de GaïaPresse. Son plus fervent désir est de pouvoir se baigner de nouveau dans la rivière Richelieu un jour, comme elle le faisait dans son enfance.
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